Pour sauver la France, Macron divise l’Europe

En 2017, le président français nouvellement élu Emmanuel Macron a présenté sa grande vision du rôle de la France dans l’avenir de l’Europe. Prenant la parole à Sorbonne Université, il a déploré que les Européens concentrent toute notre énergie sur nos divisions internes. Il a mis en garde contre la perte de nos débats dans une guerre civile européenne, ce qui signifie par là des désaccords sans fin au sein de l’Union européenne sur les ressources financières et les contraintes budgétaires. Pour créer une Europe forte capable de diriger sur la scène mondiale, Macron a proposé sa solution : une UE centralisée avec un modèle politique, économique et social commun, essentiellement une UE recréée à l’image de la France enveloppée dans une autre idée française profondément enracinée, celle d’un bloc qui est stratégiquement autonome par rapport aux États-Unis.

Quiconque a suivi les débats français ne serait-ce qu’un instant reconnaîtra cela comme un étatisme français classique avec quelques mises à jour pour l’ère numérique et soucieuse de l’environnement.

Heureusement pour l’UE, les événements de l’année écoulée ont détrompé la plupart des 26 autres États membres de la véracité et de l’opportunité des vues franco-centrées de Macron. Son jugement erroné du président russe Vladimir Poutine, ses platitudes sans substance sur la paix et son abdication de tout rôle français majeur dans la résistance à l’invasion russe de l’Ukraine ont fatalement sapé la confiance en la France dans tout le bloc.

En 2017, le président français nouvellement élu Emmanuel Macron a présenté sa grande vision du rôle de la France dans l’avenir de l’Europe. Prenant la parole à Sorbonne Université, il a déploré que les Européens concentrent toute notre énergie sur nos divisions internes. Il a mis en garde contre la perte de nos débats dans une guerre civile européenne, ce qui signifie par là des désaccords sans fin au sein de l’Union européenne sur les ressources financières et les contraintes budgétaires. Pour créer une Europe forte capable de diriger sur la scène mondiale, Macron a proposé sa solution : une UE centralisée avec un modèle politique, économique et social commun, essentiellement une UE recréée à l’image de la France enveloppée dans une autre idée française profondément enracinée, celle d’un bloc qui est stratégiquement autonome par rapport aux États-Unis.

Quiconque a suivi les débats français ne serait-ce qu’un instant reconnaîtra cela comme un étatisme français classique avec quelques mises à jour pour l’ère numérique et soucieuse de l’environnement.

Heureusement pour l’UE, les événements de l’année écoulée ont détrompé la plupart des 26 autres États membres de la véracité et de l’opportunité des vues franco-centrées de Macron. Son jugement erroné du président russe Vladimir Poutine, ses platitudes sans substance sur la paix et son abdication de tout rôle français majeur dans la résistance à l’invasion russe de l’Ukraine ont fatalement sapé la confiance en la France dans tout le bloc.

Cependant, parmi l’élite réputée homogène de France, la débâcle ukrainienne de Macron n’a pas stimulé une réévaluation de la politique européenne. En fait, il semble que c’est exactement le contraire qui s’est produit. Enfermé dans une réflexion de groupe sur le rôle de la France en Europe, Macron ne veut pas ou ne peut pas repenser le positionnement de la France dans une UE qui a été transformée par la guerre de Russie.

La dernière preuve des erreurs de jugement de Macron est la tentative renouvelée de la France d’imposer son modèle économique étatiste aux autres États membres de l’UE. La cause apparente est la loi américaine sur la réduction de l’inflation (IRA), un ensemble de subventions et de protections industrielles qui a suscité de nombreuses inquiétudes en Europe concernant la concurrence déloyale et l’avenir du commerce transatlantique. Pour Macron et les protectionnistes français de la Commission européenne, c’est une chance d’imposer leurs impulsions anti-concurrentielles et anti-atlantistes au reste du bloc.

