Paris cherche à apaiser les craintes des salariés de Sanofi face au rachat américain

PARIS — Serait-ce un cas d’aboiement mais pas de morsure ?

Paris a menacé d’utiliser tout son poids pour assurer la cession d’une partie des activités de vente libre de Sanofi qui continuent de produire certains médicaments en France.

Mais lors d’une visite lundi à l’usine de Sanofi en Normandie, les ministres français de l’économie et de l’industrie ont semblé plus soucieux de rassurer les travailleurs et les citoyens sur le fait qu’ils n’avaient pas grand-chose à craindre du rachat par le fonds américain CD&R, plutôt que de menacer de bloquer l’accord.

Lors de précédentes acquisitions controversées, le puissant ministère français de l’Économie n’avait pas hésité à menacer d’imposer son veto au nom des intérêts français. Cette fois, les choses semblaient différentes.

Suite à une réaction de tous les partis contre l’accord, les deux ministres se sont rendus à l’usine de paracétamol de Lisieux et ont annoncé aux côtés des hauts gradés de Sanofi que le rachat américain ne devrait avoir aucun impact sur l’emploi et l’approvisionnement en médicaments français.

« Nous demanderons des conditions extrêmement précises, fortes et intangibles sur la suite des choses », a déclaré lundi le ministre de l’Economie Antoine Armand lors de sa visite de l’usine de paracétamol en compagnie du ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferracci.

Le ministère de l’Economie a déclaré à la presse que Paris allait lancer une procédure de sélection des investissements dans le cadre du projet de vente d’Opella, filiale de Sanofi, au fonds américain de capital-investissement pour 15 milliards d’euros. Le gouvernement cherche à conclure un accord entre Sanofi, CD&R et l’Etat, pour contraindre le repreneur à maintenir emplois et investissements en France.

« Nous demanderons des conditions extrêmement précises, fortes et intangibles sur la suite des événements », a déclaré le ministre de l’Economie Antoine Armand lors de sa visite à l’usine de paracétamol. | Lou Benoist/AFP via Getty Images

Les deux ministres a promis de maintenir la production de médicaments en vente libre en France en menaçant de sanctions économiques si ces engagements ne sont pas respectés. Et, si nécessaire, l’État pourrait également racheter des actions d’Opella et influencer les décisions de l’entreprise en tant qu’actionnaire, a ajouté Armand.

Signe que Sanofi et le gouvernement sont sur la même longueur d’onde, Armand et Ferracci ont visité l’usine avec le président de Sanofi, Frédéric Oudéa, un vétéran des services financiers qui, jusqu’à l’année dernière, a été PDG de la banque française Société Générale pendant 15 ans.

Le président français Emmanuel Macron a également soutenu cette position, interrogé lundi lors d’un autre événement. « Je distinguerais deux choses : l’activité en France et la détention du capital », a-t-il déclaré, faisant référence aux engagements pour maintenir l’emploi, la production et les médicaments en France.

« Concernant la détention du capital, le gouvernement dispose des instruments pour garantir la protection de la France. C’est donc au gouvernement de se pencher sur cette question.»

Mais les travailleurs n’y croient pas. Les salariés de l’usine de Lisieux, qui produit du paracétamol, sont en grève pour s’opposer à l’accord qui, selon eux, pourrait menacer leurs emplois et l’approvisionnement en médicaments de la France.

Et la politique française est de leur côté. Vendredi, des politiciens de tout le spectre politique ont réagi avec indignation à l’annonce selon laquelle Sanofi était en pourparlers pour vendre une participation majoritaire dans Opella à CD&R, mettant de facto la production de médicaments en vente libre de Sanofi entre les mains des Américains.

Les grandes sociétés pharmaceutiques qui vendent leurs activités de médicaments en vente libre ne sont pas un concept nouveau. En 2018, Sanofi a cédé son activité de médicaments moins chers, Zentiva, à une société de capital-investissement basée aux États-Unis pour 1,9 milliard d’euros. La différence cette fois-ci, outre le lieu – Zentiva était basée en République tchèque, tandis qu’Opella est en France – est que les citoyens français se souviennent encore des souvenirs déchirants des pénuries de médicaments dues à la pandémie.

Autonomie stratégique testée

Les omniprésentes boîtes jaunes du Doliprane, la marque du paracétamol de Sanofi, sont le médicament le plus vendu en France. Les pénuries de médicaments, dont le paracétamol, pendant la pandémie de coronavirus ont marqué les Français et alimenté les efforts de Paris pour plus d’autonomie stratégique.

« Le Doliprane va continuer à être produit en France, et pas seulement parce que c’est un médicament apprécié de tous les Français, non seulement parce que c’est une réussite industrielle, mais parce que la souveraineté de notre pays et l’approvisionnement en médicaments sensibles et critiques sont en jeu, » a promis Armand.

La France a été à l’avant-garde des efforts européens visant à relocaliser la production de médicaments sur le continent et a accordé de généreuses subventions pour amener en France la chaîne d’approvisionnement complète de médicaments clés comme le paracétamol.

Le pays ne produit actuellement du paracétamol que grâce au principe actif importé. Elle prévoit de produire le principe actif dès 2026 dans une nouvelle usine française qui sera ouverte par Seqens, également contrôlée par un fonds américain, qui fournira Opella.

Un responsable du ministère de l’Economie a déclaré que le gouvernement exigerait de l’acheteur américain qu’il respecte ses engagements avec les fournisseurs pendant plusieurs années et qu’il achète le principe actif auprès de Seqens.

Tout en promettant de tout faire pour maintenir la production de médicaments en France, le gouvernement français ne semble pas hostile à l’accord.

Dans le passé, le ministère français de l’Économie avait publiquement exprimé son opposition aux rachats transatlantiques, des supermarchés aux composants nucléaires, mettant fin à ces transactions.

Cette fois, cependant, le ton est très différent ; le gouvernement a décrit le repreneur comme « un fonds d’investissement sérieux qui présente des perspectives positives pour le développement global d’Opella ainsi que pour les sites situés en France ».

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