La France cherche à relancer son influence en Afrique au milieu du retrait militaire sahélien
Le 4 mars, lors de son voyage en République démocratique du Congo (RDC), le président français Emmanuel Macron a partagé sa vision de la France, Paris restant profondément engagé en Afrique. Il a décrit la France comme le partenaire européen qui a le plus de points communs avec les pays africains en termes de valeurs et qui apporte le plus de soutien à des relations sécuritaires et commerciales mutuellement bénéfiques (Euractiv, 6 mars). Cependant, la tentative en cours de Macron pour faciliter la réémergence de la France en tant qu’acteur de sécurité régionale à part entière en Afrique ne se produit pas assez rapidement pour compenser le statut décroissant du pays dans ses sphères traditionnelles d’influence économique et culturelle en Afrique. Les paroles de Macron étaient néanmoins cohérentes avec ce qu’il a dit depuis sa première élection en 2017. Macron a été désireux de rétablir l’influence française en Afrique, malgré une myriade de problèmes au cours des six dernières années : les conflits armés ont fait de la région francophone du Sahel un centre d’insurrection, les troupes françaises se sont retirées du Mali, même le gouvernement algérien indiquant que l’anglais sera enseigné dans les écoles du pays au lieu du français (Al Mayadeen7 octobre 2022 ; La Croix3 avril).
Poste de sécurité décroissant de Frances
Dans les années 1990, la politique française envers l’Afrique a fait l’objet de vives critiques, et l’aigreur des relations franco-africaines qui a suivi a entraîné une diminution de la représentation diplomatique française sur le continent (Le Monde, 6 mars). La pierre d’achoppement la plus importante de Paris a été son incapacité à agir lors du génocide rwandais en 1994, lorsque la France a été accusée de ne pas avoir empêché les actions de son allié, le gouvernement du président de l’époque Juvénal Habyarimana, lorsqu’elle a commencé les préparatifs de ce qui allait se passer (Le Figaro, 27 mai 2021). L’accent mis par la France sur la lutte contre le terrorisme au Sahel au détriment de sa stratégie économique au cours de la dernière décennie a également érodé davantage les liens entre la France et les peuples d’Afrique (France 2424 mai 2022).
Malgré un effort militaire massif et soutenu avec plus de 5 000 soldats déployés dans des pays comme le Niger et le Tchad, la France n’a pas été en mesure de contrer avec succès la menace des djihadistes, dont les attaques contre les communautés locales et les forces de sécurité se poursuivent au Sahel (Le Point, 27 janvier). L’influence décroissante de la France a permis aux États africains de réorienter leurs partenariats économiques et de sécurité alors que le continent est redevenu un champ de bataille géopolitique. Désormais, l’influence chinoise, russe et turque grandit sur le continent et présente des alternatives à celle de la France (AfriqueActualités15 mars).
Au Mali, l’incapacité de la France à combattre l’insurrection dans le nord du pays était un sous-texte du coup d’État de mai 2021 qui a catapulté au pouvoir le colonel Assimi Gota (Poste Afrique du Nord, 18 novembre 2022). L’opération Barkhane, la campagne militaire française de lutte contre le terrorisme qui a débuté en 2013, s’est embourbée dans une lutte de plus en plus impuissante contre l’affilié d’Al-Qaïda, le Groupe des partisans de l’islam et des musulmans (JNIM) et l’État islamique du Grand Sahara (ISGS) tout en l’instabilité politique a englouti Bamako (France Bleu, 9 novembre 2022). Depuis le coup d’État, Gota a fui Paris et s’est tourné vers Moscou, dont les mercenaires wagnériens étaient déjà actifs dans une autre ancienne colonie française, la République centrafricaine (RCA) (Le Monde4 février).
Le retour du soft power français
Actuellement, Paris tente de séduire les nations africaines à ses côtés en mettant en œuvre une politique de soft power en renforçant les liens avec la société civile et en faisant appel aux jeunes. En mars, lors d’un voyage dans quatre pays en Afrique centrale, Macron a appelé à une relation mutuelle et responsable avec les nations africaines, y compris sur les questions climatiques (France 24, 1er Mars). Après avoir incité un changement vers une approche militaire plus discrète et plus collaborative au milieu du retrait français du Mali, Macron tente également de favoriser les liens culturels avec l’Afrique francophone en améliorant l’accès aux visas pour les Africains pour poursuivre des études de troisième cycle en France (Dzaïr Quotidien28 février).
En juillet 2022, Macron a lancé une offensive de charme pour relancer les relations de la France avec l’Afrique, en visitant le Cameroun, le Bénin et la Guinée-Bissau lors de son premier voyage sur le continent depuis sa réélection en avril 2022 (Euronews, 26 juillet 2022). Il a également promis de réduire la présence militaire de Frances à travers l’Afrique (Lindependant, 27 février). Macron a en outre affirmé que la France contournerait les luttes de pouvoir anachroniques en Afrique, déclarant que les États africains devaient être traités comme des partenaires égaux dans le domaine de la coopération militaire et économique (Le Point27 février).
Néanmoins, les pays africains eux-mêmes semblent préférer mener une politique étrangère multivectorielle. Par exemple, les attitudes des États africains envers la Chine et la Russie évoluent à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine. Lors d’un vote de l’Assemblée générale des Nations Unies en mars 2022, 38 États africains ont condamné la guerre de Moscou contre l’Ukraine, tandis que 16 États se sont abstenus (Afrique Renouveau, 21 avril 2022). Malgré cela, les associations d’agriculteurs de 11 États d’Afrique centrale ont affirmé que les perturbations de l’approvisionnement alimentaire causées par la guerre en Ukraine ont entraîné une flambée des prix des denrées alimentaires, réduisant le pouvoir d’achat de nombreux Africains (Poste Afrique du Nord, 15 septembre 2022). De nombreux États africains ont donc adopté une position neutre sur la guerre de Moscou et pourraient préférer un accord de paix qui, à l’heure actuelle, garantirait les gains territoriaux russes en Ukraine et le flux de nourriture vers l’Afrique (Al Jazeera26 février).
Conclusion
La France n’a actuellement ni les outils pour remplacer la Chine, la Russie ou la Turquie, ni l’intention d’être la puissance dominante en Afrique. Cependant, les défis économiques de la Turquie et la guerre prolongée de la Russie contre l’Ukraine pourraient créer une ouverture pour que la France joue un rôle plus affirmé en Afrique, s’ils sont capables d’inciter les États africains à se distancier des autres puissances (Quotidien Sabah, 11 avril). Comme Paris le réalise en Afrique, la lutte contre les djihadistes, qui a été si cruciale pour sa politique étrangère sur le continent, ne peut être gagnée qu’en liant les prouesses militaires aux initiatives de gouvernance locale, en luttant contre la corruption et en améliorant la vie des civils. La France ne pourra pas rester influente en Afrique en mettant trop l’accent sur la contre-insurrection comme elle l’a fait dans le passé. Au lieu de cela, une stratégie plus globale sera nécessaire.