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L’extrême droite est proche du pouvoir. Le reste de l’Europe suivra-t-il ? – BBC News

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L’extrême droite est proche du pouvoir en France. Le reste de l’Europe suivra-t-il ?

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  • Auteur, Katia Adler
  • Rôle, Rédacteur Europe

Quelle est la probabilité que la France se réveille lundi matin sous un nouveau jour d’extrême droite ?

C’est le scénario décrit de manière criarde et vivement débattu dans les gros titres des médias, à Bruxelles et dans les sièges des gouvernements à travers l’Europe après le premier tour des élections parlementaires françaises la semaine dernière.

Mais malgré la performance spectaculaire du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, la réponse est simple : une majorité RN est possible. Pas probable.

Les partis centristes et de gauche français ont stratégiquement retiré des candidats pour renforcer leurs adversaires respectifs avant le second tour décisif de dimanche.

Mais l’impact de cette élection sera sismique, que le RN remporte ou non une majorité absolue – ou que Jordan Bardella, son jeune président, expert des réseaux sociaux, devienne le nouveau Premier ministre français.

Les sondages prédisent que le RN est assuré de remporter plus de sièges que tout autre groupe politique.

Cela signifie qu’un tabou vieux de plusieurs décennies aura été brisé en France, un pays central de l’UE.

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Légende, Un sondage suggère que les électeurs français font plus confiance au RN qu’à tout autre parti pour gérer leur économie

L’Union européenne est née des cendres de la Seconde Guerre mondiale. Elle a été conçue à l’origine comme un projet de paix, avec pour noyau central ses ennemis de l’époque, la France et l’Allemagne.

Les partis d’extrême droite ont été relégués aux marges de la politique européenne.

Le mois dernier, les dirigeants mondiaux se sont réunis dans le nord de la France pour commémorer les 80 ans du jour J, l’assaut amphibie allié en Normandie qui a contribué à assurer la défaite de l’Allemagne nazie.

Mais aujourd’hui, des partis d’extrême droite ou nationalistes populistes font partie de gouvernements de coalition dans un certain nombre de pays de l’UE, dont les Pays-Bas, l’Italie et la Finlande.

Il est difficile d’étiqueter ces partis. Leurs politiques changent fréquemment et varient également d’un pays à l’autre.

Et cette normalisation n’est pas un phénomène entièrement nouveau. L’ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi, un homme politique de centre-droit, a été le premier dirigeant de l’UE à franchir le pas. Il a formé un gouvernement avec le groupe politique postfasciste Movimento Sociale Italiano en 1994.

Six ans plus tard, les conservateurs autrichiens formaient une coalition avec le Parti de la liberté d’extrême droite. L’UE était alors tellement indignée qu’elle avait bloqué pendant plusieurs mois les contacts bilatéraux officiels avec l’Autriche.

L’étiquette politique d’après-guerre dictait que le courant politique dominant devait former une cordon sanitaireune barrière sanitaire, en période électorale pour tenir l’extrême droite à l’écart des gouvernements européens.

Le terme universellement reconnu pour cette pratique est le français, ce qui vous donne une idée de la passion qu’elle suscite chez de nombreux Français.

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Légende, Les partis politiques de gauche français se sont unis pour former un « Nouveau Front populaire » pour défier le RN

Lors de l’élection présidentielle de 2002, certains électeurs français ont accroché une pince à linge à leur nez en se rendant aux bureaux de vote – une manière de montrer qu’ils voteraient pour un candidat qu’ils n’aimaient pas vraiment, juste pour tenir l’extrême droite à l’écart.

Il s’agissait d’un parti d’extrême droite dirigé pendant des années par le père de Marine Le Pen, avec dans ses rangs d’anciens membres français d’une unité de Waffen SS dirigée par les nazis.

Avance rapide jusqu’en 2024, et l’ambition de Marine Le Pen, en gestation depuis 10 ans, de détoxifier le parti de son père – en changeant son nom et en s’efforçant de nettoyer son image – semble avoir été un succès retentissant.

Le cordon sanitaire Le parti Les Républicains a désormais une plaie ouverte, après que le chef de file du centre-droit Les Républicains a conclu un accord avec le RN pour ne pas entrer en compétition l’un contre l’autre ce dimanche dans certaines circonscriptions. Ce fut un séisme dans la politique française.

Pour Marine Le Pen, le fait que ses partisans n’hésitent plus à l’admettre est crucial. Le RN n’est plus considéré comme un mouvement de contestation extrémiste. Pour beaucoup, il propose un programme politique crédible, quoi qu’en disent ses détracteurs.

Selon un sondage Ipsos réalisé pour le Financial Times, les électeurs français font davantage confiance au RN qu’à tout autre parti pour gérer l’économie et les finances publiques (actuellement en difficulté). Et ce, malgré le manque d’expérience du parti en matière de gouvernance et le manque de financement de ses plans de réduction des impôts et de dépenses.

