Vous avez une entreprise en France ? Voici comment se préparer à une recherche fiscale
Les perquisitions fiscales sont un moyen puissant pour le fisc français de recueillir des preuves, car elles lui permettent de saisir tous les documents se trouvant dans les locaux d’une entreprise et susceptibles de révéler une fraude fiscale. Les perquisitions peuvent concerner toutes les entreprises, qu’elles soient petites ou multinationales.
Selon un rapport public publié par le ministère français des Finances, plus de 160 perquisitions fiscales dans les locaux des entreprises ont été effectuées en France en 2021. Le montant des redressements fiscaux effectués par les autorités à la suite de ces perquisitions s’élève à plus de 562 millions d’euros (609 millions de dollars). )417 millions d’euros en principal et 155 millions d’euros de pénalités fiscales.
Les contribuables n’étant pas informés en amont d’une perquisition fiscale, plusieurs questions se posent : Pourquoi l’administration fiscale procède-t-elle à une perquisition ? Qui peut faire l’objet d’une recherche ? Quels documents peuvent être saisis et comment peuvent-ils être utilisés ? Quelles pénalités fiscales sont susceptibles d’être appliquées par l’administration fiscale ?
Lutte contre l’évasion fiscale
Une perquisition fiscale est une procédure intensive nécessitant des moyens considérables, c’est pourquoi l’administration fiscale n’en réalise pas beaucoup moins de 200 perquisitions par an, sur environ 140 000 contrôles fiscaux sur les entreprises.
Cependant, contrairement à d’autres procédures de contrôle fiscal, une recherche permet à l’administration fiscale d’obtenir des informations qui ne sont pas disponibles lors d’un contrôle, telles que des courriers électroniques et des documents internes sur la mise en œuvre d’un dispositif fiscal.
Selon le rapport de l’administration fiscale pour 2021, la catégorisation des recherches est la suivante :
- Activité non déclarée en France d’une entreprise étrangère79% ;
- Réduction abusive de la base d’imposition17 % ;
- Défaut de produire des déclarations de revenus2 % ;
- Fraude à la taxe sur la valeur ajoutée2 %.
Cette répartition, similaire à celles des années précédentes, montre que les perquisitions sont principalement utilisées par l’administration fiscale pour rechercher des activités non déclarées en France par des sociétés étrangères. Par exemple, les autorités peuvent souhaiter utiliser les informations obtenues lors d’une recherche pour tenter de démontrer qu’une ou plusieurs filiales d’un groupe multinational sont soit dirigées depuis la France, et donc y ont leur siège de direction effective, soit ont un établissement stable non déclaré.
Qui peut être concerné ?
La recherche fiscale est liée à la recherche d’infractions fiscales en matière d’impôt sur les sociétés et de TVA. Ainsi, les principaux cas dans lesquels une perquisition est effectuée concernent :
- Sous-évaluation du revenu imposable ;
- Fausses factures ;
- Localisation abusive des bénéfices à l’étranger ;
- Utilisation de sociétés écrans ;
- Activités non déclarées en France.
Comment une recherche est-elle préparée par l’administration fiscale ?
Il y a quatre étapes principales avant d’effectuer une recherche.
Étape 1 : Rechercher une fraude fiscale potentielle
L’administration fiscale recherche les fraudes fiscales complexes pouvant impliquer des contribuables en France. Les autorités disposent de nombreuses sources d’information, notamment :
- Les lanceurs d’alerte qui peuvent être, par exemple, d’anciens salariés d’une entreprise et qui souhaitent donner des informations à l’administration fiscale ;
- Enquêtes internes dans divers secteurs susceptibles de révéler des activités professionnelles non déclarées en France ;
- Information reçue de la Cellule française de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (TRACFIN).
L’administration fiscale sélectionne alors des cibles pour lesquelles une recherche sera le meilleur moyen de trouver des preuves de fraude fiscale.
Étape 2 : Lancer des demandes de renseignements fiscaux pour recueillir des informations
Pour recueillir des preuves de fraude, l’administration fiscale procède à une enquête sur le contribuable suspect, par exemple en :
- Recueillir des informations à partir de contrôles fiscaux sur d’autres contribuables susceptibles d’avoir des relations avec le contribuable suspect ;
- Demander des informations aux autorités fiscales étrangères.
