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Une France dans la tourmente pleure Françoise Hardy, sa voix mélancolique et cool

C’était comme Françoise Hardy, la chanteuse et compositrice nostalgique d’une certaine mélancolie et d’un certain style français, de s’éclipser au milieu d’une tempête politique, car ce n’était jamais le bruit des luttes de pouvoir qui l’intéressait, mais plutôt un monde intérieur de solitude. , amour trahi et perte.

Alors que la France est en ébullition après la plongée soudaine du président Emmanuel Macron dans une campagne inattendue pour les élections législatives, les principaux journaux du pays ont néanmoins consacré une grande partie de leurs premières pages à la mort de Mme Hardy cette semaine à l’âge de 80 ans, saluant l’icône de la musique française. .

Pour Gabriel Attal, le premier ministre, c’est la perte de cette voix singulière d’une quiétude farouche qui berçait des générations de Français qui lui paraissait accablante. Pour Brigitte Bardot, la France a perdu avec elle un peu de cette noblesse, de cette beauté et de ce talent lumineux, de cette élégance qu’elle a transmis tout au long de sa vie.

C’était comme si le pays, à travers la vie de Mme Hardy, avait bouclé la boucle, depuis sa naissance lors d’un raid aérien dans Paris occupé par les nazis en 1944, sept mois avant la libération de la ville, jusqu’au moment où un parti d’extrême droite autrefois dirigé par un homme qui a minimisé l’Holocauste est peut-être désormais au bord du pouvoir.

Le Nouvel Obs a capté une atmosphère générale de désorientation dans le pays en écrivant que Mme Hardy errait sur la route des cœurs perdus à la fin de l’été, en fin d’après-midi. Il continue : Alors que vous partez en voyage, comment vous dire au revoir ?

C’était une pièce de théâtre sur son tube de 1968, Comment Te Dire Adieu ? (Comment puis-je vous dire au revoir ?), un riff également repris par M. Macron en lui rendant hommage. La vraie question qui planait dans l’air semblait être : à quoi la France pourrait-elle dire au revoir ?

Des élections anticipées convoquées par M. Macron après une lourde défaite face au Rassemblement national d’extrême droite de Marine Le Pen aux élections au Parlement européen pourraient conduire à ce qu’elle devienne la force dominante à l’Assemblée nationale, ce qui pourrait à son tour obliger M. Macron à rompre un accord. tabou de la Ve République en nommant début juillet un Premier ministre issu du parti de Mme Le Pens.

Mme Hardy, distinguée par le regard entendu dans ses yeux brillants et un discours souvent pince-sans-rire et à la limite du détachement, ne s’est jamais fait d’illusions sur les amères surprises de la vie. Elle a grandi avec une mère célibataire ; son père était marié à une autre femme. Le succès l’intrigue mais ne l’envoûte jamais, car elle conserve une réserve et une fragilité qui font partie de sa fascination.

Chic, élancée, élégante et terriblement insaisissable, elle a fait irruption sur scène à l’âge de 18 ans avec son tube de 1962 Tous les Garons et les Filles, qui s’est vendu à 2,5 millions d’exemplaires et l’a propulsée sur le marché. couverture de Paris Match début 1963.

D’une simplicité lyrique à couper le souffle, avec un accompagnement de guitare minimaliste, la chanson racontait la solitude d’une jeune femme regardant les jeunes couples les yeux dans les yeux, main dans la main marchant inconsidérément vers leurs lendemains alors qu’elle souffrait et se languissait.

S’il y a jamais eu la preuve que certaines choses sonnent mieux en français, cette chanson l’a fournie. Les yeux dans les yeux, la main dans la main est traduisible comme ci-dessus, mais à grands frais.

Bob Dylan était fasciné ; Mick Jagger était fasciné. Le monde nous faisait signe. Il en a été de même pour les rôles au cinéma. Elle a fait de nombreuses tournées. Les créateurs de mode et les grands photographes se sont consacrés à capturer sa beauté réticente et taquine. En 1968, elle apparaît dans une mini-robe en métal doré du créateur espagnol Paco Rabanne qui, comme tant d’autres dans sa vie, évoque le mot emblématique.

Pourtant, jusqu’au bout, Mme Hardy a emprunté un chemin solitaire. La passion était possessive, finit-elle par croire, et donc inévitablement destructrice. Dans sa chanson de 2004 Le Jardinier Bénévole (Le Jardinier Volontaire), elle a écrit : J’ouvrirai grand mes bras pour que tu puisses prendre ton envol, des mots qui ont reflété sa vision de l’amour plus profond trouvé dans la maturité.

Elle a dit un jour : « Les mélodies qui m’émeuvent le plus, qui sont les plus belles, ont forcément une part de mélancolie qui nous lie au divin.

Son mariage en 1981 avec le chanteur et compositeur Jacques Dutronc a été marqué, a-t-elle observé, par plus d’absence que de présence, mais malgré toute la douleur évidente dans de nombreuses chansons, ils n’ont jamais divorcé et sont restés en bons termes.

C’est peut-être sa chanson Message Personnel de 1973, écrite la même année que la naissance de son fils Thomas Dutronc, qui a le plus profondément touché sa solitude, ses contradictions, sa dignité et sa recherche insaisissable de l’amour :

j’ai peur que tu sois sourd
J’ai peur que tu sois un lâche
j’ai peur d’être indiscret
Je ne peux pas te dire que je t’aime peut-être
Mais si un jour tu penses que tu m’aimes
Ne pense pas que tes souvenirs me dérangent
Et cours, cours jusqu’à ce que tu sois à bout de souffle
Viens me retrouver.

Une France au bord du gouffre a perdu une partie de son essence avec la digne disparition de Mme Hardy et, dans l’effusion écrasante d’hommages qui lui étaient rendus, elle semblait chercher, au-delà de divisions aiguës, un point d’ancrage dans la mémoire commune.

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