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L’impasse politique va aggraver les enjeux économiques en France

Une chose est sûre après les résultats surprises des élections françaises de dimanche : tout nouveau gouvernement formé par le président Emmanuel Macron serait confronté à une paralysie politique de plusieurs mois. Ce qui est moins sûr, c’est que cette impasse ne plongera pas encore davantage l’économie française, lourdement endettée, dans la détresse.

Ces turbulences ont recentré l’attention sur la dette croissante de la France, qui s’élève à 3 000 milliards d’euros, et sur un déficit qui représente plus de 5 % du PIB, et ont immédiatement provoqué un avertissement lundi de la part de S&P Global Ratings sur la note de la dette souveraine de la France.

L’incertitude plane sur l’avenir de l’administration française, a déclaré l’agence, qui avait déjà abaissé la note de la dette française le 31 mai, ébranlant le gouvernement, dont la crédibilité économique a été l’un de ses principaux atouts politiques. Si la polarisation du nouveau Parlement français affaiblissait la capacité du gouvernement à redresser ses finances, la dette française pourrait être à nouveau abaissée, a-t-elle ajouté.

La France se trouve en terrain inconnu après la montée inattendue des partis de gauche aux élections législatives nationales, éclipsant le parti nationaliste et anti-immigration Rassemblement national pour obtenir le plus grand nombre de sièges à la chambre basse du Parlement. Le résultat n’a laissé aucun parti, y compris la coalition centriste de M. Macron, avec une majorité et a divisé la chambre basse du Parlement en trois blocs âprement antagonistes.

L’économie française traversait déjà une période difficile. Le chômage, qui était tombé l’an dernier à 7%, son plus bas niveau depuis 15 ans, a recommencé à augmenter, les industriels réduisant leur production et les exportations ralentissant. Les consommateurs, lassés par l’inflation persistante, ont également réduit leurs dépenses, un moteur essentiel de la croissance.

Le gouvernement Macron a récemment prévenu que la croissance serait plus faible que prévu cette année, car il envisageait de réduire les dépenses de plus de 20 milliards (environ 21,5 milliards de dollars). L’Union européenne a réprimandé la France à la fin du mois dernier pour avoir enfreint les règles budgétaires qui restreignent les dépenses et les emprunts. La dette française a grimpé à plus de 110 % de la production économique, et elle présente un déficit budgétaire important après que le gouvernement a dépensé massivement pour protéger les consommateurs et les entreprises des confinements liés à la pandémie et des prix élevés de l’énergie.

Les adversaires de M. Macron, à droite comme à gauche, se sont emparés de la question de la dette pour l’attaquer pendant leur campagne. Mais les principaux partis ne semblent pas disposés à parvenir à un consensus et les investisseurs craignent que le nouveau Parlement ne parvienne pas à adopter à l’automne un budget qui inclurait d’importantes coupes budgétaires et éviterait le risque de nouvelles dégradations de la note souveraine de la France.

Une fois la poussière retombée, l’impasse d’un Parlement sans majorité absolue se révélera plus dommageable que ce que l’on pensait au départ, a écrit Alex Everett, gestionnaire d’investissement chez Abrdn, une société d’investissement basée à Londres, dans une note adressée à ses clients. Les problèmes budgétaires de la France n’ont pas disparu. La tentative de Macron de forcer l’unité a au contraire alimenté encore plus de discorde.

Les investisseurs ont déjà fait grimper les coûts d’emprunt du gouvernement. L’écart entre les taux d’intérêt appliqués par les investisseurs sur la dette française et sur la dette allemande s’est creusé pour atteindre le plus grand écart depuis la crise financière, signe que les investisseurs s’inquiètent de la capacité de la France à gérer ses finances. Le danger est que la dette française s’alourdisse encore davantage, ce qui pourrait conduire à une augmentation plus rapide des paiements d’intérêts.

Le tableau est compliqué par l’alliance de gauche, le Nouveau Front populaire, qui a remporté dimanche le plus grand nombre de sièges à la chambre basse du Parlement. Ce parti, un bloc qui comprend des députés communistes, verts et socialistes, prône un programme de taxation lourde des riches et de répartition des richesses inspiré par le parti d’extrême gauche La France insoumise, et s’est dit prêt à contourner les règles budgétaires de l’Union européenne si nécessaire pour mettre en œuvre son programme.

En effet, à moins que le gouvernement n’augmente les impôts sur les entreprises et les riches, le bloc de gauche risque de rejeter un budget national qui honore l’engagement de la France envers Bruxelles et les agences de notation de réduire le déficit l’année prochaine de 5,1 à 4,4 % du produit intérieur brut, a écrit Mujtaba Rahman, directeur général Europe du groupe Eurasia, dans une analyse. Le groupe cherchera également à augmenter les dépenses dans l’éducation et la santé et pourrait faire pression pour augmenter le salaire minimum en France, a-t-il déclaré.

Mais les gauchistes, bien qu’enhardis, manqueront de contrôle global, et leur programme a donc peu de chances d’être approuvé. Cela a apaisé les craintes de certains investisseurs quant au coût économique du programme de dépenses des Nouveaux Fronts populaires. Le coût estimé pourrait atteindre 187 milliards par an, un total qui serait financé par une augmentation des impôts pour les entreprises et les particuliers fortunés pouvant atteindre 150 milliards, et par la suppression de divers avantages fiscaux pour les entreprises.

Un Parlement sans majorité absolue est probablement la meilleure solution pour les actions européennes, a déclaré Claudia Panseri, directrice des investissements pour la France chez UBS Global Wealth Management.

Lundi, le ministre des Finances de M. Macron, Bruno Le Maire, a averti dans un message sur X que le programme économique des blocs de gauche pourrait faire basculer la France dans une crise financière et un déclin économique. Il détruirait les résultats de la politique que nous menons depuis sept ans et qui a donné à la France du travail, de l’attractivité et des usines, a-t-il déclaré.

Holger Schmieding, économiste en chef de la banque Berenberg, estime que l’impasse législative signifie la fin des réformes pro-croissance de Macron. Au lieu de cela, a-t-il déclaré, la coalition centriste de M. Macron devra probablement accepter l’annulation de certaines de ses initiatives phares, notamment sa décision de relever l’âge de la retraite en France de 62 à 64 ans, qui a conduit à des manifestations dans tout le pays en 2022.

A long terme, a ajouté M. Schmieding, de tels retournements de situation et la défaveur des investisseurs internationaux risquent de réduire la croissance et d’accroître l’inflation en France. Associés aux dégradations potentielles de la note de crédit, ces changements augmenteraient les coûts de financement et aggraveraient les difficultés budgétaires de la France, a-t-il ajouté.

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