Revue de livres de Los Angeles
Ptain était un véritable héros national, le général triomphant de la Première Guerre mondiale à Verdun, qui déclara à ses compatriotes en 1940 qu’un armistice avec l’Allemagne hitlérienne serait dans le meilleur intérêt de la nation et ne serait pas déshonorant.
Et cette population, dit solennellement Blum, croyait ce qu’on lui disait parce que l’homme qui avait prononcé ces paroles parlait avec l’autorité de son grand passé militaire, au nom de la gloire et de la victoire, au nom de l’armée, au nom de l’armée. d’honneur. Il a poursuivi : « C’est donc pour moi le problème clé : l’abus massif et atroce de la confiance morale. Oui, je pense que cela peut s’appeler une trahison.
De ce témoignage, écrit un journaliste français, la voix chevrotante de Blum nous replonge soudain dans l’instant qui reste pour nous une blessure non cicatrisée. Il a fallu être témoin des larmes de Blum pour ressentir avec autant d’acuité tout ce que nous avons souffert.
Un jury français a reconnu Ptain, 89 ans, coupable de trahison et l’a condamné à la peine de mort. En raison de son âge avancé, la peine a été commuée en prison à vie. Cet événement marquant, considéré comme le plus grand procès de l’histoire, fait l’objet d’un nouveau livre exceptionnel. La France en procès : le cas du maréchal Ptain, de l’auteur primé Julian Jackson. Un récit très détaillé du procès lui-même est présenté dans les deux premières parties du livre, tandis que la section finale propose un examen douloureux du rôle du régime de Vichy dans l’Holocauste.
Revenir sur le procès de Ptain, écrit Jackson, n’est pas la même chose que le rouvrir. C’est une occasion fascinante de regarder les Français débattre de leur histoire. Leur compréhension de l’histoire de Vichy était très différente en 1945 de celle qu’elle allait devenir dans les décennies suivantes.
Né en 1856, Ptain était colonel au début de la Première Guerre mondiale en 1914, avant d’être promu commandant de l’armée après seulement 18 mois. Excellent tacticien, il a fourni un leadership calme et inspirant aux soldats français paniqués à Verdun peu après l’attaque allemande initiale fin février 1916. Sa stature mythique, écrit Jackson, était également soutenue par son apparence : yeux bleus perçants, cheveux blancs comme neige, et son célèbre visage de marbre (visage le marbre).
Au cours des années 1930, Ptain considérait le communisme comme la plus grande menace pour la France et se sentait de plus en plus attiré par les régimes autoritaires. En 1940, il accusait les hommes politiques français d’avoir entraîné la France dans la guerre contre Hitler, disant au peuple français : « Je déteste les mensonges qui vous ont fait tant de mal. Ptain a défendu la collaboration avec l’Allemagne nazie comme étant essentielle à la protection des citoyens français. Son rival politique Charles de Gaulle considérait Ptain comme un grand homme détruit par l’ambition, ajoutant qu’il n’avait pas pris le pouvoir en 1940 avec des intentions très louables. Le journaliste américain William Shirer écrit que, durant les années de Vichy, Ptain est devenu, comme Hitler, la loi elle-même, emprisonnant les hommes, notamment les dirigeants de la Troisième République, sans procès.
Étonnamment, le traitement réservé aux Juifs par le gouvernement de Vichy n’a pas été un facteur principal dans le verdict. Ce fait, écrit Jackson, est devenu incompréhensible à la suite d’un changement majeur dans la perception du public quant à l’importance de l’Holocauste. Au cours du procès, apprend-on, le tribunal a accordé plus d’attention à un seul document relatif au débarquement allié à Dieppe en août 1942 qu’au fait qu’au cours du mois où il a été envoyé ou non, plus de 11 000 hommes, femmes et enfants juifs ont été arrêtés par les Français. police de la zone non occupée de France en vue de sa déportation vers Auschwitz.
