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Philippe de Gaulle, fils de Charles de Gaulle, est décédé à l’âge de 102 ans

Philippe de Gaulle et son épouse Henriette de Montalembert arrivent à l'Opéra pour une réception en l'honneur des souverains du Népal, le roi Mahendra et la reine Ratna, en visite officielle à Paris le 7 octobre 1966.

La chance de Philippe de Gaulle était d’être le fils de l’une des plus grandes figures françaises, Charles de Gaulle, chef de la Résistance et président de la France qui a fondé la Cinquième République. Son malheur était aussi exactement cela. Soldat vaillant durant la Seconde Guerre mondiale, il mène une carrière accomplie dans la Marine nationale française, mais le modèle auquel il est comparé diminue inévitablement ses réalisations. Victime de sa glorieuse ascendance, il prend sa revanche sur le tard avec un best-seller, De Gaulle mon pre (« De Gaulle mon père »), un récit très personnel du grand homme, qui a captivé le grand public mais a irrité les historiens confirmés.

L’amiral Philippe de Gaulle est décédé dans la nuit du mardi 12 mars à l’âge de 102 ans à Paris. Il est né dans la capitale française le 28 décembre 1921. Il est le premier enfant d’Yvonne Vendroux puis du capitaine Charles de Gaulle, blessé à la bataille de Verdun en 1916 et enseignant à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr à le temps. Contrairement à une légende tenace, Philippe n’était pas le filleul de Philippe Ptain, le général qui dirigera le régime collaborationniste pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais Ptain tenait à l’époque Charles de Gaulle en haute estime. En témoignage de leurs liens qui remontaient à 1912, Ptain dédia sa photo au nouveau-né avec ces mots : « Au jeune Philippe qui marchera, je l’espère, sur les traces de son père. »

Croix de Guerre, Grand-Croix de la Légion d’Honneur

Dès le berceau, l’histoire guettait Philippe. Elle entre finalement dans sa vie le 19 juin 1940, lorsque, accompagné de sa mère et de ses deux sœurs, il débarque sur les côtes anglaises dans l’espoir de retrouver son père dont ils ont perdu la trace. En lisant le journal local, ils ont appris qu’un général de brigade français nommé Charles de Gaulle avait lancé la veille un appel à la résistance contre l’occupant, via la BBC. Philippe de Gaulle avait 18 ans. C’était un jeune homme svelte, au visage rasé de près, qui n’a pas réussi à convaincre son père de le laisser entrer à l’école navale du collège Stanislas de Paris, où il venait de passer son baccalauréat. Charles de Gaulle aurait préféré le voir poursuivre une carrière diplomatique, étant donné que « ce n’est guère un avantage pour une famille d’avoir trop de soldats ».

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Elève de l’Académie navale des Forces françaises libres, promotion 1940, Philippe participe à de nombreux combats pendant la guerre. Il participe à la défense aérienne de Portsmouth puis à de nombreuses opérations en Manche et dans l’Atlantique. Le 1er août 1944, il débarque à Utah Beach dans le nord-ouest de la France avec les hommes de la division Leclerc, où il avait été enrôlé comme soldat. fusilier marin. Les deuxsd La Division blindée se précipite à Paris où, le 25 août, Philippe de Gaulle reçoit l’ordre de négocier la reddition des soldats allemands retranchés au Palais-Bourbon, siège de l’Assemblée nationale, mission qu’il accomplit avec sang-froid et sans tirer un coup de feu. .

La campagne d’Alsace derrière lui et la paix rétablie, Philippe de Gaulle devient pilote sur porte-avions. Il participe aux guerres d’Indochine et d’Algérie avant d’occuper plusieurs commandements aériens et maritimes, dont celui de l’Escadron de l’Atlantique. Il termine sa carrière militaire en 1982 comme amiral inspecteur général de la Marine.

Il est décoré de la Croix de Guerre et de la Grand-Croix de la Légion d’honneur mais n’est pas nommé Compagnon de la Libération. Un « oubli » que son père a justifié : « Naturellement, je ne pourrais pas faire de toi, mon fils, un Compagnon de la Libération, même à titre posthume ou si tu étais revenu gravement mutilé. Avant d’ajouter sur le même ton : « En tout cas, tout le monde sait que tu as été mon premier compagnon. »

Être le fils d’un tel père

Philippe de Gaulle était agacé d’être considéré comme un « fils d’archevêque », comme quelqu’un qui doit sa carrière à la position de son père. Pour des raisons obscures, il hérita du surnom de Sosthné et souffrit longtemps de la jalousie suscitée par un destin extraordinaire qui n’était pas le sien.

Il se considérait comme victime d’intimidation. Jacques Foccart, proche conseiller du « Général », comme on appelait Charles de Gaulle, raconte que Philippe lui était venu rendre visite au lendemain de la mort de son père pour se plaindre de n’être que capitaine : « Pour m’en convaincre, il cite les exemples du fils de Staline, promu général à l’âge de 27 ans, et du fils d’Eisenhower, qui était également général. Foccart s’est confié sur cette visite au président Georges Pompidou, qu’il a également conseillé. Pompidou a répondu : « Je ne le crois pas particulièrement vif et il est souvent maladroit, mais c’est le fils du général. Il faut faire quelque chose pour lui. »

C’est ainsi que Philippe devient amiral en septembre 1971. Et en récompense de cette même dette, le président Jacques Chirac le nomme plus tard sénateur de Paris, siège que Philippe a occupé pour le parti de droite de Chirac de 1986 à 2004.