Ces investigations sont menées en toute discrétion afin que le contribuable soupçonné de fraude fiscale ne soit pas alerté d’une éventuelle perquisition.
Étape 3 : Rédaction d’un rapport contenant des preuves de fraude fiscale
L’administration fiscale établit un rapport d’enquête qui servira de base à une demande adressée à un juge pour autoriser la perquisition. Ce rapport comprend toutes les enquêtes des autorités et les conclusions qui en ont été tirées. Elle doit contenir des éléments de preuve suffisants pour établir une présomption de fraude fiscale.
Par exemple, le rapport peut indiquer que, selon les informations recueillies lors des enquêtes :
- Une société étrangère exerce une activité commerciale en France sans déposer de déclaration de revenus ;
- La filiale étrangère d’une entreprise française n’a pas de substance, et toute l’activité est vraisemblablement exercée depuis la France.
Étape 4 : Autorisation du juge d’effectuer la recherche
La perquisition doit être autorisée par un juge, qui prend sa décision sur la base du rapport des autorités. Le contribuable n’est informé de l’autorisation des juges par les agents de l’administration fiscale qu’au début de la perquisition.
Comment fonctionne une recherche fiscale ?
Les personnes qui effectuent la recherche
La perquisition sera effectuée par des agents de l’administration fiscale et des officiers de police judiciaire. Les agents appartiennent à une unité dédiée aux enquêtes fiscales (Direction Nationale des Enquêtes Fiscales, ou DNEF). La perquisition ne peut commencer dans les locaux de l’entreprise avant 6 h ni après 21 h.
Opérations de saisie
Lors de la perquisition, les autorités saisissent des documents écrits, des fichiers informatiques, des boîtes aux lettres, etc. En principe, seuls peuvent être saisis les documents susceptibles d’apporter la preuve de l’infraction et dont la perquisition a été autorisée par le juge. Les documents couverts par le secret professionnel ne peuvent être saisis que s’ils ont été utilisés dans le but de commettre ou de faciliter la commission d’une infraction fiscale.
Lorsque des informations sont stockées dans des ordinateurs, l’administration fiscale gère les données et ne saisit que les informations susceptibles d’être liées à l’infraction. Cependant, s’il est trop difficile de trier les informations pertinentes, les autorités peuvent faire une copie complète des informations contenues dans les dossiers et les boîtes aux lettres, et devront mettre de côté les documents non pertinents après la perquisition.
Il est fortement recommandé aux contribuables de demander à leurs avocats de se présenter immédiatement au début d’une perquisition pour surveiller les opérations de saisie.
Rédaction d’un rapport de saisie
Un acte officiel est dressé à l’issue des opérations de saisie. Ce document est très important car il comporte l’identité de ceux qui ont effectué la perquisition, la chronologie des opérations et un inventaire des documents saisis.
Pas de question fiscale
L’interrogatoire n’est pas autorisé dans le cadre d’une perquisition. Cependant, les contribuables sont autorisés à faire une déclaration spontanée, par exemple, sur la manière dont ils exercent leurs activités.
Restitution des documents saisis
Les documents saisis doivent être restitués par l’administration fiscale au contribuable dans les six mois suivant la perquisition.
Quelles sont les conséquences d’une recherche ?
Contester la recherche
Un contribuable peut contester la perquisition devant la Cour d’appel. Par exemple, le contribuable peut soutenir que les indices de fraude mentionnés dans l’autorisation des juges ne correspondent pas à la réalité, ou que les opérations de recherche n’ont pas été effectuées régulièrement.
De manière générale, il convient toujours de vérifier s’il existe des moyens de contester la recherche fiscale. Si la cour d’appel décide d’annuler la perquisition, les documents saisis ne peuvent plus être utilisés et, en pratique, le risque de contrôle fiscal diminue considérablement.
Utilisation des documents saisis par l’administration fiscale française
Il faut souligner qu’une perquisition fiscale n’est pas un contrôle fiscal, mais seulement un moyen pour l’administration, sous réserve d’une autorisation judiciaire, de recueillir des preuves de fraude fiscale. Il n’existe aucun lien juridique entre une recherche fiscale et un redressement fiscal, qui doit être effectué dans le cadre d’une procédure de contrôle fiscal.
Après les opérations de perquisition, l’administration fiscale doit gérer les informations saisies. En pratique, les agents de la DNEF procèdent à la lecture des pièces et à la recherche d’un délit fiscal. Les agents essaieront d’utiliser les informations dont ils disposent pour apporter la preuve d’une fraude fiscale.
