Santé, sécurité et conditions de travail / Législation et jurisprudence en France / Second semestre 2022 | JD Supra

Ce bulletin passe en revue quatre décisions judiciaires importantes récentes en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail :

  • Le fait de ne pas dispenser une formation à la sécurité ne constitue pas une violation délibérée d’une obligation spécifique de diligence ou de sécurité équivalant à une infraction pénale (Cass. crim., 21 juin 2022, n°21-85.691 FS-B)

Un manquement manifestement délibéré à des obligations spécifiques en matière de santé et de sécurité imposées par la loi ou la réglementation, entraînant une incapacité totale d’autrui à travailler pendant une période pouvant aller jusqu’à trois mois, est une infraction pénale.

Une telle infraction survient-elle dans des circonstances où un employeur a méconnu les obligations générales qui lui sont imposées par le Code du travail d’organiser et de fournir périodiquement des informations et des formations aux travailleurs sur les risques liés au travail et les mesures nécessaires pour y remédier ?

C’est la question à laquelle la Cour de cassation a dû répondre dans le cadre d’un contentieux suite à une plainte déposée par un salarié victime d’un accident du travail sur un bateau de pêche.

La Cour d’appel a conclu que l’absence de formation à la sécurité du salarié constituait un manquement à une obligation spécifique de l’employeur car la victime était exposée à une situation dangereuse, ce qui constituait une infraction pénale.

La chambre criminelle de la Cour suprême n’était pas d’accord, car le Code du travail ne contient que des obligations générales de protection et de sécurité, et non des obligations spécifiques, et il n’est pas possible qu’une infraction pénale soit commise lorsque l’employeur méconnaît ces obligations générales.

  • Un employeur qui tolère les méthodes de gestion d’un employé ne peut pas licencier celui-ci pour faute grave due à des brimades ou à du harcèlement (Cass. soc., 12 juillet 2022, n°20-22.857 DF)

Tout employé qui se rend coupable d’intimidation ou de harcèlement est passible de mesures disciplinaires. Lorsqu’un salarié intimide ou harcèle un de ses collègues, il commet une faute, et l’employeur a l’obligation envers la victime de mettre fin aux brimades et au harcèlement en usant de son pouvoir de discipliner l’auteur.

Cependant, la réponse de l’employeur à l’intimidation ou au harcèlement dépend du degré de gravité de cette inconduite. L’intimidation ou le harcèlement justifient-ils toujours un licenciement ? L’employeur doit-il tenir compte des circonstances atténuantes qui atténuent la gravité de l’inconduite?

La Cour de cassation a répondu à ces questions dans un arrêt en date du 12 juillet 2022.

Dans cette affaire, un employé avait été licencié pour faute grave parce que les méthodes qu’il utilisait pour gérer un autre employé constituaient de l’intimidation et du harcèlement. Cependant, les juges du fond ont relevé que les supérieurs hiérarchiques du gérant connaissaient ses méthodes de management, qu’ils ne les avaient jamais condamnées, et les avaient même encouragées en raison de la mauvaise performance professionnelle perçue de l’employé victime. Les brimades et le harcèlement ayant pour origine des méthodes de management partagées et encouragées par la hiérarchie du dirigeant, la Cour suprême a estimé que ce comportement ne pouvait être entièrement imputé au salarié licencié et ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, et même moins une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

  • Un employeur n’est pas tenu de mettre en place un registre des déclarations de risques pour la santé publique ou l’environnement dans chacun des établissements de l’entreprise (Cass. soc., 28 septembre 2022, n°21-16.993 FB)

Les salariés ou les représentants du personnel qui signalent au Conseil social et économique (CSE) de l’employeur des risques graves pour la santé publique ou l’environnement sont inscrits dans un registre spécial. L’employeur est responsable de la tenue du registre et il doit être tenu à la disposition des représentants du personnel de la SEC.

La question s’est posée de savoir où ce registre devait être tenu dans les entreprises ayant plusieurs sites.

Dans cette affaire, un représentant de la SEC et un syndicat ont saisi la justice pour demander que leur entreprise, qui possédait plusieurs magasins, soit condamnée à mettre en place le registre des signalements des risques sanitaires et environnementaux dans chaque établissement de l’entreprise.

Après avoir constaté que la société ne disposait que d’une seule SEC et qu’un registre spécial était tenu à son siège social et mis à la disposition des représentants du personnel de la SEC en tant que de besoin, la Cour suprême a constaté que la société avait respecté ses obligations.

La décision est logique puisque l’objectif est que le registre soit accessible aux représentants du personnel du SEC. Mais la décision aurait pu être différente si chaque magasin avait constitué un établissement distinct disposant chacun de sa propre SEC.

  • Un employeur qui a demandé à une salariée de travailler pendant qu’elle était en congé de maladie a manqué à ses obligations en matière de santé et de sécurité (Cass. soc., 6 juillet 2022, n°21-11.751)

Les obligations d’un employeur en matière de santé et de sécurité envers ses employés sont engagées dans une grande variété de cas. Celui-ci en particulier a attiré l’attention.

Un salarié assistant d’un cabinet d’audit et de conseil a été mis en arrêt maladie de plusieurs mois. Alors qu’elle s’apprêtait à reprendre le travail à temps partiel depuis son domicile, son employeur lui a proposé de travailler sur deux dossiers, ce qu’elle a fait.

Elle réclame alors une indemnisation pour le manquement de l’employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité. Sa demande a été rejetée par les juges de première instance.

Cependant, la Cour suprême a fait droit à son recours, a réaffirmé qu’un employeur n’a pas le droit de faire travailler un salarié pendant un arrêt de travail et a conclu qu’un employeur qui demande à un salarié de travailler pendant un arrêt de travail engage sa responsabilité civile pour atteinte à ses droits de santé et obligations de sécurité. Ceci s’applique même si le travail est présenté comme une proposition de l’employeur qui est acceptée par l’employé.

Toutefois, les demandes d’informations rapides adressées par l’employeur au salarié pendant un congé de maladie afin d’assurer le bon fonctionnement continu de l’entreprise ne sont pas considérées comme du travail et sont donc autorisées.

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