L’avenir politique de la France est en jeu lors du dernier tour des élections anticipées
Des partisans du Rassemblement national français à Hénin-Beaumont, dans le nord de la France, le 30 juin 2024.
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L’alliance « Ensemble » du président Emmanuel Macron et le Nouveau Front populaire (NFP) de gauche ont tous deux appelé les électeurs à rejeter le parti au second tour, et ont retiré des candidats dans de nombreuses circonscriptions où un autre candidat était mieux placé pour battre le RN.
En offrant aux électeurs un choix plus large et moins de candidats, les adversaires du RN espèrent que l’électorat optera pour le candidat non-RN.
Les analystes prédisent que le Rassemblement national, parti nationaliste, anti-immigrés et eurosceptique dirigé par Jordan Bardella, 28 ans, et la figure de proue du parti Marine Le Pen, a désormais moins de chances de parvenir à une majorité absolue (289 sièges sur les 577 que compte l’Assemblée nationale), mais qu’il est toujours susceptible de recueillir le plus de voix.
Marine Le Pen et Jordan Bardella lors du dernier rassemblement avant les élections au Parlement européen du 9 juin, qui s’est tenu au Dôme de Paris – Palais des Sports, le 2 juin 2024.
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La stratégie dite du « front républicain », prônée par les pro-Macron et les partis de gauche, a pour objectif premier de rendre sensiblement plus difficile l’obtention d’une majorité absolue par le RN.
Cependant, on ne sait pas encore comment les électeurs réagiront a) lorsqu’ils se verront dire pour qui voter par l’establishment politique ; b) lorsqu’on leur demandera de voter pour des candidats de partis auxquels ils pourraient instinctivement s’opposer ; et c) lorsqu’on leur demandera de voter pour des messages contradictoires de la part de dirigeants politiques qui leur disent maintenant de voter pour des candidats rivaux qu’ils dénigraient il y a quelques jours à peine lors de la campagne électorale.
« Plusieurs personnalités du camp pro-Macron ont fourni des suggestions différentes sur ce que leurs électeurs devraient faire », a déclaré mercredi dans une note Antonio Barroso, directeur adjoint de la recherche du cabinet de conseil Teneo.
« Par exemple, l’ancien Premier ministre Edouard Philippe a déclaré que les électeurs ne devraient voter ni pour le RN ni pour les candidats de la France insoumise (LFI). Dans le même temps, l’actuel Premier ministre Gabriel Attal a appelé tout le monde à voter contre le RN. »
Selon un sondage Ifop publié le 3 juillet, les électeurs pourraient pencher pour le candidat centriste pro-Macron ou de gauche plutôt que pour le candidat du RN si tel était le choix qui leur était proposé sur le bulletin de vote. En revanche, si le choix se portait sur un candidat d’extrême gauche ou d’extrême droite, le tableau serait plus nuancé, avec un vote partagé.
Barroso, de Teneo, a également émis une mise en garde sur le fait que les données du sondage se rapportent aux « attitudes au niveau national, ignorant la dynamique locale dans chaque circonscription ».
Le premier sondage publié après la création d’une alliance multipartite anti-RN a montré que le RN et ses alliés obtiendraient 190 à 220 sièges, bien loin des 289 nécessaires pour une majorité.
Le sondage Harris Interactive pour le magazine Challenges, publié mercredi et rapporté par Reuters, a également montré que les républicains de centre-droit étaient susceptibles de remporter 30 à 50 sièges, ce qui signifie que même dans le meilleur des cas, un gouvernement minoritaire dirigé par la droite serait difficile à former.
Selon le sondage Harris, l’alliance de gauche NFP remporterait entre 159 et 183 sièges, tandis que l’alliance Together de Macron n’en obtiendrait que 110 à 135. Divers autres partis obtiendraient entre 17 et 31 sièges, a rapporté Reuters.
Le président français Emmanuel Macron et le président chinois Xi Jinping (non représenté) assistent à la sixième réunion du Conseil d’affaires franco-chinois au Théâtre Marigny à Paris, France, le 6 mai 2024.
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Il n’est pas certain que Macron envisage de former une coalition multipartite avec le NFP en cas de parlement sans majorité absolue. Le Premier ministre Gabriel Attal a suggéré cette semaine que les modérés de l’Assemblée nationale pourraient travailler ensemble pour faire passer des lois au cas par cas, mais peu d’autres choses ont été dites sur le sujet, les partis se concentrant sur la maximisation de leur propre part de vote.
Selon l’analyse politique de Teneo, la probabilité d’un parlement sans majorité absolue est de 35 %, un résultat qui, selon elle, « ne permettrait pas de négocier une alliance avec d’autres partis dans cette situation ».
« Ce scénario serait le plus incertain, car il n’y aurait pas de solution simple conduisant à la formation d’un gouvernement. Le Premier ministre Gabriel Attal a suggéré que les « forces républicaines » à l’Assemblée nationale (c’est-à-dire les partis non RN) pourraient se regrouper pour soutenir un gouvernement. Cependant, une telle coalition serait difficile à réunir étant donné les différences entre les préférences politiques des partis. »
Teneo estime à 35% la probabilité que le RN se rapproche de la majorité absolue. Dans ce cas, il est probable que Marine Le Pen tente de séduire les députés LR et d’autres élus indépendants de droite. Selon Teneo, la probabilité que le RN obtienne la majorité absolue est de 30%.
Macron a choqué les électeurs début juin en convoquant le scrutin après que son parti Renaissance a subi une raclée aux élections du Parlement européen face au Rassemblement national.
Jordan Bardella donne sa carte électorale pour voter dans un bureau de vote au premier tour des élections législatives à Garches, en banlieue parisienne, le 30 juin 2024.
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En convoquant des élections anticipées, Macron a déclaré que le scrutin apporterait une « clarification » et que « la France a besoin d’une majorité claire pour agir dans la sérénité et l’harmonie ».
Le pari de Macron a fait sourciller les analystes politiques, qui se sont demandés s’il aurait pu être basé sur un plan permettant au Rassemblement national de goûter au pouvoir, tout en espérant qu’il échouerait une fois au gouvernement, nuisant aux chances de sa rivale Le Pen à l’élection présidentielle de 2027.
Les observateurs attentifs de la politique française notent également que Macron pariait en fin de compte sur le fait que les citoyens français craignaient un gouvernement d’extrême droite.
Les sondages placent systématiquement le RN en tête de la course à l’approche du premier tour, mais finalement, le RN et ses alliés ont remporté 33,1% des voix ; le NFP est arrivé deuxième avec 28% ; et la coalition de Macron a atteint 20%, a indiqué le ministère français de l’Intérieur.