La menace chinoise pousse le Japon à repenser sa sécurité
Du point de vue de Tokyo, la guerre en Ukraine a remis en question l’architecture sécuritaire de l’Asie. En conséquence, ce n’est pas seulement le Japon, mais aussi des pays comme la Corée du Sud, Taiwan et les Philippines qui renforcent leurs alliances entre eux et avec les Etats-Unis. En échange de son engagement envers l’Europe, Tokyo souhaite désormais obtenir le soutien du monde libre en cas d’attaque chinoise contre la démocratie de Taiwan.
En l’état actuel des choses, Poutine soutient son homologue de la République populaire de Chine, Xi Jinping, dans sa conviction que Taïwan fait partie de la Chine et doit, si nécessaire, être réunifiée à la mère patrie par la force des armes. De plus, contrairement à ses prédécesseurs, Xi a clairement fait savoir qu’il souhaitait résoudre la question de Taïwan durant son mandat et placer l’île sous son contrôle.
Le Japon, pour sa part, est un allié proche de la petite nation insulaire. Bien que l’Empire japonais ait pris le contrôle de Taiwan et l’ait colonisé, la puissance coloniale a agi différemment de la Corée du Sud et de la Chine, où elle a commis des crimes atroces. Le Japon d’après-guerre n’ayant pas clairement pris ses distances avec ces crimes racistes, les relations avec Séoul et Pékin restent tendues. Pourtant, à Taiwan, où les habitants n’ont pas été massacrés en masse, on parle aujourd’hui du Japon avec chaleur.
De plus, il n’existe aucun scénario de guerre dans lequel le Japon ne serait pas affecté par l’agression chinoise contre Taiwan. Non seulement le Japon est situé très près de l’île, mais il y a aussi environ 54 000 soldats américains stationnés au Japon, dont beaucoup sur l’île d’Okinawa. Et Washington a déclaré à plusieurs reprises qu’il soutiendrait militairement Taiwan en cas d’attaque de Xi Jinping. En outre, la moitié du trafic mondial de conteneurs emprunte le détroit de Taiwan, la route maritime qui sépare Taiwan et la Chine.
Le Japon appelle donc désormais l’Europe, notamment dans son propre intérêt, à se préparer à un conflit potentiel.
Bien entendu, un tel conflit ne devrait pas nécessairement prendre la forme d’une offensive militaire de Pékin. Si la Chine devait empêcher la circulation des marchandises à destination et en provenance de Taïwan en imposant un blocus naval, par exemple, cela aurait des conséquences sur l’économie mondiale. Cela interromprait également la production de semi-conducteurs importants à Taïwan, car l’État insulaire ne dispose que de deux semaines de réserves énergétiques. La production de voitures, de réfrigérateurs, de téléphones portables et de matériel militaire serait affectée, ce qui aurait également des conséquences négatives immédiates pour l’Europe et les États-Unis.