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Une nouvelle vague d’accusations enflamme les comptes de MeToo en France : les femmes en ont marre. La colère est énorme

L’industrie cinématographique française subit un nouveau bilan MeToo, dominant les cycles d’actualité, les débats politiques et même le sac de cadeaux du dîner des nominés aux César, qui comprenait un dépliant intitulé « Le secteur culturel ensemble contre les violences sexistes et sexuelles ».

Le mouvement français #MeToo a également fait son chemin à la Berlinale, où l’actrice Nora Hamzawi a déclaré que le prochain film du réalisateur Jacques Doillon, Third Grade, dans lequel Hamzawi joue, ne devrait pas être libéré en raison des allégations d’inconduite sexuelle récemment déposées contre le cinéaste.

Les grands syndicats de producteurs français (API, SPI et UPC) ont également publié un communiqué exigeant que l’Office national du film (CNC) et le ministre de la Culture mettent en place des lignes directrices précises. Ces revendications incluent la nomination d’experts spécialisés dans la prévention et la gestion des violences sexuelles pour mettre en place un environnement sûr au début de chaque tournage ; des ressources supplémentaires pour les organisations luttant contre l’inconduite sexuelle ; et mettre en place une police d’assurance qui permettrait d’arrêter immédiatement les productions lorsqu’une situation de violence sexuelle survient.

Le sujet sera probablement au premier plan lors de la cérémonie des César de vendredi, où Judith Godrché, l’actrice qui a chargé ce nouveau MeToo, compte tenu de ses révélations selon lesquelles elle avait été la proie et soignée alors qu’elle était mineure par les réalisateurs Benot Jacquot et Jacques Doillon, devrait faire un discours.

Les allégations de Godrèche font partie de plusieurs nouvelles plaintes pour agression sexuelle déposées ces dernières semaines. Le nouveau bilan a véritablement démarré début décembre avec la diffusion d’un documentaire d’investigation montrant Gérard Depardieu tenant des propos désobligeants et sexualisés à l’égard d’une pré-adolescente.

Depuis, Anna Mouglalis, Isild le Besco, Vahina Giocante et Julia Roy ont porté de nouvelles accusations contre Doillon et Jacquot, tandis que Godrche elle-même a poussé les comptes plus loin en portant plainte contre les deux réalisateurs. Elle a également lancé une campagne sur les réseaux sociaux pour encourager davantage de victimes à s’exprimer. Outre Doillon et Jacquot, un troisième réalisateur également septuagénaire, Philippe Garrel, a également été accusé d’agressions sexuelles par cinq actrices qui s’étaient confiées à Mediapart en septembre.

Je suis là, a posté Godrche sur Instagram le 10 février, demandant aux lecteurs de soumettre leurs propres histoires à l’adresse e-mail MoiaussiJudith@gmail.com(MeTooJudith@gmail.com). Derrière ce récit, (je suis) prêt à lire et à réfléchir sur un projet en votre honneur. Quelle que soit la manière dont vous avez été abusé, veuillez partager dès que possible.

La publication a reçu plus de 10 000 likes la semaine dernière.

Les femmes en ont vraiment marre, dit l’auteure et critique Hlène Frappat. L’intensité de cette réponse montre toute l’étendue de cette colère refoulée qui jusqu’à présent n’avait pas été mesurée et visiblement cette colère est énorme.

Trois jours après la diffusion de Godrèche sur Instagram, Frappat a publié une tribune dans Le Monde situant ce climat de prédation dans une pathologie plus large et rétrograde. Cette vision du monde est construite sur une arnaque, écrit Frappat. Une arnaque pour les femmes, pas pour ces soi-disant grands créateurs qui se défendent en expliquant qu’en France des Nouvelle Vague un réalisateur doit dormir avec sa muse afin de trouver l’inspiration. (En d’autres termes) notre vision romantique est construite sur le harcèlement.

Je pense que beaucoup de ces réalisateurs croient sincèrement qu’un tel harcèlement, qui peut aller jusqu’à l’agression sexuelle, est le produit d’un (instinct romantique), dit-elle. Variété. Et qu’à leur tour, ils estiment que leurs victimes devraient être heureuses de cette attention. Seulement, nous ne devrions pas tomber dans le piège d’isoler le cinéma, car le cinéma n’est qu’une image agrandie de la société et cette question affecte notre société à tous les niveaux.

