La France perd confiance en Macron
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Content de te revoir. Lorsqu’il a été élu en 2017 comme le plus jeune chef d’État français depuis Napoléon Bonaparte, Emmanuel Macron semblait être un coup de vent revigorant soufflant sur un système politique obsolète. Aujourd’hui, trois ans avant la fin de son deuxième et dernier mandat, une lourde défaite attend l’alliance centriste de Macron lors des élections européennes du mois prochain, ce qui pourrait être la défaite la plus dévastatrice de sa carrière.
Il est presque certainement trop tard pour empêcher cela. Mais qui, dans le camp de Macron ou en dehors, sera capable de vaincre l’extrême droite lors de l’élection présidentielle française de 2027, comme Macron lui-même l’a fait en 2017 et 2022 ? Je suis à tony.barber@ft.com.
Faible croissance et consommateurs pessimistes
Je commencerai par un regard sur l’économie française. Champ de bataille important à part entière d’ici 2027, l’économie recoupe également les autres difficultés politiques de Macron, ainsi que les mécontentements profondément enracinés de la société française.
Dans un commentaire accompagnant cette enquête d’opinion Ipsos, publiée en février, Pierre Latrille et Diane Lamotte expliquent que le coût de la vie est de loin la principale préoccupation des électeurs français. C’est un peu moins vrai pour la tranche d’âge des 18-24 ans, un point que j’aborderai plus en détail ci-dessous.
Les données officielles de cette semaine ont montré que le PIB français a augmenté à un taux trimestriel de 0,2 pour cent entre janvier et mars, un peu mieux que prévu.
Cependant, dans cette analyse pour la banque ING, Charlotte de Montpellier prévient qu’elle n’attend pas plus de 0,8 pour cent de croissance pour l’ensemble de 2024, et 1,3 pour cent en 2025, contre 0,9 pour cent en 2023.
Plus important encore, elle note que la confiance des consommateurs a chuté en avril à 10 points de pourcentage en dessous de sa moyenne historique. Elle observe :
Les Français semblent plus pessimistes quant à leur situation financière future et sont plus enclins à vouloir épargner.
Cette faible confiance est potentiellement un terrain fertile pour l’extrême droite et d’autres opposants à Macron et à son camp centriste.
Un déficit élevé pèse sur les élections de 2027
Pour Macron et son gouvernement, qui comprend plusieurs candidats potentiels à la présidence en 2027, le principal problème économique envisagé d’un point de vue politique est le déficit budgétaire élevé de la France, qui a grimpé l’année dernière pour atteindre 5,5 pour cent du PIB.