Dans les mois précédant le procès, l’attitude du public à l’égard de Ptain avait commencé à changer. En septembre 1944, seuls trois pour cent des Français estimaient qu’il méritait la peine de mort. En mai 1945, après la fin de la guerre en Europe, ce chiffre était de 44 pour cent. Mais les poursuites contre Ptain se sont avérées plus difficiles que prévu. Depuis le début, il a soutenu qu’il avait été contraint d’accomplir un travail désagréable mais nécessaire, déclarant en 1944 : Si je ne pouvais plus être ton épée, j’ai voulu être ton bouclier. Son talentueux avocat, Jacques Isorni, estimait, selon Jackson, que Ptain entretenait toujours une emprise émotionnelle sur les Français () et que s’il était coupable, la France toute entière l’était aussi. Jackson, qui maîtrise parfaitement les nuances de ce procès, laisse entendre qu’Isorni était peut-être le plus efficace de tous les avocats des deux côtés de l’affaire.
L’accusation a suggéré, de manière peu convaincante, que Ptain avait été impliqué dans un complot d’avant-guerre contre le gouvernement français. Mais ils ont présenté un témoignage accablant selon lequel Ptain avait soutenu les efforts d’un groupe paramilitaire qui luttait contre la Résistance. Patiemment, point par point, écrit un observateur des principaux procureurs dans ses remarques finales, il tisse le filet qui encercle, piège puis étouffe l’accusé. Le fait de s’appuyer sur l’odieux homme politique de Vichy, Pierre Laval, qui sera finalement jugé, condamné et exécuté pour ses crimes plus tard en 1945, n’a pas aidé son cas. Laval, qui disait en 1942, je souhaite la victoire de l’Allemagne, dira plus tard à la cour, j’ai briefé (Ptain) pleinement, dans la mesure de mes moyens, j’ai tenu compte de ses avis. Bien entendu le Maréchal était au courant. Lors d’une réunion en juillet 1942, Laval qualifia les Juifs étrangers en France de déchets (déchets) envoyé par les Allemands.
Aucune victime de l’Holocauste n’a été invitée à témoigner. La véritable ampleur des atrocités commises par Vichy ne deviendra apparente que de nombreuses années plus tard. Jackson invoque les travaux de l’historien Robert Paxton, qui montra en 1972 que les premières politiques répressives du régime de Vichy, y compris la persécution des Juifs, étaient entièrement d’origine locale et non le résultat de la pression allemande. Pendant toute la guerre, 74 182 Juifs vivant en France sont morts pendant l’Holocauste, Auschwitz étant la destination d’environ 70 000 d’entre eux. Près de 2 000 des victimes avaient moins de six ans. Seuls 2 564 Juifs déportés ont survécu.
Vers la fin de ce livre qui fait autorité, Jackson présente un réquisitoire sans ménagement : selon l’interprétation la plus défavorable, Vichy a aidé aux arrestations allemandes en 1942 parce qu’il y voyait une opportunité de débarrasser la France des Juifs étrangers qui étaient largement considérés comme un fardeau. Une interprétation un peu moins défavorable, poursuit-il, est que Vichy aurait aidé les Allemands parce que, pour un régime saturé de préjugés antisémites, sauver les Juifs était moins une priorité que de maintenir l’illusion de souveraineté par la politique de collaboration. C’était le crime de Vichy.
Jackson conclut en déclarant : L’affaire Ptain est close. Il en prend pour preuve la défaite en avril 2022 du candidat à la présidentielle française Eric Zemmour, éminent défenseur du régime de Vichy. Jackson a peut-être raison en ce qui concerne l’héritage de Ptain en particulier, même si l’attrait populaire de dirigeants autoritaires comme lui continue de constituer une menace pour les démocraties occidentales. Peu de temps après la défaite de la France en 1940, l’ambassadeur américain en France a raconté que Ptain suggérait que ce serait une bonne chose pour la France si les parlementaires qui avaient été responsables non seulement de la politique qui avait conduit à la guerre mais aussi du relatif manque de préparation de la France devrait être éliminé du gouvernement français. La croyance selon laquelle les institutions démocratiques étaient incapables de résoudre les problèmes les plus difficiles de la guerre et de la paix reste largement répandue aujourd’hui.
John Reeves est l’auteur de Soldat du destin : esclavage, sécession et rédemption d’Ulysses S. Grant (2023) et Un incendie dans le désert : la première bataille entre Ulysses S. Grant et Robert E. Lee (2021). Vous pouvez en savoir plus sur lui sur john-reeves.com.