Alors que la tribune Frappats et l’initiative en ligne Godrches continuent de susciter le débat dans la culture et les médias français, des organisations comme le Collectif 50/50 mènent désormais la charge pour remodeler le secteur audiovisuel. Fondée en 2018 sous le nom de 50/50 pour 2020, l’organisation militante a depuis changé de nom avec un objectif plus large et plus ambitieux en tête.

Conférence Collective 50/50s 2023 Pour l’égalité, la parité et la diversité au cinéma.
Laurie Bisceglia

Quand le collectif a été créé, on ne pensait pas qu’il existerait encore en 2024, affirme Laura Pertuy, secrétaire générale du 50/50. Nous étions peut-être trop optimistes, pensant et espérant que cela se dissoudrait très rapidement. Mais nous constatons aujourd’hui qu’il y a des progrès colossaux à faire.

Au lieu de cela, le collectif a adopté un point de vue plus large et intersectionnel, encourageant la parité dans les sélections des festivals de cinéma en luttant pour un secteur plus sain. Le combat revient à repenser à grande échelle les mœurs traditionnelles, y compris l’impunité conférée à certains auteurs.

Nous avons créé un système épouvantable, qu’il était désormais difficile de démanteler, dit Pertuy. Un système qui considère ceux qui créent comme des êtres tout-puissants, impossibles à remettre en question. Ce système encourageait l’habitude de ne pas s’exprimer, de ne pas être entendu (parce que) ceux qui étaient au sommet avaient besoin d’être écoutés et admirés à tout prix.

Il y a ce vieux monde imaginaire autour (des acteurs comme) Depardieu et certains réalisateurs, poursuit Pertuy. On a l’impression qu’il est plus douloureux de se séparer de ce monde imaginaire que d’entendre les plaintes, la douleur ou même la colère des femmes agressées sexuellement. Il y a une sorte de renversement des reproches au travail, ce qui est un peu étrange.

Parce que l’industrie cinématographique adhère aux mêmes normes qui régissent la vie moderne, il n’est pas surprenant que conférer un pouvoir absolu et une déférence absolue à quelques privilégiés puisse avoir un effet absolument corrosif. Dans cette optique, l’organisation Pertuys a fait pression sur l’Office National du Film (CNC) pour rendre obligatoires des séminaires de prévention du harcèlement pour l’ensemble des acteurs et des équipes avant chaque tournage.

Cette obligation, le fait de s’unir et de réfléchir ensemble au tournage, crée une certaine atmosphère qui contribue à déconstruire la notion de réalisateur-roi et l’organisation pyramidale construite autour de lui, explique Pertuy. En fait, s’adresser à l’ensemble de l’équipe au même niveau peut réduire considérablement la violence sur le plateau.

En même temps, le travail des CNC en 50/50 reflète un paradoxe de la lutte actuelle contre le harcèlement et de l’ampleur du défi à relever. L’ancien conseil d’administration des années 50/50 a démissionné en masse à la suite d’une plainte et d’un scandale pour agression sexuelle en 2022, tandis que le président du CNC, Dominique Boutonnat, fait toujours l’objet d’accusations ouvertes d’agression sexuelle contre lui. En décembre, le président Emmanuel Macron a défendu Depardieu dans une interview télévisée, affirmant que l’acteur rendait la France fière, tandis que la réaction médiatique contre les réalisateurs Jacques Doillon et Benoit Jacquot n’a pas encore entravé le travail à venir des cinéastes.

Le dernier long métrage de Doillon, Third Grade, a été acclamé par la Première Dame Brigitte Macron et sa sortie en France est confirmée le mois prochain, tandis que l’adaptation Belle de Jacquot de Georges Simenon, avec Charlotte Gainsbourg et Guillaume Canet, termine sa post-production et a récemment été mise en vente. à l’EFM de Berlin. Une source proche du marché raconte Variété que le film de Jacquot a déjà été vendu dans plus d’une douzaine de territoires, alors que l’image ternie par le scandale du cinéaste n’a pas dépassé les frontières françaises.

Tout cela montre que l’indignation nouvellement exprimée dans l’industrie française est le début d’un processus et non la fin d’un chapitre.

Face à une telle violence systémique, nous devons remettre en question le statu quo qui considère certains acteurs et réalisateurs comme des rois, estime Pertuy. Nous avons clairement l’obligation de nous lever et de nous exprimer, de dire que nous ne serons plus attaqués, que nous ne sommes plus invisibles et que nous ne voulons pas nous cacher. C’est là que réside la révolution.

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