Sécheresse persistante dans le sud de la France : « Cette fois, c’est brutal »
Daniel Aspe a ramassé la bouteille en plastique dont le goulot était découpé et s’est allongé sur le sol de la forêt. Le maire d’Escaro, un petit village des Pyrénées françaises, a plongé l’objet usé dans le trou d’égout creusé devant la prise d’eau qui alimente son village, et a chronométré le temps nécessaire pour récupérer deux litres : 14 secondes. Il a alors effectué un calcul qu’il connaît bien, multipliant les secondes par 24 heures : Le débit était encore un peu trop faible pour la consommation quotidienne des 80 habitants. « Même si on ne se lave pas pour économiser l’eau », plaisante l’élu pour surmonter son inquiétude.
En ce jour de fin avril, le soleil brillait d’or sur les flancs des montagnes. Quelques filaments de neige striaient les sommets tandis qu’en contrebas, la végétation méditerranéenne résistait. Ici et là se trouvaient des squelettes de genêts et de chênes verts, si coriaces et si assoiffés. Avec les récents vents du nord tramontane, les services locaux d’incendie et de secours avaient averti que le risque d’incendie était à son maximum.
Si le panorama baigné de lumière est magnifique, il reste quasiment inchangé : depuis deux ans, les nuages ne font que passer subrepticement, sans s’arrêter, des hauts cantons jusqu’à la plaine du Roussillon. Le déficit pluviométrique atteint 60 % certains mois, et les chutes de neige 75 % en 2023. Les arrêtés préfectoraux restreignant l’usage de l’eau se succèdent sans interruption depuis juin 2022.


Pour les habitants d’Escaro, le vrai problème vient en hiver, car, du 15 avril au 15 octobre, le village reçoit l’eau du canal Nyer. Le reste du temps, le canal appartient à des intérêts privés et est utilisé pour produire de l’hydroélectricité. Au début, le maire, ingénieur à la retraite, n’était pas très enthousiaste à l’idée d’évoquer une nouvelle fois les pénuries et les camions-citernes qui sont venus remplir son château d’eau une dizaine de fois cet hiver. C’est une question d’image pour l’ancien village minier. En février, quatre autres communes du département des Pyrénées-Orientales étaient ainsi approvisionnées, tandis qu’une quarantaine d’autres étaient étroitement surveillées.
Aspe a finalement décrit ses efforts pour sensibiliser ses électeurs, leurs efforts communs de conservation et leur chasse aux fuites. Sous le château d’eau se trouve une citerne souple, une de celles utilisées dans les pays quasi désertiques, afin de ne pas perdre la moindre goutte d’eau en cas de débordement. Il est utilisé par quelques agriculteurs et quelques chevaux. « Nous restons positifs », a déclaré le maire.
En aval, le château de Thorrent, flanqué de ses deux tours médiévales, est alimenté par une source depuis plus de 1 000 ans. Vice-président du Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes et maire de Sahorre (village de 400 habitants), Olivier Gravas (aile gauche) sa famille et ses 170 brebis en dépendent. « Je suis l’un des rares bergers nés à Neuilly-sur-Seine (l’une des banlieues les plus riches de Paris) », dit-il en riant. « Et peut-être l’un des premiers réfugiés climatiques de France si le printemps se tarit. » L’éleveur d’agneaux bio redoute l’approche de la saison estivale : y aura-t-il de quoi nourrir et abreuver son troupeau sur les contreforts du Canigou ?
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