La désinformation visant Brigitte Macron se propage au-delà de la France
Paris (AFP) Des années après que de faux messages ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux prétendant que Brigitte Macron était une femme transgenre, la Première dame française reste la cible de fausses affirmations avec la désinformation transphobe qui se propage aux États-Unis.
Le président Emmanuel Macron, 46 ans, a dénoncé ces dernières semaines les fausses informations diffusées sur son épouse, 70 ans, qui intente une action en justice contre les responsables de ces allégations.
L’éminente commentatrice conservatrice américaine Candace Owens a attaqué avec véhémence la Première dame dans une vidéo YouTube désormais supprimée publiée le 11 mars, propageant une fausse affirmation qui a explosé pour la première fois en France quelques semaines seulement avant l’élection présidentielle de 2022.
Brigitte Macron est faussement accusée d’être née sous le nom de Jean-Michel Trogneux, son nom de jeune fille, ce nom étant devenu viral sous forme de hashtag.
Macron fait partie d’un groupe de femmes influentes – dont l’ancienne première dame américaine Michelle Obama et l’ex-Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern – qui ont été victimes d’une tendance croissante : la désinformation sur leur genre ou leur sexualité pour se moquer ou les humilier.
Si cette désinformation genrée est particulièrement visible dans les attaques répétées contre des personnalités de premier plan, elle touche également les femmes en général et les minorités sexuelles ou de genre avec différents niveaux de responsabilité dans la vie publique.
Selon le groupe d’observateurs basé aux États-Unis, le National Democratic Institute (NDI), l’objectif est de chasser les femmes « des plateformes et de la vie publique », ce qui a de graves conséquences pour la démocratie.
– « De l’autre côté de l’Atlantique » –
Initialement partagée aux Etats-Unis sur des sites comme le célèbre centre de désinformation 4chan, cette affirmation a pris de l’ampleur lorsque des chiffres « à très large audience lui ont donné de la visibilité », a expliqué à l’AFP la doctorante Sophie Chauvet, spécialisée dans les mesures d’audience.
Dans sa vidéo, la commentatrice conservatrice Owens cite une « enquête approfondie » menée par la journaliste dite indépendante Natacha Rey, publiée dans le bulletin d’information français Faits et Documents en 2021.
Fondé en 1996 par le français d’extrême droite Emmanuel Ratier et aujourd’hui dirigé par Xavier Poussard, Faits et Documents diffuse régulièrement des articles visant la première dame, a déclaré à l’AFP la journaliste de l’hebdomadaire français L’Obs, Emmanuelle Anizon.
« Mais ce qui est nouveau, c’est que Xavier Poussard a commencé à traduire ses articles fin 2023 », a déclaré Anizon, ajoutant qu’il affirme avoir envoyé une version anglaise aux proches de l’ancien président américain Donald Trump.
Anizon, qui s’est entretenu avec Poussard et son associé Aurélien Poirson qui a conseillé sur la traduction, a expliqué que ce n’était pas un hasard si l’extrême droite américaine avait repris cette fausse affirmation avant les élections américaines de novembre.
« C’était leur rêve d’exporter cette rumeur outre-Atlantique », a-t-elle déclaré.
Et cela a fonctionné, se propageant comme une traînée de poudre après qu’Owens a publié sa vidéo avec deux hashtags associés partagés des dizaines de milliers de fois sur X, selon l’outil d’analyse des réseaux sociaux Visibrain.
La rumeur « était disponible au fur et à mesure des besoins », a déclaré Sebastian Dieguez, expert en théories du complot à l’Université de Fribourg en Suisse.
Le récit « secrètement trans » est une caractéristique de longue date de la violence sexiste en ligne, selon un rapport du Wilson Center de 2021.
En fin de compte, selon le NDI, faire taire les femmes a « de graves conséquences sur les droits humains, la diversité dans les débats publics et dans les médias, et, en fin de compte, sur la démocratie ».
Des rumeurs « grotesques »
L’impact est également personnel pour les personnes ciblées et leurs familles.
Emmanuel Macron a réagi aux rumeurs à l’occasion de la Journée internationale de la femme en déclarant : « le pire, ce sont les fausses informations ».
« Les gens finissent par les croire et vous dérangent, même dans votre vie privée », dit-il.
La relation du président avec son épouse de 24 ans son aînée, qu’il a rencontrée alors qu’elle était enseignante et qu’il était encore adolescent, est périodiquement une source d’attention médiatique en France et à l’étranger.
Le 22 mars, un homme de 51 ans a été arrêté dans le sud-ouest de la France pour avoir écrit « Brigitte Macron, transsexuelle » sur son garage, selon le quotidien français Le Figaro.
La première dame et son frère Jean-Michel Trogneux ont intenté une action en justice contre deux femmes qui ont posté une vidéo Youtube en décembre 2021 alléguant qu’elle avait autrefois été un homme prénommé « Jean-Michel ».
Le tribunal correctionnel de Paris doit les juger pour diffamation en mars prochain, a indiqué une source proche du dossier.
La fille de la première dame issue de son premier mariage, Tiphaine Auzière, a déclaré mardi qu’elle espérait que le procès pourrait mettre un terme aux rumeurs « grotesques ».
« Que ce soit ma mère ou n’importe qui d’autre dans la société, cela peut faire beaucoup de mal », a déclaré Auzière à la chaîne BFMTV.
« La justice (…) peut mettre fin à cette désinformation et condamner sévèrement les auteurs car c’est une forme de harcèlement comme une autre. »
2024 AFP