Carnet de Voyage : V comme Voulez-vous

Carnets de voyage de la vraie France. Carnet de Voyage est un récit de voyage personnel hebdomadaire en France envoyé par des lecteurs. Si vous souhaitez écrire une histoire pour Carnet de Voyage, rendez-vous ici pour plus de détails sur la façon de soumettre.

Mon voisin de siège dans la voiture 7, siège 44, m’a fait un signe de tête discret avant que le train ne fasse son premier saut hors de Paris. À une vitesse de croisière de 300 kilomètres à l’heure, notre TGV serait dans le sud-ouest de la France en environ trois heures, période pendant laquelle le paysage passerait de l’urbain au rural et du gris au clair alors que nous nous dirigions vers le sud à travers la Loire, la centre magique de la France. Faisant ce voyage côte à côte, ou du moins en formation parallèle, mon voisin de siège et moi nous devions un instant de reconnaissance mutuelle, l’étoffe de la courtoisie minimale appropriée au comportement des trains français. Ce serait le clin d’œil à peine perceptible.

Nous n’avions rien en commun, bien sûr. C’était un jeune homme en herbe, maladroit, assez informe pour être appelé une fille s’il avait été une femme. Et j’étais bien j’aurais pu être son professeur, sa conseillère d’orientation, sa jeune tante en ce qui le concernait, celle avec le drôle de chapeau sur la tête et les cisailles de jardin dans les mains. Néanmoins, nous serions jetés ensemble à quelques centimètres l’un de l’autre pendant les trois heures suivantes dans diverses poses de repos, en faisant attention à ne pas se frotter les coudes dans l’état vaguement abandonné de sommeil fragmenté.

j’avais amené le Fois, remplissant ma matinée du désespoir poussiéreux de milliers de réfugiés, allant de mal en pis. Lui, d’autre part, avait un magazine pour filles et remplissait ses yeux incrédules d’un nombre illimité de formes féminines de courbes et de rondeur. Peu importe. De temps en temps, je jetais un coup d’œil de côté par-dessus son épaule et j’attrapais une vision troublante de naturel déshabillé. Mais peut-être qu’il regardait subrepticement un article sur le marché boursier sur la dernière page de mon journal pour autant que je sache, cherchant à améliorer son anglais alors qu’il distinguait les minuscules chiffres enregistrant les hauts et les bas de nos vies.

Je suis passé à mon roman, une œuvre importante du 20e siècle, mais je me suis embourbé dans la préface. Il a attrapé L’Equipe, le quotidien sportif français dont le lectorat dépasse tous les autres quotidiens en France. Manchester était en difficulté. Les parmesans aussi. Un certain nombre d’équipes prometteuses avaient des entraîneurs peu inspirés, des entraîneurs soupçonnés de corruption, des entraîneurs qui ne contrôlaient plus, des entraîneurs susceptibles de se déchaîner.

Mon estomac s’est mis à grogner. Pas de problème. Je me tournai vers mon paquet de madeleines, si judicieusement acheté avant le décollage des TGV de Montparnasse. Je les avais dénichés au kiosque à journaux avant d’essayer de comprendre la profusion de plates-formes et la confusion des pistes offrant aux Parisiens une échappée vers la belle province. Il est vrai que ma place en deuxième classe était bien loin de la chambre de malade veloutée de Marcel Prous. Il n’y avait pas de vue de rêve sur un tilleul solitaire à travers une fenêtre voilée, et il n’y aurait pas non plus de chemin de table crocheté à la main pour que je réfléchisse en sirotant mon thé. Mais une madeleine était une madeleine et juste ce dont j’avais besoin à ce moment-là. J’ai agrippé l’emballage jusqu’à ce que son papier froissé cède sous ma manipulation insistante. Six petites madeleines de fabrication industrielle attendaient, enfermées dans une configuration de type boîte à œufs. Voyons, lequel en premier ? Quelle décision. Mais ensuite, me souvenant de mes manières, je me suis tourné vers mon voisin et lui ai offert une partie de ma précieuse prime : Voulez-vous une madeleine?

Il leva les yeux de son article, surpris par mon intrusion, mais seulement un instant. Non, mercirépondit-il avec un sourire agréable.

Quel beau sourire, pensai-je. Bien sûr, il ne voudrait pas de madeleine. Ce n’est pas une vieille dame dont l’affaire principale dans la vie est la quête d’un bon dunkeur. De toute façon, c’est probablement plus un type de bière et de bretzels.

Mais c’est très gentil de ta part, ajouta-t-il après coup.

Très gentil vous ? Eh bien, n’est-il pas juste la chose la plus douce? Bénissez son petit cœur. J’ai extrait ma première madeleine et j’ai commencé à grignoter, en me retournant pour regarder par la fenêtre quelques fermes en pierre lointaines. De petits moutons Fisher Price parfaitement arrondis parsemaient une colline vallonnée comme s’ils avaient été soigneusement placés par les mains d’un enfant attentif. Pas de tilleuls en vue, mais bientôt nous abordons la région des platanes, dont les branches majestueuses et les troncs argentés feraient une vision bienvenue au voyageur fatigué en partance pour le Sud. Nous avons traîné. Certes, nous étions très loin des salons littéraires fréquentés par Marcel Proust et ses acolytes, les bons mots jetés dans une nonchalance perplexe au milieu d’un brouhaha bourdonnant d’artistes et d’intellectuels. Mais je ne me suis pas sentie négligée ou envieuse. Pas du tout. Même le monde du travail du 21St siècle pouvait encore jeter un soupçon d’élégance.

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Originaire de Californie, Meredith Escudier vit en France depuis plus de 35 ans, enseignant, traduisant et élevant une famille. Sa poésie et ses essais ont paru dans Fruit d’imitation, Examen de l’atelier des écrivains, Alimentum, Nouvelles du nouveau verset, Arbre kaki, Le mot Bluebird et d’autres. Elle est l’auteur de Scène en France… de A à Zun abécédaire dont est tiré son essai – V comme Voulez-vous.

Crédit photo principal : Un TGV filant à travers la campagne française olrat / shutterstock

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