Soyons un peu plus honnêtes sur ce à quoi ressemble une identité européenne
Ensuite, il y a le fait que la définition judéo-chrétienne est également problématique pour la religion qu’elle exclut : l’islam.
Les musulmans sont originaires d’Europe, tout comme les chrétiens, et ils ont exercé une influence considérable sur le continent pendant des siècles. Dans la péninsule Ibérique, les musulmans ont développé une culture syncrétique où juifs, chrétiens et musulmans vivaient en relative harmonie. Ils ont introduit les oranges, les citrons, le coton et le riz, l’ingrédient clé de la paella. Mais lorsque les chrétiens ont pris le contrôle de la péninsule, des millions d’Européens musulmans ont été tués, expulsés ou forcés de se convertir.
Cependant, même après leur expulsion, les musulmans ont laissé une profonde influence sur les langues espagnole et portugaise, les objets culturels et les trésors architecturaux de l’Alhambra, de la mosquée de Cordoue, de l’Alcazaba (de l’arabe Qasbah) de Malaga que des millions de personnes visitent encore aujourd’hui.
Le malaise que suscite la reconnaissance de l’islam comme partie intégrante de l’Europe se manifeste également dans le sud-est du continent, où les Ottomans ont régné pendant des siècles. Les bains hongrois, le burek serbe, le pont de Mostar, tous ces éléments du patrimoine européen doivent leur existence à la médecine, aux traditions culinaires et à l’architecture islamiques. Et ignorer cette histoire ne rend pas service à la vérité historique, et ne rend pas service aux millions d’Européens musulmans qui ont le sentiment de ne pas vraiment appartenir à ce continent.
De plus, passer directement à la Grèce antique est étrangement sélectif. Si l’on met de côté la nature de la démocratie athénienne antique, où les esclaves et les femmes étaient interdits, les orgies avant et après le vote, et si l’on regarde la chronologie de la démocratie en Europe depuis les Athéniens, il faudrait passer outre un certain nombre d’empereurs, de Lords Protecteurs, de papes, de Premiers Consuls, de tsars et de Führers avant d’arriver aux élections libres au suffrage universel.
Aujourd’hui encore, la démocratie reste une petite exception dans la manière dont l’Europe a été gouvernée tout au long de son histoire. De nombreux pays européens ont connu un régime autoritaire jusqu’à bien après la Seconde Guerre mondiale, y compris la Grèce elle-même. Si la démocratie a peut-être été inventée en Europe, d’autres inventions ont été tout aussi importantes : le fascisme et le communisme. L’Empire romain nous a donné le mot sénateur, mais il nous a également donné le mot dictateur.