La France ouvre une enquête sur TotalEnergies sur l’attaque du Mozambique en 2021
Les procureurs français ont déclaré samedi qu’ils enquêtaient sur le géant pétrolier TotalEnergies pour un possible homicide involontaire en lien avec une attaque djihadiste en 2021 au Mozambique qui a fait des centaines de morts.
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Cette enquête fait suite à une plainte déposée par les familles des victimes et les survivants de l’attaque, accusant l’énergéticien français, qui développait un important projet de gaz liquéfié dans la région, de ne pas avoir protégé ses sous-traitants, a indiqué le parquet à l’AFP.
Les survivants et leurs familles affirment que TotalEnergies n’a pas non plus fourni de carburant pour permettre aux hélicoptères d’évacuer les civils après que des militants liés à l’État islamique ont tué des dizaines de personnes dans la ville portuaire mozambicaine de Palma le 24 mars 2021.
L’attaque dans la province de Cabo Delgado a duré plusieurs jours et a coûté la vie à plusieurs centaines de personnes. Certaines des victimes ont été décapitées et des milliers de personnes ont fui leurs foyers.

Contacté par l’AFP samedi, un porte-parole de TotalEnergies a réitéré une précédente déclaration disant qu’il rejetait fermement ces accusations.
Il a déclaré que les équipes de l’entreprise au Mozambique avaient fourni une aide d’urgence et rendu possible l’évacuation de 2 500 personnes de l’usine, dont des civils, du personnel, des entrepreneurs et des sous-traitants.
L’enquête française vise également à déterminer si TotalEnergies est coupable de non-assistance à personne en danger, ont indiqué les procureurs.
Sept plaignants britanniques et sud-africains, trois survivants et quatre proches de victimes accusent TotalEnergies de ne pas avoir pris de mesures pour assurer la sécurité des sous-traitants avant même l’agression.
Le groupe Al-Shabab, sans lien avec le groupe somalien du même nom qui a mené l’attaque, était actif dans la province de Cabo Delgado depuis 2017 et se rapproche de plus en plus de Palma.
Le danger était connu, affirmait l’avocat du plaignant Henri Thulliez en 2023 au moment du procès.
En fonction du résultat de l’enquête préliminaire, l’affaire serait soit abandonnée, soit l’enquête s’intensifierait en vue d’éventuelles poursuites, ont-ils indiqué.
Étape positive
Les familles et les survivants ont salué la décision française, Nicholas Alexander, un survivant sud-africain de l’attaque, la qualifiant d’étape positive.
TotalEnergies, estime-t-il, porte une part de responsabilité dans cette tragédie, a-t-il déclaré à l’AFP.
Anabela Lemos, militante des Amis de la Terre Mozambique, connue localement sous le nom de Justica Ambiental, a déclaré que les effets négatifs des opérations des majors pétrolières françaises au Mozambique allaient au-delà de l’attaque de 2021 en raison de la destruction de l’environnement et des décès dus à sa présence là-bas.
Le projet de 20 milliards de dollars de TotalEnergies visant à développer un grand gisement de gaz sur la péninsule d’Afungi a été interrompu à la suite de l’attaque de 2021, mais son président Patrick Pouyanne a depuis déclaré qu’il espérait le relancer.
En novembre 2023, un groupe de 124 ONG a publié une lettre ouverte à des dizaines d’institutions financières, dont des banques européennes, japonaises et sud-africaines, les exhortant à se retirer du projet.
Les ONG, dont la Ligue des Droits de l’Homme, Oil Change International et Greenpeace France, ont déclaré aux 28 institutions financières qu’elles assumeraient autrement une responsabilité directe et significative de son impact.
Les risques humanitaires et sécuritaires, ainsi que la complexité des opérations dans une zone de conflit ont été sous-estimés, affirment les ONG dans la lettre, qualifiant toute poursuite d’imprudente.
Le projet menace les écosystèmes locaux et le climat mondial, tout en ne bénéficiant pas aux communautés locales, ont-ils déclaré.
Le Mozambique fonde de grands espoirs sur les vastes gisements de gaz naturel, les plus importants au sud du Sahara, découverts dans la province du nord à majorité musulmane en 2010.
L’ancienne colonie portugaise de 30 millions d’habitants en Afrique du Sud-Est est l’un des pays les plus pauvres du monde malgré ses vastes ressources naturelles, notamment le gaz.
Il a été confronté à des insurrections de groupes islamistes pendant une grande partie de la dernière décennie.
(AFP)