Siège de Paris : les agriculteurs français encerclent la capitale avec un blocus furieux
Les agriculteurs apparaissent comme le mouvement de protestation du moment. Dans plusieurs pays d’Europe, ils ont conduit leurs moissonneuses-batteuses dans les rues pour s’opposer aux réductions des subventions et aux nouvelles réglementations, dont certaines visent à réduire les émissions liées au changement climatique.
La France, bien entendu, est profondément familière avec les manifestations. Mais alors que Paris se prépare à accueillir les Jeux olympiques cet été et que les centristes au pouvoir dans le pays se préparent à un défi de l’extrême droite lors des élections au Parlement européen, les protestations des agriculteurs pourraient être particulièrement déstabilisatrices.
Et les agriculteurs français ne semblent pas d’humeur à se laisser apaiser. Ils ont poursuivi leur protestation lundi, même après que le gouvernement ait renoncé à un projet visant à réduire les rabais accordés aux agriculteurs sur le diesel.
Le fournisseur français d’alertes trafic en temps réel, Sytadin, a coché les fermetures d’autoroutes : A1, A4, A5, A6, A10, A13, A15, A16.
Le ministre français de l’Intérieur, Grald Darmanin, a annoncé la mobilisation de 15 000 policiers. Il s’est engagé à maintenir ouverts les deux grands aéroports internationaux de la capitale, De Gaulle et Orly, et à protéger l’un des plus grands vendeurs de produits alimentaires en gros du continent, le marché international de Rungis.
Malgré la rhétorique martiale, aucune violence n’a été signalée plusieurs heures après le début du blocus de lundi. Quelques pneus et quelques bottes de foin ont été brûlés. La plupart du temps, les agriculteurs arrêtaient leurs tracteurs et jouaient aux cartes.
Que faire des agriculteurs est désormais un sujet politique brûlant dans les capitales européennes alors que leurs révoltes et leur rhétorique sont adoptés et amplifiés par des politiciens populistes, certains d’extrême droite.
Ces derniers mois, des agriculteurs ont lancé des manifestations similaires en Belgique, en Allemagne, en Pologne, en Roumanie et aux Pays-Bas. Lundi, en soutien au siège de Paris, les travailleurs agricoles ont fermé une route principale à l’extérieur de Bruxelles et l’accès au port de Hambourg.
Il y a deux semaines à Berlin, des agriculteurs venus de toute l’Allemagne avec leurs tracteurs se sont massés dans le centre-ville, près de la porte de Brandebourg, bloquant l’accès au Parlement. Ils étaient furieux du projet du gouvernement de supprimer progressivement les subventions aux carburants agricoles.
Les manifestants à Berlin ont brandi des pancartes indiquant : Si l’agriculteur meurt, le pays meurt. Certains se sont plaints aux journalistes du fait que l’Allemagne et l’Union européenne semblaient disposer de suffisamment d’argent pour l’aide étrangère mais pas assez pour leur propre population.
Aux Pays-Bas, les agriculteurs ont protesté contre la tentative du gouvernement de réduire les émissions de gaz piégeant la chaleur provenant de l’arrière de leurs vaches laitières, dans le cadre d’un conflit en cours connu sous le nom de guerre de l’azote, qui pourrait entraîner l’abattage de moitié des troupeaux. Les agriculteurs irlandais sont également en colère.
En France, les agriculteurs affirment qu’ils sont poussés à la ruine et à la faillite à cause de bureaucrates anonymes et de nouvelles réglementations, dont certaines visent à freiner le changement climatique, à cause de la réduction de leurs subventions traditionnelles sur le carburant diesel utilisé par leurs machines agricoles et à cause de la concurrence des aliments importés.
Les agriculteurs affirment que cultiver des aliments n’est pas comme fabriquer des produits et qu’en délocalisant la production alimentaire, l’Europe risque de transformer les campagnes en zones mortes bucoliques ou en décors inutilisés pour les touristes.
Les dirigeants européens poussent les agriculteurs à gagner leurs subventions en séquestrant le carbone, en utilisant moins de pesticides et d’engrais et en réservant des terres moins productives à la nature ou aux panneaux solaires. Le nombre d’insectes et d’oiseaux dans les campagnes européennes a chuté de manière drastique, un déclin inquiétant probablement lié en partie aux pratiques agricoles modernes.
La plupart des agriculteurs qui protestent en Europe sont des exploitants indépendants, et non de grandes entreprises productrices, et le grand public pourrait donc probablement sympathiser avec eux. Ce sont des problèmes de portefeuille, tant pour les consommateurs que pour les producteurs.
Les agriculteurs se rebellent également contre les tentatives des détaillants et du gouvernement de baisser leurs prix pour freiner l’inflation alimentaire.
Les agriculteurs affirment que leur mode de vie est menacé, tant en France qu’à l’étranger.
Les manifestations de lundi en France ont été menées par la Fédération nationale des syndicats agricoles et le mouvement des Jeunes agriculteurs, dont les membres ont bouleversé les panneaux routiers des villes et des villages, dans une tactique inspirée du mouvement de résistance français qui a combattu l’invasion allemande pendant la Seconde Guerre mondiale.
La rhétorique est passionnée et militante.
C’est la bataille finale pour l’agriculture. C’est une question de survie, a déclaré à l’Agence France-Presse Karine Duc, agricultrice du sud-ouest du département du Lot-et-Garonne, alors qu’elle rejoignait un convoi en direction de Paris.
L’agence de presse française a rapporté qu’une banderole sur un tracteur du convoi proclamait : Nous ne mourrons pas en silence.
Cyrille Milard, du Syndicat des agriculteurs français, s’est adressé aux journalistes à Rau, affirmant que les manifestants détenaient les huit autoroutes menant à Paris. Le site d’information Le Parisien l’a cité en ces termes : Nous bloquerons probablement jusqu’à jeudi. Si la pression n’est pas assez forte, on peut aller plus loin dans le blocage. Nous devons tenir le coup jour et nuit.
Des représentants du syndicat des agriculteurs ont rencontré lundi le nouveau Premier ministre français, Gabriel Attal, pendant plus de trois heures. Le président français Emmanuel Macron a convoqué une réunion de son cabinet avant de s’envoler pour une visite d’État en Suède.
Le palais présidentiel de l’Elyse a annoncé que Macron rencontrerait jeudi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à Bruxelles. Les deux parleront des agriculteurs.