La France regarde avec mépris et envie le couronnement d’un roi sur l’eau
Alors qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui ? Ce n’est pas toutes les semaines que vous assistez à un couronnement. La dernière fois que j’ai vu le monarque être installé, c’était le 2 juin 1953, quand j’avais quatre ans et à l’époque, tout, y compris ma vie, était en noir et blanc. La télévision qui montrait la jeune reine Elizabeth luttant pour rester debout sous le poids de la couronne impériale avait un écran de 12 pouces et était perchée sur la scène de notre église presbytérienne locale juste à l’extérieur de Belfast.
Mais non seulement je regarderai la cérémonie, en couleur, après un intervalle de plus de 70 ans, je le ferai en France, qui n’a pas eu de roi depuis l’empereur Napoléon III, neveu de Bonaparte, déposé en 1870 après avoir été pris en otage par les Prussiens. Et avouons-le, il devait tout à son oncle, un ancien nationaliste corse converti à la cause révolutionnaire à peu près au moment où son pote Robespierre menait l’appel à l’exécution de Louis XVI.
Faute de roi à eux (et il n’y a jamais eu de reine souveraine), les Français, me semble-t-il, ressentent un certain vide dans leur vie nationale. Oui, ils revendiquent allégeance à la Révolution (libert, galit, fraternité et tout ça), aussi horrible et sanglante qu’elle fût. Mais, comme on l’a vu ces derniers jours, la lyse ne remplace pas Versailles et la liste des présidents, ne serait-ce que de la Ve République, ne parvient pas à concurrencer dans l’esprit du public l’appel des Bourbons et, avant eux, une multitude de dynasties remontant jusqu’à Charles le Chauve, neveu de Charlemagne, reconnu comme roi des Francs en 843.
Au Royaume-Uni, seuls quelques rois français se distinguent. Il y avait Louis VII, un opérateur rusé, dont la majeure partie du règne a été consacrée à retenir Henri II, avide de terres en Angleterre. Louis IX, dont le règne dura de 1226 à 1270, devrait être bien mieux connu des Britanniques. Croisé invétéré, seulement il fut déclaré saint par le pape Boniface VIII, mais il introduisit la première justice pleinement fonctionnelle en France, interdisant les ordalies et introduisant la présomption d’innocence dans les procédures pénales. Son mécénat des arts a joué un rôle important dans le développement du style gothique en architecture, tandis que son talent de négociateur a assuré la restauration en France de la plupart des anciennes possessions anglaises.
En Angleterre, on se souvient d’Edouard III comme du roi qui a vaincu la France à la bataille de Crcy en 1346. Henry V a été glorifié, notamment par Shakespeare, pour ses prouesses à Azincourt en 1415. Mais combien du côté nord de la Manche pourraient nommer le roi français dont le canon a démoli l’armée anglaise à la bataille de Castillon, en 1453, mettant ainsi fin à la guerre de Cent Ans en faveur de la France ? C’était Charles VII connu sous le nom de Charles le Victorieux, dont l’approbation de Jeanne d’Arc exécutée plus tard par les Anglais comme son guide spirituel et militaire s’est avérée être un coup de maître.
Parmi les nombreux rois de France au cours des plus de mille ans entre 843 et 1870, le prochain à être mentionné dans les annales d’Albion est, bien sûr, Louis XIV, leRoi du Soleildont les compétences militaires et l’ambition sans bornes en ont fait le maître de l’Europe, régnant plus longtemps dans l’histoire du continent que tout autre monarque, sans exclure notre propre chère Elizabeth II, jusqu’à sa mort en 1715. Le fils de Louis XIII et d’Anne de Autriche, de la renommée des Trois Mousquetaires, Louis était la force motrice derrière l’extraordinaire et vaniteux château de Versailles, depuis la salle du trône dont Emmanuel Macron a harcelé les députés et sénateurs réunis de France après avoir été élu président en 2017.
Le dernier des Bourbons, Louis XVI, était une figure triste et désespérée, un peu comme son homologue Stuart Charles Ier. Tous deux auraient pu faire la paix avec leurs ennemis. Tous deux ont méconnu l’ardeur de leurs adversaires républicains. Tous deux ont perdu la tête, dans le cas de Louis ainsi que celui de sa femme, Marie Antoinette. La mort des couples a mis fin au véritable âge des rois et reines de France. Ceux qui ont suivi, après l’immense interrègne de Bonaparte, étaient soit des monarques fâchés (Louis XVIII et Charles X), soit des politiciens temporairement élevés par leurs relations napoléoniennes, écartés lorsqu’ils n’ont pas été à la hauteur de la mode.
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Aujourd’hui, si l’on laisse de côté les quelques prétendants résiduels, la France a définitivement renoncé aux couronnes et aux sacres, mais revient avec un mélange de fierté et d’ahurissement sur les 52 individus sur onze siècles qui portaient autrefois le titre.
Aujourd’hui, comme le disent tous les journaux parisiens, la grande nouvelle est le couronnement de Charles III et de sa reine, Camilla, l’ancienne Mme Parker Bowles. Il sera soutenu par la plupart des experts que tout cela est un non-sens, n’ayant aucun rapport avec les besoins et les mœurs du XXIe siècle. En même temps, chaque minute de l’investiture sera scrutée et évaluée comme si elle pouvait refléter une sagesse ancienne à laquelle les Français eux-mêmes aspirent encore secrètement et inconsciemment. Et regarde! Qui est-ce qui est assis près du devant de l’abbaye de Westminster ? Pourquoi, c’est le président Macron, rendant hommage au nouveau roi. Pas pour lui le son des trompettes. Pour lui plutôt unCasseroladede pots et de casseroles alors que ses concitoyens lui faisaient savoir exactement ce qu’ils pensaient de lui six ans après le début de son deuxième mandat en tant que chef élu. Mal à l’aise, diront certains, se trouve le chef d’État d’un pays qui n’a pas de trône.
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