Un rapport interne est alors établi. Ce rapport indique si un contrôle fiscal doit être entrepris. Ce rapport est un document interne de l’administration fiscale et n’est pas transmis au contribuable. Ainsi, dès la fin de la recherche fiscale, le contribuable ne dispose absolument d’aucune information de la part de l’administration fiscale jusqu’à l’éventuel déclenchement d’une procédure de contrôle fiscal. Dans un cas où les autorités considèrent finalement qu’il n’y a pas lieu de procéder à un contrôle fiscal, ce qui ne devrait pas se produire en pratique puisqu’elles ont recueilli des preuves d’évasion fiscale avant la perquisition, le contribuable n’est pas informé.
On pourrait considérer qu’il y a un manque d’informations fournies au contribuable, qui doit attendre une notification formelle de l’administration fiscale indiquant qu’un contrôle fiscal est sur le point de commencer.
Opérations de contrôle fiscal
Lorsque les agents de la DNEF ont fini de gérer les informations saisies, leur rapport est transmis à un service de contrôle fiscal pour procéder à un contrôle. En pratique, les opérations de contrôle fiscal se déroulent rapidement après la perquisition.
Dans le cadre de la procédure de contrôle fiscal, l’administration fiscale doit communiquer au contribuable les éléments sur lesquels se fondent les redressements fiscaux et transmettre les documents utilisés au contribuable s’ils en font la demande.
En pratique, le service du contrôle fiscal s’appuie sur les travaux des agents de la DNEF.
Les perquisitions étant effectuées dans les cas où l’administration fiscale considère qu’il existe des indices de fraude fiscale, il est très fréquent que l’administration applique des sanctions fiscales.
Les pénalités fiscales peuvent être de 40 % en cas de mauvaise foi, et de 80 % en cas de stratagèmes fiscaux frauduleux ou de découverte d’activité non déclarée en France.
Existe-t-il un moyen de régulariser la situation fiscale ?
Les mécanismes français de régularisation fiscale ne sont pas praticables. Le droit fiscal français comprend plusieurs mécanismes qui permettent aux contribuables de modifier leur déclaration de revenus, même dans le cadre d’un contrôle fiscal, mais uniquement dans les cas où aucune sanction fiscale pour mauvaise foi n’a été appliquée. Ainsi, dans la mesure où dans la plupart des cas suite à une perquisition fiscale des pénalités fiscales seront appliquées, les contribuables sont hors du champ de ce type de mécanisme.
Il existe également une cellule de conformité fiscale qui permet aux contribuables de déposer des déclarations fiscales rectificatives, notamment en cas d’établissement stable non déclaré d’une société étrangère en France ou de montages fiscaux visant à échapper à l’impôt.
Dans de tels cas, où des pénalités élevées (40% ou 80%) sont normalement appliquées par les unités de contrôle fiscal, des pénalités fiscales plus faibles sont appliquées. Toutefois, la demande du contribuable doit être spontanée et, en pratique, les demandes formulées par les contribuables à la suite d’une perquisition sont considérées comme hors champ.
La possibilité d’un règlement global
Dans le cadre de la procédure de contrôle fiscal, dans certains cas complexes où il n’y a pas de certitude fiscale, il est toujours possible de demander à la cellule de contrôle fiscal si elle accepterait, dans le cadre d’un règlement global, que le contribuable dépose des déclarations rectificatives. En contrepartie, l’administration fiscale réduirait les pénalités applicables.
Quel échange d’informations existe-t-il avec le ministère public ?
Au stade de la recherche fiscale, il n’y a pas d’échange d’informations entre l’administration fiscale et le ministère public.
Toutefois, au cours de la procédure de contrôle fiscal qui suit la recherche fiscale, des informations peuvent être échangées :
- Les agents de l’administration fiscale peuvent librement échanger des informations avec le procureur puisque la règle du secret fiscal est levée ;
- En fonction du niveau des sanctions qui seront appliquées et du montant des redressements fiscaux à l’issue de la procédure de contrôle fiscal, le dossier pourra être amené à être transmis par l’administration fiscale au procureur de la République.
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Informations sur l’auteur
Thierry Viu est Counsel chez CMS France.
L’auteur peut être contacté à : [email protected]l.com
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