« Cela le brise » : l’échange de prisonniers de Poutine laisse des centaines de personnes derrière lui

La Russie a fait monter à bord d’un avion jeudi des journalistes, des hommes politiques et un historien, entre autres. En retour, Poutine a déroulé le soir même le tapis rouge pour accueillir les espions, les cybercriminels et un meurtrier russes aux liens avérés avec le Kremlin.

Plutôt que de paraître gêné par le contraste, Moscou en a fait un spectacle. Poutine a personnellement accueilli les ex-prisonniers de retour sur le tarmac de l’aéroport de Vnoukovo et a amené avec lui ses principaux chefs de la défense et de la sécurité.

Il a serré Krasikov dans ses bras et a dit au groupe qu’il discuterait bientôt de leur avenir avec eux.

Dans la Russie de Poutine, les patriotes sont récompensés par des distinctions d’État et des postes politiques.

Et les traîtres sont éliminés : soit par une mort subite, comme dans le cas de Navalny, soit par l’emprisonnement, soit, s’ils sont extrêmement chanceux, comme jeudi, par un échange qui n’arrive qu’une fois de temps en temps.

Lexander Baunov, ancien diplomate russe aujourd’hui chercheur principal au Carnegie Russia Eurasia Center, a déclaré qu’avec l’échange de prisonniers, le Kremlin signale aux Russes qu’ils « ne devraient pas avoir peur de commettre des crimes au nom du régime, la mère patrie les renflouera ».

Lors d’une conférence de presse vendredi à Bonn, Ilya Yashin, l’un des dissidents russes libérés, s’est montré visiblement déchiré quant au prix à payer pour sa libération.

Bien sûr que cela motive Poutine à prendre de nouvelles personnes en otage, bien sûr que cela motive Poutine à augmenter le nombre de prisonniers politiques ! a-t-il déclaré aux journalistes avec émotion. C’est ce que font les dictateurs.

Des années de négociations

Il aurait fallu des années pour obtenir l’accord de toutes les parties sur cet échange et les chances qu’un tel événement se reproduise dans un avenir proche sont minces.

Pour Anne, la sœur de Marc Fogel, c’est une déception amère. Elle reste en colère, persuadée que le gouvernement américain a donné la priorité à la libération des dissidents russes plutôt qu’au retour de son frère à la maison. « Nous avons joué notre jeu », a-t-elle déclaré.

Les détracteurs du Kremlin qui jouissent encore de leur liberté feraient mieux de faire preuve de prudence, car quelques cellules de prison sont désormais vacantes. Alors que les négociations sur l’échange devaient entrer dans leur phase finale, les autorités russes ont lancé de nouvelles poursuites contre plusieurs journalistes pour leurs liens supposés avec Navalny.

Ces cas s’ajoutent à ceux de Daniel Kholodny, technicien de télévision pour la chaîne YouTube de Navalny, et de trois des avocats de Navalny, tous trois en prison.

« Il ne s’agit pas d’un dégel ou d’un acte d’humanité », a écrit le journaliste russe Dmitri Kolezev à propos de l’échange de prisonniers. « Le Kremlin avait besoin de récupérer ses espions, il a donc rassemblé des otages et en a échangé certains. D’autres resteront en prison. »

La bonne nouvelle pour eux est que cet échange suggère qu’il existe des gouvernements occidentaux prêts à les aider.

La mauvaise nouvelle : Poutine le sait aussi.

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