C’était à la fois une bénédiction et une malédiction d’être le fils d’un tel homme, d’un père intimidant et inflexible, même dans l’intimité de sa propre famille. Il est attentif à l’éducation de ses enfants mais se montre distant et peu présent, entièrement concentré sur son propre destin et celui de la France. Dès son plus jeune âge, Philippe a compris qu’il ne serait jamais proche du grand homme. « Après m’avoir embrassé, ce qu’il faisait rarement, il m’a renvoyé au bout de 15 minutes. » Combien de fois dut-il se contenter de cette affection mesurée, même si son père se faisait un devoir de l’appeler « cher vieux garçon » ?

Héritier des droits moraux attachés à l’œuvre du général

Il était l’aîné mais pas le favori. La tendresse de Charles de Gaulle s’adresse d’abord à sa fille Anne, trisomique, décédée à l’âge de 20 ans, en 1948. Et dans le cercle familial proche, Philippe doit compter avec Alain de Boissieu, le mari de sa sœur Elisabeth. De Boissieu fut Compagnon de la Libération, et deviendra chef d’état-major de l’Armée et grand chancelier de la Légion d’honneur.

A la mort de son père en 1970, Philippe hérite du domaine familial, La Boisserie, sur la commune de Colombey-les-Deux-Eglises. Il était héritier des droits moraux attachés à l’œuvre du Général, à sa mémoire, à son image, à ses écrits et à ses archives. Il profite de sa liberté retrouvée pour rendre publique une curieuse lettre que son père lui adresse en 1964, dans laquelle il exprime l’espoir que le moment venu, il assumera « la responsabilité de diriger la France ».

En hommage au défunt, des milliers de rues et d’écoles portent le nom de Charles de Gaulle après sa mort. En 1990, Philippe était invité presque quotidiennement à honorer de sa présence l’inauguration d’une école, une cérémonie ou un colloque. Sa ressemblance avec le Général devient frappante au fil des années : même stature gothique, même nez « cyrano » pour reprendre l’expression de son père et même soupçon de moustache et de paupières tombantes.

Des mémoires passées inaperçues

Il s’est longtemps opposé à toute représentation figurative du Général, mais a fait une exception pour la statue qui a été érigée au pied des Champs-Élysées, non loin de celles de Winston Churchill et de Georges Clemenceau. Il a publié de nombreux ouvrages. Tout d’abord, les 13 volumes de l’ouvrage de son père Lettres, notes et carnets (« Lettres, notes et cahiers »). Puis un album photo des archives familiales, De Gaulle (1989). Enfin, il était temps de rédiger ses propres mémoires, sous un titre en forme de déclaration : Mmoires accessoires (« Ancillary Memories », deux volumes en 1997 et 2000).

Ces mémoires sont passés presque inaperçus. Ils regorgent pourtant d’informations et d’anecdotes alors inédites, qui ont été réutilisées pour le livre le plus célèbre de Philippe de Gaulle : De Gaulle mon pre (« De Gaulle mon père », deux volumes en 2003 et 2004). Mais le style est raide et les détails sur la carrière de Philippe sont plutôt monotones. Seul à son bureau, il manquait de talent littéraire.

Ses entretiens avec le journaliste Michel Tauriac pour De Gaulle mon pre ont été un énorme succès. Selon ses éditeurs, 800 000 exemplaires furent vendus au total, plus 80 000 en livre de poche. Dans la foulée de ce triomphe, il publie un nouvel album photo, Mon pre en images (« Mon Père en Photos »), en collaboration avec Tauriac, en 2006.

Extraits Abonnés uniquement Philippe de Gaulle : « Je n’ai jamais vu mon père avoir envie de rire aux éclats »

Avec De Gaulle mon pre, Philippe devient une célébrité satisfaite. A plus de 80 ans, il fait le tour des émissions de radio et de télévision, discutant avec l’actrice Arielle Dombasle, taquiné par l’animateur Thierry Ardisson et cajolé par le plus célèbre présentateur français, Michel Drucker. Il fit tant d’apparitions et ressembla tellement à son père que certains fidèles du Général crièrent à la trahison.

De Gaulle mon pre lève le voile sur une partie cachée de la vie du fondateur de la Ve République le mari, le père et le grand-père. L’homme privé a été montré en détail et on ne savait rien de lui auparavant. Philippe a représenté le général jetant Le Monde un jour dans sa corbeille à papier, par mépris. Il a révélé que son père « aimait la choucroute généreusement garnie ». Et qu’il faisait rire ses petits-enfants, qu’il chérissait avec ses énigmes.

Les lecteurs de De Gaulle mon pre apprécié cela. Les historiens ne l’ont pas fait. Le livre est plein d’erreurs factuelles, d’interprétations erronées et de mesquineries. Pour réfuter l’accusation d’antisémitisme parfois portée contre son père, Philippe a expliqué que « beaucoup de (ses) médecins étaient juifs » et les a nommés un à un. Il s’en est pris à la mémoire des anciens premiers ministres Lon Blum et Pierre Mendès France, voire à celle des écrivains François Mauriac et André Malraux. Comme le disait cruellement l’historien Pierre Nora : « L’Amiral a mobilisé le Général » avec son best-seller.

Puis la querelle s’est apaisée. Dans ses derniers jours, Philippe se montre plus sobre dans ses apparitions, même s’il honore les hommages que la République rend au grand homme, à ce père si différent par sa présence.

En savoir plus Abonnés uniquement Succession et trahison dans la famille de Charles de Gaulle

Philippe de Gaulle en quelques dates

28 décembre 1921 Né à Paris

1971 Devient contre-amiral

9 novembre 1970 Mort de Charles de Gaulle

2003-2004 Publication de De Gaulle mon pre (« De Gaulle mon père »)

1986-2004 Sénateur de Paris

13 mars 2024 Mort à Paris

Traduction d’un article original publié en français sur lemonde.fr ; l’éditeur ne peut être responsable que de la version française.

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