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L’équilibriste de la France au Moyen-Orient depuis le 7 octobre – Manara Magazine

Depuis les attaques menées par le Hamas contre Israël le 7 octobre, la France prétend aborder la guerre avec une stratégie d’équilibre basée sur trois piliers liés aux considérations sécuritaires, humanitaires et politiques.

La « politique arabe » de la France consistait à tisser des liens privilégiés avec les pays du monde arabe à une époque où la région n’était pas aussi divisée qu’aujourd’hui. Cette politique a été revue dans les années 2000 sous le président français Jacques Chirac. Connu pour son opposition à l’invasion de l’Irak en 2003, Chirac a été l’un des derniers partisans de cette politique, mais il a également initié un réchauffement des relations avec Israël ; plus tard, Nicolas Sarkozy le poursuivra.(je) La démonstration française de solidarité avec Israël semble confirmer la persistance de politiques favorables à Israël dans les années 2020. Les messages de soutien politique et le pilier sécuritaire de l’effort diplomatique de Paris suggèrent un « bearhug » à la française, justifié également par le fait que la France pleure 41 nationaux parmi les victimes des attentats du Hamas et compte plusieurs otages, dont trois sont toujours détenus. captif dans la bande de Gaza(ii). Ainsi, la France a pris quelques initiatives contre le Hamas, notamment au niveau européen où elle a commencé à travailler sur un régime européen ciblant les dirigeants du Hamas dans le cadre d’une initiative conjointe avec l’Italie et l’Allemagne.(iii).

Dans le même temps, la France a été le premier grand pays occidental à appeler à un cessez-le-feu à Gaza.(iv). Cette position a également été étayée par son bilan de vote à l’ONU. Au Conseil de sécurité, même si la France n’a pas encore présenté son propre projet, son ambassadeur a voté en faveur des résolutions de cessez-le-feu du Brésil et des Émirats arabes unis, y compris celles auxquelles les États-Unis ont opposé leur veto. À l’Assemblée générale, la France a approuvé les résolutions jordaniennes et égyptiennes contrairement à d’autres pays clés de l’UE.

Dans le pilier politique de sa stratégie de politique étrangère, les responsables français affirment de plus en plus clairement qu’un État palestinien est indispensable à tout règlement politique à long terme.(v). Paris a condamné(vi) déclarations des ministres israéliens Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, appelant à « l’émigration » de la population gazaouie et au rétablissement des colonies à Gaza ainsi qu’à la construction de 1 800 unités de colonies à Jérusalem-Est.

Enfin, la France a été active sur le front humanitaire. Le 9 novembre, Paris a accueilli la première conférence humanitaire internationale pour Gaza(vii) et a porté son aide humanitaire à la bande de Gaza à 100 millions d’euros pour 2023 (dont 77 millions d’euros pour les agences de l’ONU).

En matière d’aide humanitaire, la France a choisi de coopérer avec deux acteurs régionaux importants : la Jordanie et le Qatar. En janvier, Doha et Paris ont livré conjointement des médicaments aux otages détenus dans la bande de Gaza, suite à une rare avancée dans les négociations indirectes entre Israël et le Hamas.(viii). Les deux pays coordonnent également l’évacuation et le traitement des civils blessés par les forces françaises sur place ainsi qu’à Doha avec l’aide du porte-hélicoptère Dixmude. La France a également participé à des opérations conjointes de largage avec la Jordanie.(ix) (De telles opérations sont uniques à la Jordanie alors que l’accès humanitaire à la bande de Gaza reste restreint).

Cela témoigne également de la préférence de la France pour les initiatives internationales impliquant des acteurs régionaux. Il y a plusieurs raisons à cela. Concernant la question israélo-palestinienne, l’influence directe de la France est limitée, ce qui nécessite de travailler avec d’autres pays. Au-delà de cela, Paris accorde une attention particulière à la légitimité perçue de ses actions en particulier et ne veut pas alimenter le récit Occident contre reste en général.

Certes, au lendemain du 7 octobre, la France a cosigné plusieurs déclarations communes(X) avec les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne, rassurant Israël de son soutien indéfectible. Cependant, la position de la France vis-à-vis de la coalition dirigée par les États-Unis dans la mer Rouge est révélatrice d’une réticence à se laisser enfermer dans des configurations trop occidentales, sauf lorsqu’il est politiquement impossible de faire autrement, comme dans le cas de la lutte contre le Hamas.

Même si une frégate française a abattu des drones houthis le 10 décembre et si la France faisait partie des participants à l’opération menée par les États-Unis, Prosperity Guardian, Paris n’a pas participé aux frappes aériennes menées par la coalition au Yémen. Les Français semblent désormais désireux de saisir l’opportunité de faire avancer l’agenda européen de défense. Lors du Conseil européen du 15 janvier, le président Macron a plaidé en faveur d’une plus grande coopération entre les États membres de l’UE dans le détroit d’Ormuz et la mer Rouge. Une mission navale de l’UE pourrait être déployée dans les semaines à venir mais avec des objectifs mesurés, à la hauteur de la prudence affichée par Paris et Rome.(xi).

Mais le test décisif de l’influence française dans la région se situe probablement au Liban. Ici, Washington et Paris sont d’accord sur la nécessité d’éviter une guerre totale entre Israël et le Hezbollah. D’où leur coordination pour un nouveau mode de vie à la frontière israélo-libanaise, combinant le retrait du Hezbollah (conformément à la résolution 1701 de l’ONU) et des colonies territoriales(xii).

En tant qu’ancienne puissance mandatée, la France a conservé des liens étroits avec le Liban et sa médiation actuelle, apparemment acceptée par toutes les parties bien que moins visible que celle de Washington, s’appuie sur plusieurs leviers. Porte-parole sur le Liban au Conseil de sécurité, Paris compte 700 casques bleus sur le terrain dans le cadre de la FINUL. Par ailleurs, suite à l’explosion du port de Beyrouth et à la crise qui a suivi, Paris s’est fortement impliqué dans le processus politique libanais. Même si Washington s’intéresse de moins en moins au Liban, la France maintient son engagement alors que l’élection du président de la République et la formation d’un gouvernement à part entière se font toujours attendre près de deux ans après les dernières élections législatives. Grâce à sa politique de distinction entre les branches politiques et militaires du Hezbollah, la France est en bonne position pour engager l’organisation chiite. La France travaille depuis longtemps avec Riyad, Le Caire et Doha.

Sceptique quant aux risques et au rapport coût-bénéfice d’une escalade maîtrisée au Liban et ailleurs dans la région, la France prépare activement demain. A cet égard, si les négociations en cours aboutissent à une trêve de quelques semaines à Gaza(xiii)des marges supplémentaires pourraient être recherchées pour des négociations diplomatiques globales.

La position de la France depuis le 7 octobre lui a valu des accusations d’incohérence. Beaucoup l’ont lié aux préoccupations politiques internes du fait que la France compte parmi les plus grandes communautés juives et musulmanes d’Europe.(xiv). Mais il semble aussi y avoir un pari diplomatique visant à maintenir les canaux ouverts avec le plus grand nombre d’acteurs possible. L’avenir nous dira si cette approche, qui laisse parfois perplexe l’opinion publique nationale et internationale, pourra à terme permettre à Paris de jouer un rôle substantiel dans le processus diplomatique qui sortira de l’état de guerre actuel.

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