De même, le lancement récent du plan industriel Green Deal de l’UE portait apparemment sur la manière dont l’Europe peut aider au mieux l’industrie à atteindre les futurs objectifs climatiques. Mais il est rapidement devenu un indicateur d’un conflit politique et économique beaucoup plus large en Europe entre l’interventionnisme français et l’accent traditionnel de Bruxelles sur le commerce mondial, le marché intérieur de l’UE et la politique de concurrence en tant que moteurs de l’expansion économique. Parce que ces priorités se concentrent en grande partie sur des règles du jeu équitables, elles agissent également en tant que gardiennes de l’égalité entre les grands et les petits États membres de l’UE, au grand dam de Paris.

Le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton, un proche allié français de Macron, est à l’avant-garde pour tirer parti des préoccupations européennes concernant l’IRA afin de faire avancer la vision de Paris d’une stratégie industrielle interventionniste et axée sur les subventions. En liant cette approche aux craintes européennes d’être anéanties par des rivaux américains et de prendre du retard dans la transition verte, la France cherche à tirer parti de ces craintes pour passer outre la résistance des autres États membres.

Breton a également été explicite en promouvant le concept d’un fonds de souveraineté européen pour un soutien budgétaire direct, rapide et flexible à des projets bien identifiés présentant un intérêt pour la souveraineté de l’UE dans tous les secteurs de notre spectre industriel. Ce ne serait rien de moins qu’une carte blanche alimentée par la dette pour une intervention au niveau de l’UE sur l’ensemble de la base industrielle de l’Europe. Son vieux vin français dans de nouvelles bouteilles, proposant de laisser les politiciens et les bureaucrates choisir des champions d’État dans chaque industrie : Il n’y a pas de souveraineté sans champions locaux, dit la proposition française. Quiconque pense que cela pourrait fonctionner devrait regarder le long record de fiascos coûteux de Paris lorsqu’il a essayé de jouer à ce jeu, de la tentative de transformer le Groupe Bull en réponse de France à IBM au début des années 1990 au fiasco stratégique du yaourt de Danone en 2005. Les experts en politique de la concurrence, les universitaires et les dirigeants industriels européens s’accordent tous à dire que l’approche française consistant à subventionner votre chemin vers la compétitivité est une illusion sans concurrence réelle ni changement structurel significatif. C’est une réponse irrationnelle et disproportionnée à l’IRA et elle n’aborde pas les problèmes plus larges de l’industrie européenne dans de nombreux secteurs de haute technologie.

Non seulement la proposition française est vouée à l’échec dans une économie de l’innovation du XXIe siècle, mais elle a également amené d’autres États membres à remettre en question les motivations de Macron. Plus que tout, l’approche de Paris reflète les insécurités économiques françaises. Avec une dette publique française approchant les 120 % du PIB (presque le double du chiffre de l’Allemagne) et des impôts consommant déjà 47,3 % de la production économique (le deuxième fardeau le plus élevé de l’UE), la France manque d’argent pour continuer à financer son grand État. modèle économique. L’obsession de Paris pour les subventions industrielles reflète un secteur manufacturier en difficulté qui ne représente plus que 11 % de la production industrielle de l’UE (contre 27 % en Allemagne et 16 % en Italie). Même le leadership de la France dans le secteur nucléaire, l’une des rares réussites économiques, n’a été maintenu que par la renationalisation récente et coûteuse d’Électricité de France (EDF), l’opérateur nucléaire français déficitaire et grevé de dettes.

Avec un Berlin candide en remorque, Paris semble également déterminé à renverser le blocage de la Commission européenne, pour des raisons antitrust, de la fusion en 2019 du géant industriel français Alstom avec le conglomérat allemand Siemens. Il devrait être clair maintenant que ce n’est pas le grand plan pour l’unité européenne que la rhétorique envolée de Macron fait apparaître. C’est une tentative flagrante d’accéder aux fonds de l’UE pour renforcer la compétitivité industrielle française sur la scène mondiale.

La transparence du plan français et l’approche combative de Paris pour le faire passer au niveau européen ont laissé Macron à court de véritables alliés politiques dans le bloc à un moment où la confiance en Macron est déjà au plus bas en raison de ses hésitations sur l’Ukraine et de son refus d’assumer un rôle important dans la sécurité et la défense de l’Europe de l’Est.

