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Le nouveau Front populaire français remporte une victoire historique

La montée de l’extrême droite, que les électeurs français ont à nouveau massivement rejetée le 7 juillet, n’a rien d’inéluctable. Hier soir, l’alliance de gauche du Nouveau Front Populaire (NFP) a réussi une surprise historique lors des élections législatives anticipées en France, émergeant au second tour de dimanche comme le plus grand bloc de la nouvelle Assemblée nationale.

Alliance de partis constituée à la hâte il y a moins d’un mois, le NFP a déjoué les pronostics d’une victoire imminente du Rassemblement national de Marine Le Pen. Après la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin, le président Emmanuel Macron pourrait désormais être contraint de cohabiter avec un cabinet d’opposition. Les dirigeants du NFP, qui regroupe la France insoumise, le Parti socialiste, Les écologistes et le Parti communiste français, réclament le droit de former le prochain gouvernement et d’appliquer leur programme commun de rupture avec l’ère Macron. Dévoilé mi-juin, le programme du NFP prévoit l’abrogation de la réforme des retraites de 2023, largement impopulaire, la redistribution des richesses, l’investissement dans les services publics et la reconnaissance d’un Etat palestinien.

Notre peuple a clairement évité le pire. Ce soir, le Rassemblement national est loin d’avoir la majorité absolue que les observateurs prédisaient il y a à peine une semaine, jubilait Jean-Luc Mélenchon, quelques minutes après la publication des premiers sondages de sortie des urnes à 20 heures. Les leçons de ce scrutin sont sans appel : la défaite du président de la République et de sa coalition est clairement confirmée, a poursuivi le fondateur de la France insoumise, premier parti du NFP. Le président doit s’incliner et reconnaître sa défaite sans chercher à la contourner en aucune façon.

Le parti ou la coalition la plus importante à l’Assemblée nationale a traditionnellement la possibilité de former un gouvernement. Pourtant, le vote de dimanche a donné lieu à un parlement sans majorité absolue, avec un champ politique tripartite divisé entre le NFP, le bloc centriste de Macron et un pôle de droite dominé par Le Pen. Ces résultats laissent entrevoir une période d’instabilité parlementaire intense qui sera extrêmement difficile à gérer politiquement, en particulier pour la coalition au pouvoir.

Selon les résultats définitifs, le Nouveau Front populaire (NFP) détient 182 sièges à la nouvelle Chambre basse. En deuxième position, les Macronistes ont remporté 168 sièges, suivis du Rassemblement national de Le Pen, allié à une minorité dissidente des Républicains de centre-droit, avec 143 députés. Le succès du NFP s’appuie sur les 142 députés élus dans le cadre de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) formée en vue des élections législatives de 2022. Le Rassemblement national a également vu sa part au parlement augmenter considérablement, contre les 88 sièges qu’il détenait lors de la législature sortante.

Si elle a évité une déroute électorale totale, la coalition centriste d’Emmanuel Macron, Ensemble, a perdu près de 80 sièges. Le parti pivot de la dernière Assemblée nationale qui a soutenu le gouvernement minoritaire d’Emmanuel Macron au cours des deux dernières années turbulentes, la faction majoritaire de centre-droit des Républicains, opposée à l’alliance du chef du parti Eric Ciotti avec Marine Le Pen, a pu conserver 45 sièges, contre 61 députés élus en 2022.

L’alliance de la gauche a été essentielle pour empêcher ce qui était annoncé depuis des semaines comme une victoire imminente de Le Pen. Dans tout le pays, les électeurs de gauche et les progressistes ont accueilli le résultat avec un immense soupir de soulagement, voire une jubilation. Tard dans la nuit, les klaxons des voitures célébrant la victoire de la gauche ont résonné dans toute la capitale française, et une foule nombreuse s’est rassemblée place de la République à Paris pour acclamer le Nouveau Front Populaire et scander des chants et des slogans antifascistes.

La France n’est pas et ne sera jamais une couleur de peau, toutes les couleurs de peau sont françaises, a déclaré la cheffe du groupe Insoumise Mathilde Panot devant les milliers de partisans réunis devant la rotonde près du canal de la Villette, dans le XIXe arrondissement de Paris.

Le contraste est saisissant avec l’ambiance morose qui règne parmi les militants et les cadres du Rassemblement national, qui organisent leur soirée de gala à quelques kilomètres de là, dans un pavillon du parc verdoyant du Bois de Vincennes, à l’est du centre-ville. S’adressant aux journalistes, Marine Le Pen a affirmé que les résultats des élections prévoyaient une année de chaos parlementaire qui ne ferait que renforcer l’extrême droite.

« J’ai trop d’expérience pour être contrariée », a déclaré Marine Le Pen, sous les cris de ses partisans « Marine présidente » en fond sonore. « Nous allons perdre une année de plus : une année de plus d’immigration incontrôlée ; une année de plus de perte de pouvoir d’achat ; une année de plus d’insécurité explosive. L’Assemblée nationale ne pourra pas être dissoute avant juin 2025.

