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Entre chahut et affrontements, Macron passe 13 heures à tenter de maintenir la paix au grand salon de l’agriculture de France

Emmanuel Macron au Salon de l'Agriculture, Paris, le 24 février 2024.

Emmanuel Macron a terminé samedi 24 février au soir une visite de 13 heures au Salon de l’Agriculture, marquée par des huées et des heurts d’une rare intensité, après que le gouvernement ait tenté pendant un mois d’apaiser la colère des agriculteurs avant leur événement annuel majeur.

« Qui aurait dit ce matin que 12 heures plus tard, on se retrouverait toujours là à continuer de travailler, d’avancer ? » « , a déclaré Macron peu avant 20 heures, satisfait d’avoir parcouru toute la manifestation malgré un début chaotique, et ironisant: « C’est ridicule que des agriculteurs aient eu recours à la violence lors d’un salon qui leur appartient. »

Avant l’ouverture officielle, des centaines de personnes conduites par des agriculteurs issus des principaux syndicats ont fait irruption dans le parc des expositions de la porte de Versailles à Paris. Ils ont fait irruption dans le hall principal, déclenchant des affrontements avec la police. Au même moment, vers 8 heures du matin, Macron rencontrait plusieurs dirigeants syndicaux agricoles au deuxième étage. Après un point de presse au cours duquel il a appelé les manifestants au calme, le président a improvisé un débat de près de deux heures avec des représentants du secteur dont une majorité étaient des chefs d’organisations représentatives.

En savoir plus Abonnés uniquement Le chaos règne alors que les agriculteurs affrontent la police lors du grand salon agricole de Paris

Au cours d’échanges parfois tendus, Macron a été interrogé sur les conséquences de la guerre en Ukraine, la simplification administrative, les mesures vertes jugées « punitives » par certains agriculteurs, ou encore la rémunération des agriculteurs. « C’est une erreur de dire qu’elle est en train de s’effondrer », a affirmé Macron, appelant à « ne pas dresser un tableau catastrophiste de notre secteur agricole ».

Sommet de mars à l’Elyse

Le président a notamment annoncé que le projet de loi d’orientation agricole, déjà reporté à plusieurs reprises, serait présenté en Conseil des ministres le 20 mars. Il a également annoncé son intention de fixer un prix de base « secteur par secteur ». « Il y aura un prix minimum, un prix plancher, en dessous duquel le transformateur ne pourra pas acheter et le distributeur ne pourra pas vendre », a-t-il promis. Macron a également évoqué la création d’un « plan de trésorerie d’urgence » dès cette semaine pour soulager les agriculteurs et une réunion sur le sujet à l’Elyse dans trois semaines.

Mais l’image qui restera de la grande ouverture de la foire est celle de policiers et de gendarmes mobiles casqués et boucliers, tentant de contenir des agriculteurs en colère qui fulminaient contre le chef de l’Etat.

Lorsque Macron est finalement descendu, avec plus de quatre heures de retard, pour inaugurer le Salon et commencer sa visite, les insultes ont volé (« fumier », « menteur »), mais aussi les quolibets et les appels à sa démission. Laurent Nuez, le préfet de police de Paris, a estimé qu’il y avait entre 300 et 400 manifestants dans la matinée. Il a fait état de six arrestations ainsi que de huit blessés parmi les forces de l’ordre.

Les agriculteurs manifestant dans les allées du Salon de l'Agriculture sont tenus à l'écart de l'espace occupé par le président de la République, Emmanuel Macron, samedi 24 février 2023.
En savoir plus Abonnés uniquement Retour sur un mois de colère des agriculteurs en France

Arnaud Rousseau, président du plus grand syndicat, la FNSEA, a déclaré dans la soirée sur la chaîne de télévision française LCI avoir entendu dans la journée « un certain nombre d’avancées dont nous nous réjouissons », notamment la perspective d’un « cash « Un plan de flux » élaboré depuis lundi en faveur des agriculteurs en difficulté, et la volonté de reconnaître dans la loi que l’agriculture est d' »intérêt général majeur ». « Il fallait sans doute passer par ce moment de colère », estime le dirigeant syndical.

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Le calme est finalement revenu dans l’après-midi, la salle où Macron poursuivait sa visite étant placée sous cordon de sécurité. Le contraste entre les allées clairsemées autour de lui et celles encombrées des autres pavillons était saisissant.

Le chaos a retardé l’ouverture du spectacle aux visiteurs et compliqué grandement l’accès à la salle la plus populaire, le Salon des Animaux, qui a été le théâtre de heurts matinaux avec la police et de huées. Néanmoins, le premier jour des années 60ème Le Salon de l’Agriculture était très fréquenté, avec de nombreuses personnes se pressant dans les allées non fermées au public.

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Critique de l’extrême droite

« Discuter de la notion de prix plancher, c’est déjà une petite révolution », a salué Laurence Marandola, porte-parole de la Confdration Paysanne, le syndicat opposé à l’agriculture intensive qui est à l’origine de cette revendication. Ce prix minimum du lait ou de la viande bovine irait plus loin que les lois actuelles d’EGalim, censées garantir aux agriculteurs une rémunération donnée dans les contrats avec les industriels et les supermarchés. Le gouvernement souhaite une nouvelle loi EGalim d’ici l’été.

La FNSEA reste sceptique : « D’une région à l’autre, nous n’avons pas les mêmes charges (…) nous ne voulons pas du prix minimum, car cela nous freinerait et nous ramènerait à terme au Smic agricole ». « , a déclaré Luc Smessaert, l’un des vice-présidents du syndicat, à la chaîne de télévision TF1. Quant à l’intérêt général majeur de l’agriculture, une source au sein du gouvernement estime que cela « entraîne des conséquences juridiques ». C’était l’une des revendications de la FNSEA et pourrait par exemple faciliter la construction de projets dédiés à l’irrigation agricole malgré la présence d’espèces protégées.

Macron a également ouvert le bal d’un affrontement à distance avec le Rassemblement national (RN), d’extrême droite, avant les élections européennes de juin, lorsque le parti sera annoncé comme favori dans les sondages. A la veille de la visite au Salon du président du RN Jordan Bardella, Macron a dénoncé un « projet de décroissance et de bêtise » qui impliquerait « une sortie de l’Europe ».

Emmanuel Macron à la fin de sa visite au Salon de l'agriculture, samedi 24 février 2023.

Macron a ensuite directement critiqué le RN, disant notamment : « J’aimerais voir un projet qui explique aux gens qu’on va fermer les frontières et que les autres vont continuer à nous les ouvrir, mais ça n’existe pas (…) On ne peut pas faire de conneries aux agriculteurs, il faut arrêter. »

Macron a enfin réitéré les mesures qu’il compte mettre en place pour répondre à la colère des agriculteurs. Le plus notable d’entre eux est la poursuite de l’application de la loi EGalim en installant des indicateurs de prix dans tous les secteurs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, ainsi que la création d’un règlement européen sur les centrales d’achat pour lutter contre le contournement des négociations commerciales en France. .

L’échange avec la presse s’est terminé par une invitation à aller boire un verre. « Nous allons prendre un verre chez les brasseurs », a déclaré Macron. Le cortège présidentiel a quitté la porte de Versailles une heure plus tard.

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Le Monde with AFP

Traduction d’un article original publié en français sur lemonde.fr ; l’éditeur ne peut être responsable que de la version française.

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