La politique de restitution tant attendue de la France est enfin là
La France rend enfin publique sa politique tant attendue sur le dossier chargé de la restitution des biens culturels. Le gouvernement rendra public demain un rapport de 85 pages sur le sujet de Jean-Luc Martinez, ancien directeur du Louvre. Le rapport a été commandé par le président Emmanuel Macron et le gouvernement a déjà mis en œuvre certaines de ses recommandations, notamment un projet de loi sur l’art pillé par les nazis, qui sera débattu au Sénat le 23 mai.
Et deux autres lois seront adoptées dans les mois à venir, selon la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak. On pourrait s’appliquer aux articles des anciennes colonies des empires occidentaux, que le rapport définit en termes globaux, plutôt qu’à l’Afrique et ses anciens dominions français. L’autre concerne les restes humains.
Martinez raconte Journal d’art que son rapport recommande d’étudier les demandes de restitution de huit pays africains pour établir un critère de restitution. Plutôt que de se fonder sur un point de vue idéologique ou moral, il dit vouloir adopter une « approche pragmatique afin de définir une politique cadre de restitutions ».
Il a proposé deux critères principaux comme base des restitutions : « l’illégalité et l’illégitimité ». Par exemple, selon la loi française au moment de l’invasion coloniale française de l’Algérie au début du XIXe siècle, les armes peuvent être légalement saisies à un ennemi, mais les biens culturels doivent être restitués après la bataille. Ainsi les livres et les vêtements du chef rebelle Abdelkader ibn Muhieddine (communément appelé Abdelkader) auraient dû lui être rendus lors de sa reddition, rendant leur statut en France « illégitime ».
De même, si un officier remettait des biens pillés à un musée français, comme c’était le cas pour de nombreux objets pillés au Royaume du Bénin, le don devrait être considéré comme « illégal car un tel butin de guerre personnel n’est pas autorisé ». Une recommandation clé du rapport est que les demandes de restitution soient étudiées par une commission scientifique bilatérale qui rendra publiquement un avis avant la décision finale des tribunaux français.
Martinez affirme que malgré les appréhensions des conservateurs, très peu d’œuvres détenues par les musées français relèveront de ces définitions. « Sur les 85 000 objets examinés par le musée du Quai Branly à Paris, seuls 300 sont problématiques et pourraient correspondre à ces critères ». les œuvres soient bien conservées et exposées après leur restitution.
Le rapport suggère également de faciliter les restitutions aux nations étrangères, une fois les critères de leur retour remplis. Actuellement, les restitutions de toute nature doivent être approuvées par des lois spéciales, ce qui peut prendre des années. La loi déjà introduite sur les œuvres d’art pillées par les nazis, selon le rapport de Martinez, facilitera également leur aliénation et étend la définition de l’art pillé au-delà du temps et de l’espace de l’occupation allemande de la France, et dans la période 1933-1945 à travers l’Europe.
Ce rapport intervient près de six ans après que Macron a publiquement appelé au retour du patrimoine africain lors d’une visite d’État au Burkina Faso. Et cela fait quatre ans et demi que les universitaires Bénédicte Savoy et Felwine Sarr plaident pour des restitutions systématiques aux pays africains. Depuis, la question est quelque peu minimisée, mais elle reste un sujet sensible.
Certains musées parisiens, comme le Quai Branly, le Musée de l’Homme ou le Musée de l’Armée, ont discrètement créé ces dernières années de nouveaux départements pour rechercher la provenance de leurs collections pendant la période coloniale française, avec la contribution d’érudits et de conservateurs africains. Martinez a suivi de près ces initiatives et a également examiné la position d’autres nations européennes ainsi que des consultations avec les États africains concernés. Son rapport fournit la première synthèse des politiques de restitution à travers l’Europe. Il souligne la spécificité des collections publiques françaises, considérées comme à jamais inaliénables.
Ils n’appartiennent pas à l’État, ils appartiennent à la nation, et l’État n’est que leur gardien, dit-il. C’est la grande différence entre la France et les autres pays occidentaux. où chaque musée peut décider de ces questions par lui-même. » Martinez conclut son rapport en proposant que les pays européens et africains établissent un cadre commun pour les restitutions, comme les principes de Washington de 1998 sur l’art pillé, et créent un fonds pour aider cette nouvelle coopération.