Xi en France : qu’y a-t-il à célébrer ?
A l’approche du 60e anniversaire des relations diplomatiques, le président chinois Xi Jinping sera accueilli à Paris et dans les Pyrénées, retraite d’enfance chère au cœur du président Emmanuel Macron, pour y ajouter une touche intimiste visant à renforcer les liens. Mais au-delà des symboles, que peut apporter cette visite protocolaire ?
Le voyage de Xi intervient quelques semaines seulement après la visite d’Olaf Scholz, le chancelier allemand, en Chine. L’Allemagne reste, malgré ses difficultés, le poids lourd de l’économie européenne et le premier partenaire commercial de la Chine au sein de l’UE. Scholz s’est davantage concentré sur l’économie que sur les questions stratégiques complexes liées à une Chine de plus en plus agressive dans sa région. Après sa conversation avec le plus haut dirigeant allemand, Xi Jinping pourra tirer parti de la concurrence entre les deux principales puissances de l’UE.
Ses grandes entreprises allemandes comme BASF qui continuent d’investir massivement en Chine ; Selon les chiffres de la Chambre de Commerce Européenne de Pékin, la tendance est au désinvestissement des entreprises européennes dans leur ensemble. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. L’économie chinoise ne se porte pas bien ; La Chine n’est plus la poule aux œufs d’or qui éblouissait autrefois les exportateurs et les entreprises en quête d’argent frais. Xis a vanté les mérites d’un nouveau modèle de développement visant à remplacer la faible consommation persistante des ménages par une transition vers une économie de haute technologie, exportant essentiellement les excédents massifs de l’industrie automobile chinoise, des panneaux solaires et, plus largement, des technologies vertes.
C’est également dans ce cadre que se déroule la visite de Paris. Pékin espère atténuer les conséquences de la position française sur la question du déficit commercial avec la Chine et sur les pratiques commerciales néfastes de Pékin dans des secteurs aussi essentiels à l’économie française que l’industrie automobile. Sur ces points, Xi attend des concessions, mais il n’est pas sûr qu’il les obtienne ; les enjeux sociaux de la désindustrialisation sont trop importants pour que Paris cède sans réciprocité effective. La sécurité économique, autre terme pour dénoncer une dépendance excessive aux importations chinoises de matériaux sensibles, pèse également sur la position française et ne favorise pas les intérêts chinois.
Mais l’histoire occupera également une place importante. Pour les dirigeants chinois, l’âge d’or des relations franco-chinoises était l’époque du général de Gaulle, comprise par Pékin à travers le prisme simpliste de l’anti-américanisme. Diviser pour régner est au cœur de la pensée stratégique chinoise. Mais les équilibres stratégiques ne sont plus ceux de 1964.
La Chine, malgré ses difficultés, est un monstre que d’autres pays cherchent trop souvent à accommoder au nom d’intérêts communs souvent illusoires. Elle représente plus de 18 % de l’économie mondiale et continue de stimuler la croissance en Asie et sur le continent africain. Stratégiquement, la Chine multiplie les tensions en utilisant des tactiques de zone grise, auxquelles il est difficile de répondre. En mer de Chine méridionale, les incidents graves se multiplient avec les Philippines qui se rapprochent des États-Unis. La pression chinoise est également constante concernant son différend maritime avec le Japon. La Chine joue un rôle perturbateur, jouant parfois un rôle d’apaisement lorsque ses calculs tactiques et ses intérêts l’exigent ; les évolutions apparemment positives dans les relations doivent toujours être abordées avec prudence.
De son côté, Paris n’a peut-être pas renoncé à voir Xi Jinping profiter de cette visite pour s’engager à jouer un rôle plus significatif en faveur du désengagement de la Russie en Ukraine. Rien n’est moins sûr. La situation actuelle convient à Pékin, qui reste prudemment sur le fil du rasoir. Elle bénéficie de tous les avantages d’une Russie affaiblie, captive de son client chinois et contrainte de vendre du gaz 30 % en dessous du prix du marché. La Chine contribue également à forger un front uni des autocraties, offrant apparemment une alternative au soi-disant Sud global contre l’universalisme des valeurs démocratiques occidentales. Et malgré tout cela, la Chine est également courtisée pour résoudre une fois de plus un problème, même si sur d’autres questions mondiales, qu’il s’agisse de la dénucléarisation de la Corée du Nord ou même du changement climatique, la Chine n’a jamais démontré qu’elle était prête à agir au-delà d’un dialogue engageant qui reconnaît simplement son influence.
Du côté européen, la division de l’Europe, y compris sur la question ukrainienne, permet aussi à la Chine de démontrer qu’elle y dispose encore d’alliés malgré la dégradation de son image à travers le continent. C’est ainsi qu’il faut comprendre les visites en Hongrie et en Serbie, après les célébrations françaises. Les voyages de Xi à Belgrade et à Budapest démontrent mieux où se situent les priorités de Pékin et ses véritables alliés.
L’enjeu pour Paris sera donc d’essayer de donner du sens à une visite qui n’a pas vraiment de profondeur. C’est d’une seule voix, et notamment avec l’Allemagne, que l’Union européenne doit parler à Pékin. Il est loin d’être sûr que donner au plus haut dirigeant chinois, surtout après la tragique répression idéologique à Hong Kong, l’opportunité de retrouver un semblant de légitimité internationale, tout en bénéficiant d’un contraste trop flatteur avec le statut de paria de Vladimir Poutine, soit la meilleure solution. meilleure stratégie soit pour la France, soit pour l’Europe dans son ensemble.