Tour de France 2024 : Avec les incertitudes autour de Pogacar et Vingegaard, la course commence très ouverte
Le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme, aimerait que l’affiche du Tour de France 2024 ressemble à un jeu de cartes. C’est ainsi qu’il espère depuis longtemps que le 111ème aura lieu l’édition qui part le samedi 29 juin de Florence (Italie). Dominé par quatre as : le Danois Jonas Vingegaard (Visma-Lease a Bike), les Slovènes Tadej Pogacar (UAE-Emirates) et Primoz Roglic (Red Bull-Bora Hansgrohe), et enfin le Belge Remco Evenepoel (Soudal-Quick Step).
Mais le début de saison a rebattu les cartes, et le jeu de poker ressemble désormais au minchiate, une version du tarot inventée à Florence sous le glorieux règne des Médicis, un poème sur carton, riche en intrigues, où se trouvent 40 atouts, menaçants par leurs noms : le Pape et l’Espérance côtoient le Bossu, le Fou et le Pendu.
Depuis le 4 avril, date de ce qui pourrait être le prologue du Tour de France, il n’y a plus grand-chose à lire ou à prédire dans le peloton. Jusque-là, un duel semblait se dessiner, comme en 2023, entre Vingegaard, légèrement avantagé, et Pogacar, avec Evenepoel et Roglic en embuscade. Cette hiérarchie s’est effondrée ce jour-là dans une chute de peloton sur le Tour du Pays basque. Tous les favoris étaient gravement blessés, à l’exception de Pogacar, qui n’a pas pris le départ. Et si cela ne signifie pas que le Tour de France 2024 sera considérablement plus ouvert, les forces en présence sont désormais criblées de faiblesses, ou de faiblesses potentielles, selon les cas, pour atteindre l’arrivée inédite à Nice et non à Paris, en raison des Jeux olympiques du 29 juillet.
Tadej Pogacar, cible numéro un
Tout porte à croire que le cycliste invétéré va renouer avec la victoire et promet de « prendre beaucoup de plaisir ». Déjà vainqueur de deux Tours de France (2020 et 2021), le Slovène de 25 ans a écrasé le récent Giro d’Italie. Six victoires d’étapes, 10 minutes d’avance sur le deuxième et l’impression qu’il aurait pu faire encore mieux.
Pour un coureur normal, cet effort extrême serait source d’inquiétude. Mais ce jeune homme qui défie la nature a parfaitement récupéré, selon son entourage. Les premières étapes de la course, l’arrivée vallonnée dimanche à Bologne, l’ascension du Galibier mardi, etc. pourraient lui permettre d’endosser rapidement le maillot jaune.ème Le favori de l’édition 2018 pour la victoire finale est aussi le favori du public. Son principal problème sera le risque de chute. L’épisode basque du 4 avril a rappelé à tous les champions cyclistes leurs vulnérabilités ; et à tous les scénarios, même ceux qui semblent écrits d’avance, leur absolue fragilité.
Jonas Vingegaard, après la chute
Le Danois a ouvert la saison dans le même style que Pogacar. Il a pris le même plaisir à répéter ses attaques, loin de l’arrivée, à attaquer sans relâche et sans répit ; si son niveau de puissance semblait supérieur à celui de Pogacar, dans le duel que les deux hommes se livraient à distance. La chute du 4 avril (il souffrait d’un poumon affaissé, de fractures osseuses) a ébranlé bien des certitudes pour Vingegaard, 27 ans, vainqueur des deux derniers Tours de France. « Je suis déjà content d’être au départ », a-t-il déclaré, comme pour démentir les attentes placées en lui. Ses récentes sorties d’entraînement de six heures autour de Tignes (Savoie) ne laissent guère de doute sur sa compétitivité. Peut-il battre Pogacar ? Son avantage physiologique est émoussé, et pas seulement par sa chute. En théorie, le Vingegaard du Tour 2023 aurait perdu face au Pogacar du Giro 2024. Au minimum, le grimpeur danois, venu jeudi avec sa femme et sa fille, peut redresser la barre avec son équipe, elle aussi accidentogène, mais plus homogène et disciplinée que la Team UAE.
Primoz Roglic, à l’ancienne
Il manque souvent à Primoz Roglic quelque chose d’impalpable et d’indispensable dans un Tour de France, qui ne supporte pas les corps à seulement 99 %. Le quasi-vainqueur en 2020 renversé la veille de l’arrivée par son compatriote Pogacar est, à 34 ans, le plus âgé des favoris, mais c’est surtout son style de course qui semble en avoir pris un coup : un train d’équipe- des copains pour étouffer la concurrence, un ascendant pris dans le contre-la-montre, des attaques courtes dans les arrivées en montagne (quand ses rivaux osent se lancer à 60 kilomètres de l’arrivée). Le rockeur slovène, jovial discret, joue cette année l’une des dernières cartes de sa carrière. Il s’appuiera sur une équipe solide, Red Bull-Bora Hansgrohe, qu’il a rejoint cet hiver, quittant la maison de Vingegaard et gagnant ainsi sa part de liberté.
Remco Evenepoel, enfant roi
Alors que la France attend un successeur à Bernard Hinault depuis 1985, la Belgique attend depuis 1976 et Lucien Van Impe. C’est pourquoi les espoirs sont grands concernant Remco Evenepoel, 24 ans, et ses débuts sur le Tour. Pourtant, le prodige brabançon est déjà professionnel depuis cinq saisons. Spécialiste des échappées sur longue distance (comme Pogacar et Vingegaard) et maître du contre-la-montre, il a souvent une « journée sans » pendant les trois semaines de l’épreuve, ce qui fait de lui plutôt un chasseur d’étapes, un prétendant au Top. 5 et maillot blanc du meilleur jeune. Il n’en reste pas moins qu’une partie du public découvrira un nouvel acteur dans la course : celui qui divise par des mots qu’il ne mâche pas, et dont les humeurs, la générosité et les élans de sang sont capables de réveiller certains plutôt alanguis. joutes.
Lenny Martinez, le petit atout français
Il est la « promesse » du cyclisme français. Petit-fils de Mariano Martinez, ancien maillot à pois ; fils de Miguel, champion olympique de VTT en 2000 ; lui, Lenny. A 20 ans, ce vététiste surdoué est le meilleur grimpeur de France depuis Thibaut Pinot. Martinez suivra-t-il les traces dorées malchanceuses de son aîné ? Non, puisqu’il a décidé de quitter la Groupama-FDJ à l’hiver 2025, probablement pour rejoindre Bahreïn-Victorious. En raison de ce transfert, et pour ne pas déstabiliser David Gaudu, autre leader, l’équipe n’a pas souhaité engager Martinez sur le Tour. Mais il est désormais le pilote le plus fort de l’équipe. Diplomatique, il affirme viser des victoires d’étapes, mais le top 10 reste à sa portée.