Ici, le problème n’est pas que la France puisse subir une réprimande de la part de la Commission européenne, qui contrôle les règles budgétaires de l’UE.
Qui peut oublier que, lorsque la France a connu des difficultés similaires en 2016, la Commission l’a laissée s’en tirer ? Lorsqu’on a demandé pourquoi à Jean-Claude Juncker, alors président de la commission, il a répondu avec insouciance : Parce que c’est la France.
Le véritable problème est que le gouvernement Macron a déjà dû annoncer des réductions de dépenses d’urgence, et d’autres pourraient être en cours dans des domaines tels que les prestations sociales et les budgets des collectivités locales.
De telles réductions pourraient être nécessaires pour rassurer les marchés financiers, comme le souligne cette analyse de Reuters. Cependant, ils sont voués à être impopulaires auprès de larges pans de la société française. Cela pourrait à son tour affecter les perspectives électorales en 2027 des hommes politiques associés aux mesures d’austérité du gouvernement.
Absence de majorité parlementaire
Un point connexe est que l’alliance de Macron a perdu sa majorité législative en 2022. Cela garantit qu’une grande controverse politique entourera les efforts du gouvernement pour maîtriser les dépenses et rétablir l’ordre dans les finances publiques françaises.
Si les élections européennes du mois prochain aboutissent à une raclée pour le camp de Macron, le président pourrait être tenté de convoquer des élections parlementaires nationales anticipées. Mujtaba Rahman du cabinet de conseil Eurasia Group estime qu’il y a 60 pour cent de chances d’élections anticipées et 20 pour cent de chances que l’extrême droite obtienne la majorité.
Macron pourrait-il transformer sa fortune en remportant des élections anticipées ?
Il est vrai que de nombreux Français ont tendance à considérer les élections européennes comme une occasion de voter en signe de protestation contre les présidents et les gouvernements en place. Beaucoup votent alors différemment lors d’élections nationales. Par exemple, l’extrême droite a remporté les élections européennes de 2014 et, plus étroitement, celles de 2019, mais pas les élections présidentielles qui ont suivi.
En revanche, l’extrême droite a progressé lors des élections législatives de 2022 qui ont suivi la présidentielle de cette année-là. Toute élection anticipée cette année risquerait de reproduire une législature divisée qui a déjà enterré le macronisme en tant que projet réformateur audacieux du centre politique.
Colère de la France provinciale
La triple division du Parlement entre les forces macronistes, l’extrême droite et la gauche reflète les profonds clivages sociaux, politiques et régionaux de la France. Alors que de nombreux électeurs à Paris et dans d’autres zones métropolitaines prospères sont favorables à Macron, d’autres dans les régions provinciales moins aisées ne le sont pas.
La colère de la France rurale et désindustrialisée a été exposée de manière convaincante dans un article du FT de 2021 rédigé par Brigitte Granville de l’Université Queen Mary de Londres. Elle a cité l’auteur Christian Bobin, qui a écrit dans le journal La Croix (ici en français) sur la vision mi-dédaigneuse, mi-terrifiée des élites parisiennes de la France provinciale comme d’un sombre bassin de griefs et de révolte imminents.
Peut-être que le genre d’endroit que Bobin avait en tête est le département de l’Aude, dans le sud-ouest de la France, où lors d’une visite en septembre dernier, je me suis lié d’amitié avec un maire local à la retraite. Il m’a rappelé qu’au second tour de l’élection présidentielle de 2012, le socialiste François Hollande avait remporté l’Aude avec 56 % des voix. En 2017, Macron a gagné avec 55 pour cent. Mais en 2022, la gagnante était l’extrême droite Marine Le Pen, avec également 55 pour cent des voix.
L’Aude n’est qu’un des 96 départements de France métropolitaine et de Corse, et l’un des moins peuplés. Pourtant, le tournant de la marée électorale, du socialisme à Macron en passant par l’extrême droite, en dit long sur le déclin à long terme de la gauche française, la décadence du macronisme et l’attrait grandissant de l’extrême droite.
Priorités des jeunes électeurs français
Les atouts particuliers du parti d’extrême droite, le Rassemblement national, sont visibles dans une récente série d’enquêtes d’opinion. Dans ce sondage Ipsos pour Le Monde, publié lundi, on constate que le RN est largement en tête à l’approche des élections européennes, avec 32 pour cent de soutien contre 17 pour cent pour la coalition Macron.
Plus intéressante encore est cette enquête, publiée en mars, qui suggère que le soutien à la coalition Macron s’est complètement effondré parmi les jeunes électeurs français. Seuls 4 pour cent des 18-24 ans ont exprimé leur intention de voter pour la coalition Macron le mois prochain, contre 29 pour cent, bien plus respectable, chez les plus de 70 ans.
Il semble que, à l’instar du parti conservateur au pouvoir au Royaume-Uni (voir ce sondage YouGov), bien que sans doute pour des raisons quelque peu différentes, le macronisme réconforte les vieux et rebute les jeunes.
Dans l’enquête que j’évoquais en tête de cette newsletter, les électeurs français âgés de 18 à 24 ans étaient invités à citer leurs trois plus grandes préoccupations. Ils ont choisi le coût de la vie (45 pour cent), le changement climatique (32 pour cent) et l’insécurité (27 pour cent). Sur 12 catégories, la construction européenne, qui signifie essentiellement l’avenir de l’UE, était, pour ces jeunes électeurs, au dernier rang, à 5 pour cent.

Macron a encore des choses accrocheuses à dire sur l’avenir de l’Europe, même si son dernier discours sur ce sujet à la Sorbonne a laissé de nombreuses questions sans réponse, comme l’a affirmé Shahin Valle dans une tribune du FT.
Pendant ce temps, la dérive perçue par Macron vers la droite depuis 2022 amène sa coalition à perdre le soutien des gauchistes qui ont voté pour lui lors de l’élection présidentielle de cette année-là. Mais cela n’aide pas son camp à récolter des voix à droite, où beaucoup préfèrent le RN et Jordan Bardella, le jeune président du parti.
Bardella, le bras droit de Le Pen, dirige la campagne électorale européenne du parti. À 28 ans, il est déjà l’un des hommes politiques les plus populaires de France. Le mois dernier, Le Pen et Bardella étaient en tête de liste des hommes politiques à qui l’institut d’enquête Ipsos a demandé : Seriez-vous satisfaits si cette personne devenait président en 2027 ?

En troisième position se trouve l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, et en quatrième place se trouve Gabriel Attal, 35 ans, qui a connu un regain de popularité après que Macron l’a nommé Premier ministre en janvier, mais dont l’étoile s’estompe maintenant un peu.
En résumé, je ne sais pas qui émergera pour affronter l’extrême droite en 2027. Dans son blog Tocqueville21, Arthur Goldhammer le dit joliment :
Je ne suis pas convaincu que la politique française terroir, bien que jonché des décombres du macronisme, est devenu totalement stérile. Quelque chose peut apparaître, même si je ne sais pas où chercher.
Qu’en penses-tu? Un candidat d’extrême droite remportera-t-il ou non l’élection présidentielle française de 2027 ?
Votez en cliquant ici.

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