Paul Rusesabagina, le héros de Hotel Rwanda, est libéré après plus de 900 jours de prison

Rusesabagina a été libéré vendredi soir et retournera aux États-Unis après que le gouvernement de Kigali a commué sa peine de 25 ans pour terrorisme.

Sa détention a suscité des critiques en Occident et parmi les groupes de défense des droits, et a mis en évidence le bilan du Rwanda en matière de dissidence politique écrasante et de liberté d’expression sous le président Paul Kagame.

Rusesabagina a été emprisonné après avoir été reconnu coupable d’avoir soutenu un groupe rebelle armé lors d’un procès que ses partisans ont dénoncé comme une imposture.

L’homme de 68 ans est en mauvaise santé et sa famille a déclaré qu’il avait été torturé pendant ses 939 jours de détention.

Sa peine a été « commutée par arrêté présidentiel », tout comme les peines de prison de 19 coaccusés condamnés à ses côtés, a indiqué à l’AFP la porte-parole du gouvernement, Yolande Makolo.

Peu avant minuit vendredi, Rusesabagina est arrivé à la résidence des ambassadeurs du Qatar à Kigali, a déclaré un responsable américain.

Il y restera probablement quelques jours avant de s’envoler pour le Qatar, qui a aidé à négocier sa libération, puis aux États-Unis où il a sa résidence permanente, a déclaré un autre responsable américain.

Le Rwanda a salué le rôle des États-Unis et du Qatar dans la résolution de l’affaire, après que Kagame ait tenu des pourparlers à Doha au début du mois.

C’est le résultat d’un désir partagé de réinitialiser (la) relation américano-rwandaise, a tweeté vendredi l’attachée de presse de Kagames, Stephanie Nyombayire, ajoutant que la relation étroite entre le Rwanda et le Qatar était essentielle.

Le président américain Joe Biden a salué la libération de Rusesabaginas, la qualifiant d’issue heureuse.

La famille de Paul est impatiente de l’accueillir à nouveau aux États-Unis, et je partage sa joie face à la bonne nouvelle d’aujourd’hui, a-t-il déclaré dans un communiqué.

Laisse la politique derrière moi

Rusesabagina, également citoyenne belge, a été accusée de soutenir le Front de libération nationale (FLN), un groupe rebelle responsable des attentats au Rwanda en 2018 et 2019 qui ont fait neuf morts.

Il a nié toute implication dans les attaques, mais a été l’un des fondateurs du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), un groupe d’opposition dont le FLN est considéré comme le bras armé.

Il a été arrêté après qu’un avion en route vers le Burundi a été détourné vers le Rwanda en août 2020 lors d’un incident que les Nations Unies ont qualifié d’enlèvement.

Rusesabagina avait quitté le Rwanda en 1996 et s’était installé en Belgique avec sa femme et ses enfants.

Près d’une décennie plus tard, il est devenu une célébrité presque du jour au lendemain avec la sortie du film Hotel Rwanda en 2004 avec Don Cheadle.

Le film a été inspiré par son expérience en tant que directeur d’hôtel pendant le génocide rwandais de 1994, lorsque sa famille et des centaines d’invités, principalement des Tutsis comme sa femme, se sont réfugiés à l’intérieur des Mille Collines alors que des foules armées de machettes tuaient des gens devant les portes de l’hôtel.

Rusesabagina est crédité d’avoir aidé à sauver près de 1 200 vies au cours du massacre de 100 jours qui a fait environ 800 000 morts rwandais et s’est terminé avec un nouveau gouvernement dominé par les Tutsis.

Il est ensuite devenu un critique virulent de Kagame et ses tirades contre le chef l’ont amené à être traité comme un ennemi de l’État.

Dans une lettre publiée par le gouvernement vendredi mais datée d’octobre 2022, Rusesabagina s’est engagé à se retirer de la vie politique en échange d’une grâce.

Je comprends parfaitement que je passerai le reste de mes jours aux États-Unis à réfléchir tranquillement. Je peux vous assurer par cette lettre que je n’ai aucune autre ambition personnelle ou politique. Je laisserai derrière moi les questions concernant la politique rwandaise.

Moyens pour faire taire les opposants

L’annonce de vendredi est intervenue un jour après que Kagame ait quitté son proche allié, le Qatar, où il avait signalé que son gouvernement cherchait des moyens de résoudre l’affaire.

Les pourparlers sur une éventuelle libération ont commencé fin 2022 et une percée est intervenue la semaine dernière dans les discussions entre Kagame et l’émir du Qatar, le cheikh Tamim bin Hamad al-Thani, a déclaré une source au courant des négociations.

L’affaire Rusesabaginas est depuis longtemps une source de discorde entre Washington et Kigali, et elle a été soulevée par le secrétaire d’État américain Antony Blinken lors d’une visite au Rwanda en août de l’année dernière.

Les États-Unis ont déclaré que Rusesabagina avait été détenu à tort, mais Kagame a insisté l’année dernière sur le fait que les États-Unis ne pouvaient pas l’intimider pour qu’il ordonne sa libération.

Blinken a déclaré vendredi dans un communiqué que les États-Unis étaient reconnaissants au Rwanda pour cette libération.

L’année dernière, la famille Rusesabaginas a déposé une plainte de 400 millions de dollars aux États-Unis contre Kagame, le gouvernement rwandais et d’autres personnalités pour l’avoir prétendument enlevé et torturé.

Victoire Ingabire, une autre critique de Kagame qui a également été emprisonnée pour terrorisme avant d’être graciée en 2018, a déclaré que cette décision visait à faire taire l’opposition rwandaise.

Une fois qu’une personne a été condamnée par les tribunaux rwandais, elle est privée de son droit de s’engager en politique, et une grâce présidentielle ne rétablit pas ces droits, a-t-elle déclaré à l’AFP.

(AFP)

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