Après trois référendums, la France fait toujours face à des défis majeurs en Nouvelle-Calédonie | Le stratège
Après avoir proclamé que les Néo-Calédoniens avaient voté pour rester avec la France lors de trois référendums récents, malgré un boycott massif par les partis autochtones du dernier, le gouvernement du président français Emmanuel Macron fait maintenant face à l’hostilité et à la résistance dans le territoire d’outre-mer prééminent de la France. Les partisans et les anti-indépendantistes restent diamétralement opposés, selon des critères ethniques. Et, le plus inquiétant, les accords à long terme qui ont maintenu la paix ont maintenant expiré et il n’y a pas de forme convenue de gouvernance continue au-delà de la fin du mandat actuel du congrès local au début de 2024.
Le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin et le ministre des Territoires français d’outre-mer Jean-François Carenco doivent se rendre la semaine prochaine en Nouvelle-Calédonie, pour tenter une fois de plus d’établir un dialogue avec tous les groupes : les partis à majorité indigène favorables à l’indépendance, et principalement les partis européens favorables au maintien en France. Ils font face à un défi majeur.
Après 30 ans d’accords de paix innovants qui ont mis fin aux troubles civils dans les années 1980, et la conduite impressionnante des deux premiers des trois référendums d’indépendance longtemps promis en 2018 et 2020, la France a mal géré le troisième, qui a eu lieu en décembre 2021. Malgré les appels à un report par les partis indépendantistes fin 2021, alors que les communautés indigènes kanak subissaient les pires impacts de la variante Delta du Covid-19, la France a persisté avec le vote de décembre, qu’elle aurait pu statutairement reporter à novembre 2022. Avec le soutien régional, et après avoir pris le question à la Quatrième commission de l’ONU sur la décolonisation, les partis indépendantistes ont boycotté le référendum. Le résultat reflète le boycott, avec un taux de participation de 44 % (environ la moitié de celui du deuxième référendum de 2020), ne délivrant que 3,5 % de soutien à l’indépendance, contre 43,3 % en 2018 et 46,7 % en 2020.
Alors que Macron revendiquait une victoire massive des pro-France juste après le vote de 2021, il la nuançait en notant la forte abstention. Mais mi-2022, à Bruxelles pour une réunion de l’Otan, il a déclaré à la presse que les Calédoniens avaient clairement voté pour rester avec la France.
Depuis lors, il n’y a plus de dialogue significatif. La France a abandonné une tentative de relancer un comité directeur de l’accord de Nouméa de 1998 en septembre après que les partis indépendantistes se soient opposés. Il a convoqué une réunion à Paris en octobre, mais seuls les loyalistes et les entreprises locales et les groupes civiques y ont assisté. Ils se sont mis d’accord sur un calendrier et une série de sujets de discussion, sans le soutien du parti indépendantiste.
Bien que chaque camp ait ses divergences internes, chacun s’unit autour de positions de plus en plus inconciliables.
Les partis indépendantistes rejettent à l’unanimité le résultat du troisième référendum, appellent à un nouveau vote sur l’indépendance en invoquant le soutien de l’ONU et déclarent qu’ils ne parleront que bilatéralement avec la France, pas avec les partis loyalistes, et uniquement à Nouméa et non à Paris. Ils sont tous d’accord sur l’objectif ultime d’une pleine souveraineté, la plupart acceptant une certaine forme d’association avec l’État français, une concession qu’ils ont faite ces dernières années.
Les partis loyalistes partagent une position commune selon laquelle les trois votes reflètent le souhait des Néo-Calédoniens de rester avec la France et promeuvent des politiques visant à enraciner davantage le territoire en France dès que possible, une position que le gouvernement français a apparemment adoptée. Avec la fin de l’Accord de Nouméa, les partis loyalistes veulent ouvrir sa disposition sensible sur l’électorat restreint qui limite le droit de vote aux principales élections locales et référendums aux seuls résidents de longue date, une concession durement combattue qui avantage les partis indépendantistes principalement autochtones. Les dirigeants indépendantistes rejettent tout assouplissement de cette disposition.
Parallèlement, les Calédoniens allochtones quittent le territoire au rythme d’environ 2 000 par an (sur une population totale d’environ 270 000). Ceux qui restent sont de plus en plus inquiets pour l’avenir, ce qui se reflète dans la position rigide des partis loyalistes.
L’Australie devrait s’inquiéter de la situation en Nouvelle-Calédonie. Depuis des décennies, le territoire français est un élément stable et prévisible dans un voisinage mélanésien généralement instable. Les Calédoniens plus âgés, à la fois loyalistes et indépendantistes, ne se souviennent que trop clairement de la violence et des perturbations explosives des années 1980, lorsque les dirigeants indépendantistes étaient frustrés au point de se tourner vers la Libye pour obtenir de l’aide et de la formation.
La rhétorique de Macron sur les intentions des grandes puissances dans la région, y compris ce qu’il appelle le comportement hégémonique de la Chine, suggère que la France pourrait miser sur le soutien des pays régionaux pour sa présence, une alliance occidentale étant considérée comme la meilleure des deux options. Une complication supplémentaire est que Macron a promu le ministre qui a supervisé le référendum final défectueux, Sebastian Lecornu, au poste de ministre de la Défense en mai.
Certes, les pays de la région ont apprécié l’engagement constructif de la France ces dernières années après l’abandon de ses essais nucléaires dans la région et la refonte de sa gestion des demandes d’indépendance. Pourtant, le Forum des îles du Pacifique et le Groupe du fer de lance mélanésien ont soutenu le rejet par les peuples autochtones du résultat du troisième référendum, tout comme ils ont constamment soutenu et surveillé les aspirations à l’indépendance sur le territoire français pendant des décennies.
Il est difficile de voir comment les ministres français en visite pourront faire avancer le dialogue indispensable dans les circonstances actuelles.