Les propositions de subventions ont donc mis à nu l’isolement croissant de la France dans l’UE. Sept États membres de l’UE se sont ouvertement opposés à des emprunts supplémentaires de l’UE pour les subventions industrielles. Lors du sommet spécial du Conseil européen à Bruxelles le 9 février, une nouvelle pression franco-allemande en faveur de l’aide industrielle s’est heurtée à une large opposition de la part des autres États membres. Les conclusions anodines et sans engagement des sommets suggèrent qu’il y a eu un recul cohérent contre les impulsions étatistes de Paris dans une grande partie du bloc.

L’approche de Macron reflète la question plus fondamentale du rôle incertain de la France dans le monde de l’après-guerre froide. Les ouvertures enthousiastes de Macron à Poutine, qui se sont poursuivies longtemps dans la guerre, étaient fondées sur sa conviction personnelle dans la politique étrangère française en tant qu’arbitre indispensable des relations mondiales. Cette notion grandiose est allée de pair avec quelque chose de beaucoup plus toxique pour la future sécurité européenne : l’obsession de Macron pour la centralité de l’accommodement franco-russe dans le maintien de l’influence française sur l’Europe.

Ainsi, alors que la Grande-Bretagne garantissait la sécurité de la Finlande et de la Suède avant même leur adhésion à l’OTAN, la France était occupée à critiquer la Pologne pour ses penchants atlantistes en choisissant des entreprises américaines et sud-coréennes plutôt qu’EDF pour construire de nouvelles centrales nucléaires. Il s’agit d’une stratégie conçue pour perdre des amis et aliéner les gens, en particulier en Europe centrale et orientale.

Pour les politiciens ancrés dans les conventions françaises comme Macron, veiller à ce que la France soit assise à la même table que les autres grandes puissances traditionnelles, même si cela signifie conclure des accords avec une Russie autoritaire et en déclin, sera toujours plus important que de reconnaître le déclin relatif de la France au cours du siècle dernier. Maintenir la France dans le concert des grandes puissances est également une priorité bien plus élevée pour Paris que la construction de partenariats efficaces avec les petits États membres de l’UE. Cet état d’esprit est bien antérieur à la fondation de l’UE, et c’est un aliment de base de la politique française depuis des siècles. La ligne de pensée de Macron sous-tend les relations de Paris avec Moscou depuis au moins les années 1890.

Contrairement à la Grande-Bretagne, qui s’est plus ou moins adaptée à son rôle post-impérial, la France n’a jamais pu accepter l’hégémonie économique et politique des États-Unis. La France n’a pas non plus été disposée ou capable de fournir une alternative viable au soutien politique et sécuritaire américain (et maintenant britannique) aux États post-communistes d’Europe centrale et orientale.

Et ainsi la déconnexion entre la France (soutenue, au mieux, par quelques bailleurs de fonds de plus en plus tièdes) et le reste de l’UE s’approfondit. Pas même un an de missiles russes pleuvant sur les villes ukrainiennes ne semble avoir ébranlé l’opinion de Macron selon laquelle l’Europe devrait répondre de manière proactive au besoin de garanties de sécurité de la Russie. Dans un exemple suprême de la surdité de Macron, son plaidoyer pour que la Russie ne soit pas humiliée pour son invasion génocidaire est venu quelques semaines seulement après que de nombreuses preuves de crimes de guerre russes ont émergé à Bucha, une banlieue de Kiev.

Aujourd’hui, il est devenu clair que la vision de Macron d’une soi-disant autonomie stratégique européenne, jamais soutenue par une stratégie ou des capacités militaires sérieuses, s’est écrasée et brûlée en Ukraine. Et plutôt que de conduire l’Europe vers une ère glorieuse d’intégration, Macron élargit les divisions mêmes en Europe contre lesquelles il a mis en garde en 2017. La rencontre de nobles aspirations et d’une froide réalité a révélé une France diminuée, une Europe centrale et orientale plus puissante et une Macron de plus en plus déconnecté.

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