Relations Trikiye-France : Réinitialiser l’entente pour la stabilité, la paix | Opinion

Historiquement, les relations franco-turques ont évolué vers une détente cordiale, mais au lendemain de l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP) en 2002, cette dynamique s’est transformée en une dynamique conflictuelle. La nouvelle politique étrangère établie par la direction du parti AK se concentrait sur la réalisation du prestige régional et international de Trkiye et remettait ainsi en question les concepts intellectuels et sociaux de la relation turco-française.

Cette nouvelle direction du parti AK a été construite sur un récit abstrait que ni la politique locale ni internationale ne pouvait avaler. Les dirigeants d’Ankara, sous la direction du président Recep Tayyip Erdoan, ont changé la trajectoire des relations étrangères turques en se basant sur une stratégie de rééquilibrage du pays au niveau régional au Moyen-Orient, d’une part, et dans la sphère européenne/occidentale, d’autre part. .

Ce paradigme politique est adopté par l’Europe occidentale, ainsi que par les dirigeants et les élites politiques françaises, qui l’utilisent pour affirmer que Trkiye n’appartient pas à l’Europe. Le cliché de l’élite française, des médias, des dirigeants politiques et militaires qui voient aujourd’hui Trkiye comme un État rival religieux impérial en plein essor a fait beaucoup de mal aux relations entre les deux pays ces derniers temps.

Compétitivité géopolitique

La compétitivité géopolitique a commencé à tendre les relations entre les deux pays. Des désaccords sont apparus il y a des décennies sur la question de la pleine intégration de Trkiye dans l’Union européenne. L’ancien président français Nicolas Sarkozy s’est opposé avec véhémence à la pleine adhésion de Trkiyes, affirmant que ce grand pays musulman n’est pas européen ! Le même sentiment a été exprimé il y a quatre décennies par le président Valéry Giscard d’Estaing.

Par conséquent, une grande majorité de Turcs, élites et politiciens confondus, ont compris ce qui se passait : la question n’est pas de géographie, c’est de religion.

Sarkozy a proposé, à la place, un partenariat privilégié pour préserver les relations stratégiques entre les deux pays. Le président sortant Emmanuel Macron marche dans les pas de ses prédécesseurs en assumant pleinement son opposition à l’intégration de Trkiyes à l’UE. Macron, cependant, a suggéré la création d’une proposition de Communauté politique européenne en mai dernier à Strasbourg au Parlement européen alors que les législateurs débattaient de l’ambition de l’Ukraine de devenir candidate à l’UE. Il ne s’agissait pas de remplacer les politiques et les instruments de l’UE, mais plutôt d’établir des réunions régulières sur des sujets clés pour stabiliser le continent européen, a déclaré le président Macron lors de son voyage en Moldavie.

Il n’a pas évoqué Trkiye, qui pourrait rejoindre ce club européen sorte de championnat de deuxième division. Ankara est un aspirant de longue date à l’UE qui siège aux côtés de nombreux autres pays européens au sein de l’OTAN, mais Macron a insisté sur le fait que le forum ne serait réservé qu’aux pays qui partagent les valeurs démocratiques de l’UE.

Dans cette relation controversée entre les deux pays, un style rhétorique de Macron dirigé contre Erdoan est en hausse et a un impact supplémentaire sur les relations.

Macron a mis la barre haute. Il est en concurrence avec Erdoan à la lumière de la guerre en cours en Ukraine et souhaite désespérément avoir un appel cordial avec le président russe Vladimir Poutine, alors qu’Erdoan s’est positionné comme un médiateur crédible et digne de confiance dans la guerre en Ukraine au début du conflit.

En juillet dernier, Trkiye a joué un rôle majeur aux côtés du secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, alors que la Russie et l’Ukraine ont conclu un accord sur les céréales à Istanbul pour débloquer les exportations ukrainiennes de la mer Noire après qu’un blocus russe a fait craindre une crise alimentaire mondiale.

Erdoan continue de défier la politique de Macron vis-à-vis de la communauté musulmane en France. Macron et son ministre de l’Intérieur ont récemment pris des décisions audacieuses à cet égard au nom des principes sacro-saints de la laïcité française.

Lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue français à Ankara le 5 septembre, le ministre des Affaires étrangères Mevlt avuolu a souligné les problèmes de la communauté turque et musulmane en France et les retards dans la délivrance de visas aux citoyens turcs. Le ministre a également souligné le fait que les opinions divergentes des deux pays ne devraient pas être un obstacle à la collaboration.

