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France – Nouvelle infraction de fourniture d’instruments destinés à faciliter la fraude fiscale | JD Supra

La lutte contre la fraude fiscale occupe une place centrale dans la loi de finances pour 2024.

Parmi les différentes propositions figure le nouvel article 1744 du Code général des impôts, qui crée le délit de mise à disposition d’instruments facilitant la fraude fiscale et sanctionne les personnes physiques ou morales mettant à disposition «à titre gratuit ou onéreux, un ou plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers, visant à permettre à un ou plusieurs tiers de se soustraire frauduleusement à l’imposition ou au paiement de tout ou partie des impôts

RENFORCER LES SANCTIONS POUR FRAUDE FISCALE

L’intention non dissimulée du législateur français est affirmée dans l’exposé des motifs : « renforcer les leviers de lutte contre la fraude fiscale, en permettant de sanctionner la mise à disposition d’instruments facilitant de tels agissements« .

Ce renforcement de la lutte contre la fraude nécessite donc la possibilité d’engager des poursuites pénales directement contre l’organisateur d’un stratagème de fraude fiscale, que ce stratagème ait été mis en œuvre ou non. Jusqu’à présent, ces poursuites se limitaient aux cas où le stratagème frauduleux avait effectivement pour effet d’échapper à l’impôt.

Le nouveau délit – comme le blanchiment d’argent – est indépendant du délit de fraude fiscale et est susceptible de toucher de nombreux professionnels (comptables et CPA, avocats, fiscalistes et conseils, notaires, banques privées, etc.) si l’un des moyens, services suivants , des actes ou des instruments sont utilisés :

  1. ouvrir des comptes ou conclure des contrats avec des entités établies à l’étranger,
  2. l’interposition de personnes physiques ou morales ou de toute entité, trust ou institution comparable établie à l’étranger,
  3. la fourniture d’une fausse identité, de faux documents ou de toute autre falsification,
  4. la fourniture ou la justification d’un domicile fiscal fictif ou artificiel à l’étranger, ou
  5. la réalisation de toute autre manœuvre visant à tromper l’administration.

En complétant l’arsenal pénal contre la fraude fiscale et en allant au-delà de la simple complicité, il s’agit « d’agir le plus en amont possible, indépendamment de tout contrôle ou poursuite à l’encontre des clients, et de sanctionner les agissements des personnes physiques ou morales qui commercialisent ou mettent directement à disposition des clients ». aux ressources, services, actes ou instruments juridiques des contribuables dans le but de se soustraire frauduleusement à l’impôt.1 Selon le gouvernement, il s’agit « d’une manière de prévenir la fraude directement pour ceux qui la proposent ».2tout en « augmentant (la) performance » de l’État en matière de collecte des impôts.

Cependant, en raison de sa formulation imprécise, cette disposition se prête à une interprétation large au regard des pratiques interdites, créant ainsi une insécurité juridique pour les professionnels.

Cette nouvelle infraction s’inscrit dans une tendance à l’augmentation des sanctions dans le domaine fiscal comme en témoignent ces dernières années diverses mesures telles que : 1) la création de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale3); 2) la suppression du « Verrou de Bercy » ;4 ou 3) l’introduction d’amendes à l’encontre des professionnels fiscaux et juridiques complices de fraude fiscale ou sociale, de fraude ou d’abus de loi par la fourniture intentionnelle à un contribuable d’un service permettant directement les actes sanctionnés.5

UNE INFRACTION FORTEMENT PUNISSABLE

L’article 1744 du Code général des impôts prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende, pouvant être portée à cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende si la prestation est commise au moyen d’un service de communication publique en ligne.

Les personnes physiques coupables d’une telle infraction sont également soumises aux sanctions complémentaires prévues en cas de fraude fiscale.6 ainsi que l’interdiction d’exercer une profession libérale, professionnelle ou industrielle, et la suspension du permis de conduire.7

Les personnes morales risqueraient une amende égale à cinq fois celle prévue pour les personnes physiques (soit 1 250 000 euros ou 2 500 000 euros) ainsi que certaines sanctions complémentaires (dissolution de la personne morale, interdiction définitive ou pouvant aller jusqu’à cinq ans d’exploiter directement ou indirectement une activité professionnelle). ou activité sociale, exclusion des marchés publics, etc.).8

Ces sanctions, particulièrement sévères et donc dissuasives, peuvent également s’avérer disproportionnées par rapport aux comportements qu’elles sont censées sanctionner, qui peuvent être une simple « aide » à un contribuable qui pourra ou non être utilisé ultérieurement pour commettre une fraude fiscale. Autrement dit, un professionnel pourrait être pénalisé pour avoir prêté assistance même s’il n’y a pas au final de commission d’acte répréhensible par le contribuable « aidé ».

ENTRÉE EN VIGUEUR

La loi de finances pour 2024, incluant ce nouveau délit, a été promulguée le 29 décembre 2023 et publiée au Journal officiel. Journal Officiel le 30 décembre 2023.

Cette disposition pénale non rétroactive entre en vigueur le 31 décembre 2023.

1Projet de loi de finances pour 2024 – évaluations préliminaires des articles du projet de budget pour 2024.

2Volume I du rapport fait au nom de la Commission des Finances sur le Projet de Budget pour 2024.

3Décret n° 2010-1318 du 4 novembre 2010.

4Se traduit par « cadenas de Bercy », qui était une condition pour obtenir un avis favorable de la commission des délits fiscaux avant que le fisc puisse déposer une plainte pour fraude fiscale. Article 36 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018.

5Article 19 de la loi no. 2018-898 du 23 octobre 2018 instituant l’article 1740 A bis du Code général des impôts. L’amende est égale à 50 % des revenus tirés du service rendu au contribuable et ne peut être inférieure à 10 000 euros.

6Article 1741 du Code général des impôts.

7Article 1750 du Code général des impôts.

8Sanctions prévues aux paragraphes 1 à 6, 9 et 12 de l’article 131-39 du code pénal.

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