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Une voix juive exigeant la liberté, l’égalité et la fraternité en France et au Texas a été réduite au silence

En 2022, un Français frêle mais farouche lance un défi à l’État du Texas. Dans une vidéo réalisée par Ensemble contre la peine de mort, une organisation française opposée à la peine de mort, l’homme a exigé que les autorités texanes sauvent la vie de Melissa Lucio, qui, malgré plusieurs irrégularités flagrantes lors de son procès, avait été condamnée à mort en 2008 par un jury texan pour la mort de ses deux enfants. enfant d’un an. Ne pas le faire, a-t-il déclaré, serait un sacrilège et, je dois le dire à la fin de ma vie, une injustice révoltante qui déshonorerait l’État du Texas.

Melissa Lucio attend toujours dans le couloir de la mort que les tribunaux du Texas décident de son sort. Cependant, vendredi dernier, Robert Badinter, l’orateur de la vidéo, est décédé à Paris à l’âge de 95 ans. Je soupçonne que peu de mes compatriotes texans ont entendu ses paroles il y a deux ans, et encore moins la nouvelle de sa mort il y a deux jours. Mais s’ils avaient écouté le court extrait, ils auraient été frappés par la façon dont Badinter prononce, avec une indignation à peine réprimée : déshonorait.

Pourtant, l’accent particulier que Badinter accorde au mot honneur ne surprendrait pas les millions de Français dont le pays a été façonné pour le mieux par l’un des fonctionnaires les plus importants et les plus admirables de leur pays. Que ce soit en tant que ministre de la Justice dans les années 1980, qui a supervisé l’abolition de la peine de mort, ou en tant que président de la Cour suprême du pays dans les années 1990, qui a établi la Cour comme un véritable égal aux autres branches du gouvernement, ou en tant que défenseur des idéaux des Lumières et adversaire du meurtre sanctionné par l’État, la fidélité de Badinter au trio de valeurs révolutionnaires de la France, liberté, égalité et fraternité, n’a jamais faibli.

Robert Badinter à la Cour d’Appel de Paris, 1977. Photo de Getty Images

Ce profond attachement affectif et intellectuel est venu naturellement au fils de Simon Badinter qui, en 1919, a fui les violences antisémites de sa Bessarabie natale (actuelle Moldavie) pour la France. Où pourrait-il trouver un refuge plus sûr ? Badinter a souvent cité le père du philosophe juif français Emmanuel Levinas qui, lors de l’affaire Dreyfus, avait conclu qu’un pays qui se déchire à cause d’un seul officier juif est le pays où je dois vivre.

Pourtant, la France est aussi le pays d’où Simon Badinter, vingt ans plus tard, fut déporté et assassiné à Sobibor en 1942. Le fils adolescent fut, comme le suggère une nécrologie, marqué à jamais par l’amour de son père pour la République française, mais sans doute aussi par l’amour de son père pour la République française. le choc de la persécution des juifs français par le régime collaborationniste et antisémite de Vichy. C’est peut-être pour ces raisons que Badinter a insisté sur le fait que la France n’était pas la patrie des droits de l’homme, mais plutôt la patrie de la Déclaration des droits de l’homme. Ce mot supplémentaire est crucial. Bref, il ne suffit jamais de déclarer ces droits universels, mais il faut toujours aussi défendre et étendre ces droits.

C’est l’impératif éthique et historique qui a conduit Badinter, dès son entrée en fonction en tant quegarde des sceaux, garde des Sceaux ou ministre de la Justice du président François Mitterrand, pour lutter pour l’abolition de la peine de mort en France. Alors qu’il était encore avocat, Badinter a pris en charge le cas de Patrick Henry, coupable du meurtre d’un enfant qu’il avait kidnappé. Badinter l’a fait pour la raison la plus évidente et la plus difficile : le commandement Tu ne tueras pas doit s’appliquer à chacun, peu importe ce qu’il a fait et quelles que soient les justifications de l’État. Ne croyez pas que vous défendez la société par ces moyens sanglants, a-t-il dit aux jurés en évoquant la guillotine. Si vous coupez cet homme en deux, vous ne dissuaderez personne.

Quelques années plus tard, lorsque Badinter plaida devant l’Assemblée nationale en faveur de l’abolition des pratiques, il parla pendant près de deux heures. Il savait qu’une large majorité de Français soutenait toujours la peine de mort, tout comme il savait qu’il y aurait des attaques et des insultes de la part des partis d’opposition. Et pourtant, dans les vidéos de l’événement, il apparaît moins comme un ministre du gouvernement que comme un prophète biblique. À un moment clé, Badinter lève les yeux du pupitre et regarde directement les représentants de la nation rassemblés : La question à laquelle nous sommes confrontés, comme nous le savons tous, est politique et surtout morale. A ces mots, la salle se tut.

Alors que l’abolition est la règle presque partout dans les pays libres, observe Badinter, dans les pays dictatoriaux, la peine de mort est partout pratiquée. Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence, mais plutôt d’une corrélation. La véritable signification de la peine de mort vient de l’idée que l’État a le droit de disposer d’un citoyen, même au point de lui ôter la vie. C’est pourquoi cette sanction fait partie intégrante des systèmes totalitaires. (Ou d’ailleurs, une partie intégrante des États démocratiques de notre pays où les républicains, et non les républicains, détiennent une super-majorité comme c’est le cas au Texas.) Badinter a conclu son discours en déclarant Demain, grâce à chacun d’entre vous, nous ne ne partagent plus la honte des exécutions furtives à l’aube dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre histoire auront été tournées.

Tant d’autres pages de l’histoire française et européenne, depuis l’abolition du crime d’homosexualité jusqu’à la création de la Cour pénale internationale, ont également été écrites en grande partie par Badinter. Mais au-delà de ces réalisations, il y a la plus grande réussite de Badinter : vivre une vie publique qui résiste à la cruauté et à la grossièreté de notre époque et reflète les valeurs morales d’un homme qui s’est toujours fièrement identifié comme républicain, laïc et juif.

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