Intérêts communs

Il y a d’autres questions sur lesquelles les dirigeants turcs et français ne pouvaient pas s’entendre qui sont venues au premier plan. Par exemple, l’activisme de la diaspora arménienne en France pour la reconnaissance du génocide, surtout après que Macron a instauré une journée de commémoration. La question kurde est un autre exemple, celui que Paris considère à travers le prisme de son soutien moral aux minorités, tandis qu’Ankara y voit un grave problème de sécurité intérieure et d’intégrité territoriale nationale.

Cependant, il existe des éléments communs qui renforcent leurs relations, comme leur rôle en tant que deux puissances stabilisatrices régionales fortes en Méditerranée. Toujours dans leur lutte mondiale contre les groupes terroristes supranationaux, les deux pays considèrent leurs impératifs de sécurité nationale comme liés à la guerre civile syrienne. En ce qui concerne la Libye, la France apparaît perdue en raison de la dynamique complexe des conflits, laissant Paris en mode panique et inefficace. Cependant, les deux pays pourraient servir de voix fortes pour mettre fin à la crise de la guerre civile libyenne. Enfin, il y a l’épineuse question des migrants et comment Ankara pourrait jouer un rôle majeur pour arrêter l’afflux de centaines de milliers de migrants vers l’Europe.

La tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 à Trkiye avait accéléré la perte de confiance des Turcs envers la France, les Européens et l’Occident en général. Un autre point de discorde entre Ankara et Paris est le rôle croissant de Trkiye en Afrique, une région que Paris considère toujours comme son arrière-cour protégée. La politique étrangère active d’Ankara en Afrique s’aligne sur la montée du sentiment anti-français dans le Sahel africain et dans les pays du Maghreb comme l’Algérie. Pendant ce temps, Paris s’inquiète du dernier rapprochement stratégique Algérie-Trkiye.

Un rapprochement qui pousse encore plus Ankara à placer ses pions en Méditerranée et sur le continent africain. Autre stratégie vers laquelle Paris penche, le nouvel axe MedEast : Grèce-Chypre et Egypte-Israël.

Cette compétition pour le pouvoir met paradoxalement en lumière les rôles complémentaires des deux pays qui agiraient plus efficacement en partenaires qu’en adversaires. La puissance de la diplomatie turque est réelle. Ankara a fait ses preuves sur la scène politique internationale grâce à son paradigme diplomatique humanitaire et à sa solide compréhension des affaires mondiales du XXIe siècle. Ces doctrines façonnent l’intégralité des principes et des objectifs de la politique étrangère de Trkiyes, tant au niveau régional qu’international.

Bayraktar TB2

À cela s’ajoutent la croissance et les développements rapides des forces armées turques (TSK), une influence nécessaire dans la région hostile imposée par la géographie et l’histoire de Trkiyes. De plus, les développements du pays en matière de technologie de combat sans pilote, comme le Bayraktar TB2, font la fierté de tous les Turcs, et de nombreux pays expriment le désir de l’acquérir. Comme le disait un titre du journal Le Monde : Ça se vend comme des croissants (a se vent comme des croissants).

D’un point de vue économique, Trkiye est pleinement intégrée dans la sphère européenne. Son premier partenaire économique est l’Allemagne. Ankara est parfaitement positionnée pour jouer sur les différences entre les membres de l’UE pour affirmer sa position face à l’UE fragile.

En résumé, en réfléchissant sur les relations passées, les deux nations ont généré une compétition, et parfois une rivalité, en raison de la politique locale post-moderne et de la géopolitique régionale. Les relations France-Trkiye sont anciennes comme le système international de la paix de Westphalie. Les diplomates se souviennent toujours de l’alliance de revers conclue en 1536 entre le roi de France François Ier et le sultan ottoman Soliman le Magnifique. Montrant à la fois leur caractère non conventionnel pour le bien de leurs nations et l’intérêt de leurs peuples dans un désordre tumultueux des affaires mondiales.

Pourquoi Macron ne lit-il pas cette lettre envoyée par le roi François Ier au sultan Suleiman afin de mieux comprendre le rôle de premier plan d’Erdo dans la région ? Ou préfère-t-il la campagne de Napoléon Bonaparte dans l’histoire d’Egypte ?

L’histoire est parfois comme la vraie vie, elle préfère les bonnes histoires.

*Expert Afrique du Nord au Centre d’Etudes Stratégiques du Moyen-Orient (ORSAM)

LAllemagne la France et Trikiye soutiennent les efforts pour resoudre

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