Pendant une grande partie du mois dernier, le discours dominant de cette élection a placé l’extrême droite sur le point de prendre le pouvoir au niveau national. Presque tous les sondages d’opinion et les projections de sièges indiquaient que le Rassemblement national et ses alliés remporteraient une place de choix au Parlement, voire la majorité absolue. Le 9 juin, la dissolution de l’Assemblée nationale par Macron est survenue après la première place de l’extrême droite aux élections au Parlement européen. Leur force a été confirmée au premier tour des élections législatives anticipées du 30 juin, lorsque le parti de Marine Le Pen a remporté plus de 33 % des voix, soit cinq et treize points d’avance respectivement sur le NFP et le bloc macroniste.

S’exprimant dimanche soir, le président du Rassemblement national et candidat présumé au poste de Premier ministre, Jordan Bardella, a mis en cause les particularités du système de scrutin à deux tours en France. Bardella a fustigé un scrutin à deux tours biaisé par des alliances politiques contre nature conçues par tous les moyens pour empêcher les Français de choisir librement une alternative politique.

Un élément essentiel pour bloquer une victoire de l’extrême droite a été la renaissance du soi-disant front républicain, le NFP et le centre macroniste ayant retiré plus de deux cents candidats en lice avant le second tour du 7 juillet. Bien qu’il se retrouve à nouveau en troisième position parmi les trois blocs au niveau du nombre de sièges, le Rassemblement national a dominé le total des votes populaires au second tour, avec plus de dix millions de personnes à travers la France votant pour son bulletin, ce qui était prévisible étant donné que le parti de Le Pen a présenté le plus de candidats au second tour. Le NFP a remporté plus de 7 millions de voix au second tour, suivi de près par le bloc macroniste avec environ 6,3 millions. Le 7 juillet a de nouveau vu une forte augmentation de la participation électorale, à son plus haut niveau pour des élections législatives depuis 1997.

L’équilibre des forces au sein du nouveau parlement est compliqué pour le Nouveau Front Populaire. La majorité absolue à l’Assemblée nationale nécessite 289 sièges, ce qui signifie que la chambre penche fortement en faveur de la droite. Bien que les dirigeants du NFP affirment que certains points de leur programme, comme l’augmentation du salaire minimum et le gel des prix des produits de première nécessité, pourraient être adoptés par décret gouvernemental, d’autres éléments devraient obtenir une majorité au parlement. Le Sénat, la chambre haute, quant à lui, est dominé par les Républicains de centre-droit.

Sauf nouvelle manœuvre surprise de Macron, le Nouveau Front Populaire devra proposer au poste de Premier ministre un candidat capable de défendre le programme des alliances tout en naviguant dans le risque quasi constant d’une motion de censure de la part des forces d’opposition combinées à sa droite. Le chef du Parti socialiste Olivier Faure a affirmé dans son discours de victoire dimanche que notre seule boussole sera le programme du Nouveau Front Populaire, avant d’exiger que le centre macroniste reconnaisse sa défaite et qu’au cours de l’année à venir, il ne combine jamais les votes avec l’extrême droite pour empêcher le Nouveau Front Populaire de gouverner.

Si la France insoumise reste la force dirigeante de l’alliance et peut se prévaloir du succès électoral d’un programme de rupture, le centre de gravité du NFP pourrait pencher vers des concessions tactiques de gouvernement. Par rapport à l’Assemblée nationale sortante, ces élections ont légèrement fait pencher la balance entre la France insoumise et le Parti socialiste de centre-gauche en faveur de ce dernier. Les deux partis, forces dirigeantes de l’alliance NFP, ont remporté respectivement 77 et 59 sièges.

Plusieurs députés sortants de la France Insoumise, désélus en juin dans le cadre d’une purge de personnalités travaillant à une nouvelle alliance de gauche au-delà de l’influence de Mlenchon, ont été réélus en tant que dissidents contre les candidats officiels du parti. Réélu dimanche à l’issue d’une course serrée dans la Somme, François Ruffin a quitté la France Insoumise en fin de semaine dernière, consommant sa rupture croissante avec la force mlenchoniste. La semaine dernière, Ruffin a énoncé ses trois conditions pour un gouvernement d’union nationale qui inclurait la gauche : l’abrogation de la réforme des retraites de Macron, le rétablissement de l’impôt sur la fortune et une réforme constitutionnelle pour faciliter les référendums.

Macron, lui, semble vouloir attendre son heure et cherche à diviser l’alliance de gauche. Lundi matin, il a repoussé pour l’instant la proposition de démission du Premier ministre Gabriel Attal, alors que des personnalités de la coalition présidentielle prédisent que les négociations et les manœuvres pour la création d’un gouvernement pourraient durer plusieurs semaines. Après avoir déjà choqué le pays avec la dissolution de l’Assemblée nationale, le président cherche sans doute à savoir s’il a encore d’autres tours dans son sac.

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