Ce qui soulève la question, lorsque l’on observe le désespoir angoissé des cercles libéraux en Europe face au succès croissant de la soi-disant Nouvelle Droite : si les législateurs traditionnels avaient mieux servi leurs électeurs, peut-être y aurait-il moins d’opportunités pour les populistes européens d’entrer ?

Par populistes, j’entends des hommes politiques comme Mme Le Pen qui prétendent écouter et parler au nom des gens ordinaires, les défendant contre l’establishment.

Cet argument « eux et nous » est extrêmement efficace lorsque les électeurs se sentent inquiets et ignorés par les pouvoirs en place. Il suffit de regarder Donald Trump aux États-Unis, la percée inattendue du parti Reform UK lors des élections de jeudi au Royaume-Uni et l’énorme succès du parti controversé anti-immigration AfD en Allemagne.

En France, beaucoup perçoivent le président Macron, un ancien banquier d’affaires, comme un homme arrogant, privilégié et éloigné des soucis quotidiens des gens ordinaires en dehors de la bulle parisienne. Un homme qui a rendu la vie des gens difficiles encore plus difficile, disent-ils, en augmentant l’âge de la retraite et en essayant d’augmenter les prix du carburant, invoquant des préoccupations environnementales.

Ce doit être une source de frustration pour le président français que son succès dans la réduction du taux de chômage et les milliards d’euros qu’il a dépensés pour tenter d’atténuer les effets économiques de la crise du Covid et de la crise énergétique semblent largement oubliés.

Pendant ce temps, le RN a concentré une grande partie de sa campagne sur la crise du coût de la vie.

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Légende, Le RN affirme qu’une majorité est encore à sa portée

Le parti s’est engagé à réduire les taxes sur le gaz et l’électricité et à augmenter le salaire minimum pour les bas salaires.

Ces priorités signifient que le RN ne doit plus être catalogué comme un mouvement d’extrême droite, insistent ses partisans. Ils soulignent l’élargissement de sa base de soutien et affirment que le parti ne doit pas être terni à jamais par ses racines racistes sous la direction de Le Pen père.

Un argument similaire est avancé à Rome. La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a autrefois fait l’éloge du dictateur fasciste Benito Mussolini. Son parti, les Frères d’Italie, a des racines postfascistes, mais elle dirige aujourd’hui l’un des gouvernements les plus stables de l’Union européenne.

Elle a récemment censuré une réunion de l’aile jeunesse de son parti. Des membres avaient été filmés en train de faire des saluts fascistes. Il n’y a pas de place dans son parti pour la nostalgie des régimes totalitaires du XXe siècle, a-t-elle déclaré.

Alors que les critiques en Italie mettent en garde contre les tentatives d’influencer le paysage médiatique et les attaques de Mme Meloni contre les droits LGBTQ+, ses propositions concrètes pour lutter contre l’immigration irrégulière ont été saluées par le grand public européen, y compris par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le Premier ministre britannique récemment évincé, Rishi Sunak.

Franchement, sur des questions brûlantes comme l’immigration, il devient de plus en plus difficile de faire la distinction entre la rhétorique politique de l’extrême droite en Europe et celle des politiciens traditionnels qui durcissent intentionnellement leurs discours pour tenter de conserver les électeurs.

L’ancien Premier ministre néerlandais Mark Rutte en est un parfait exemple, tout comme Emmanuel Macron, d’autant plus qu’il ressent la montée de la popularité de Marine Le Pen.

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L’un des effets involontaires du fait que les politiciens traditionnels imitent les partis les plus à droite en matière d’immigration est que cela rend les partis anti-immigration d’origine plus respectables, acceptables et éligibles.

Soyez témoin de la performance exceptionnelle obtenue récemment aux élections générales néerlandaises par le politicien anti-immigration Geert Wilders, régulièrement accusé de discours de haine.

L’étiquette d’extrême droite doit être débattue. Cela dépend en grande partie de la composition de chaque parti.

Mais le type d’acceptation dont bénéficie aujourd’hui Mme Meloni dans les cercles internationaux plus larges n’est encore qu’un rêve lointain pour Mme Le Pen.

Le RN assure qu’une majorité parlementaire est toujours à portée de main ce dimanche. Les sondages suggèrent plutôt un Parlement sans majorité absolue paralysé ou un gouvernement de coalition indiscipliné de partis non-Le Pen.

Chacun de ces scénarios réduit Emmanuel Macron à un président plutôt boiteux.

L’instabilité politique intérieure signifie que les grandes puissances de l’UE, la France et l’Allemagne, se replient sur elles-mêmes à un moment de grande incertitude mondiale.

Les guerres font rage à Gaza et en Ukraine. Donald Trump, sceptique à l’égard de l’UE et de l’OTAN, pourrait bien revenir à la Maison Blanche.

L’Europe se trouve dans une situation précaire, sans aucun leadership. Les électeurs se sentent exposés.

Même si ce n’est pas pour dimanche, les partisans de Marine Le Pen croient fermement que leur heure est venue. Bientôt.

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