Qui est Jordan Bardella, le chouchou de l’extrême droite française ?
Jordan Bardella a un sourire et un selfie pour tout le monde.
Dans les publications régulières sur TikTok adressées à ses 1,3 million de followers, le leader d’extrême droite en quête du poste de Premier ministre français apparaît comme un homme politique amical aux côtés de partisans en liesse.
Le leader du Rassemblement national (RN), âgé de 28 ans, aux côtés de la militante politique Marine Le Pen, est en lice pour la victoire aux élections législatives anticipées françaises des 30 juin et 7 juillet, convoquées par le président Emmanuel Macron après une défaite écrasante aux élections européennes de ce mois.
Les sondages laissent penser que le RN va recueillir la plus grande part des voix. Mais dans sa campagne fulgurante, il réclame plutôt une majorité absolue pour gouverner sans partenaires.
Il a promis de redonner confiance en la France et en sa grandeur.
Le manifeste des RN, dévoilé lundi, expose son plan.
Les principaux piliers sont la réduction de l’immigration clandestine, l’augmentation du pouvoir d’achat en réduisant les taxes sur l’énergie et l’exercice d’une plus grande autorité sur les écoles.
Il a également cherché à rassurer les électeurs sur le fait que son parti, perçu comme proche de la Russie, continuerait à soutenir l’Ukraine tout en s’opposant à la fourniture d’armes à longue portée.
Les élections anticipées, le pari le plus risqué de Macron, pourraient ouvrir la voie à une période de cohabitation inconfortable entre un Premier ministre d’extrême droite en charge de l’agenda intérieur et un président libéral supervisant les affaires étrangères.
Si aucun parti ne remporte la majorité, le vote pourrait paralyser le Parlement.
Bardella, qui a présenté sa candidature comme la seule alternative à sept années de mécontentement à l’égard de la direction de Macron, profite au maximum de cette opportunité pour gouverner.
En trois mots : nous sommes prêts, a-t-il déclaré à ses partisans cette semaine.
Une ascension fulgurante au pouvoir
Ayant grandi dans la banlieue de Seine-Saint-Denis, une banlieue parisienne, Bardella affirme avoir été personnellement témoin de l’anarchie que l’immigration incontrôlée a amenée en France.
Les banlieues, quartiers populaires autour de Paris diabolisés par la droite, abritent souvent de nombreux Français d’origine africaine.
J’ai vu ces territoires perdus de la République française devenir des conquêtes de l’islamisme, disait-il lors d’un rassemblement en 2022. J’ai ressenti, comme vous et comme des millions de Français, la douleur de devenir étranger dans son propre pays.
Né de parents d’origine italienne, Bardella a fréquenté une école semi-privée catholique, le seul établissement de Saint-Denis où un enseignant ne risquait pas de se faire jeter une chaise à la tête, comme il l’a décrit dans un entretien au quotidien français Le Monde.
Son père Olivier, dont la mère était algérienne, dirigeait une entreprise de distribution de boissons et quitta le foyer alors que Bardella était enfant.
Selon une biographie écrite par le journaliste Pierre-Stéphane Fort, Bardella a rejoint le RN en 2012, à 16 ans, après avoir passé trois semaines à supplier sa mère de lui accorder l’autorisation parentale de rejoindre le parti de Le Pen.
Il s’est brièvement inscrit à un cours de géographie de premier cycle avant d’abandonner pour se concentrer sur sa carrière politique.
En 2014, il devient représentant du parti pour la Seine-Saint-Denis. Il s’est fait connaître pour la première fois en suspendant son camarade de parti et ancien ami, le conseiller local Maxence Buttey, à la suite de l’annonce publique de Buttey selon laquelle il s’était converti à l’islam.

Bardella eut plus tard une relation amoureuse avec Kerridwen Chatillon, la fille de Frédéric Chatillon, un ami et confident de Le Pen qui le présenta au chef du parti.
Il devient le protégé de Le Pens et, à 21 ans, est nommé porte-parole du parti.
En 2019, Le Pen lui confie la conduite de la liste du parti aux élections européennes, remportées par le RN, offrant aux eurosceptiques un siège parlementaire à Bruxelles.
L’ascension fulgurante de Bardella s’est poursuivie en 2022, lorsqu’il a été couronné président du RN par Le Pen alors qu’elle recentrait ses énergies sur sa tentative de remporter la prochaine élection présidentielle en 2027.
« Une fois que nous serons aux commandes, les bateaux d’immigrés dirigés par la mafia des trafiquants d’êtres humains n’auront plus le droit d’accoster dans les ports français », a-t-il déclaré après son élection. « Notre pays n’a pas vocation à être l’hôtel du monde ».
Des manières douces, des opinions dures
Le candidat, posé et doué en médias sociaux, a depuis dirigé la refonte de l’image du parti, rompant avec les gaffes racistes et les tons antisémites du prédécesseur du parti, le Front national, et présentant une image plus acceptable à l’électorat modéré.
Bardella a cherché à rassurer les électeurs français avec son look rasé de près et son attitude douce.
Nous sommes crédibles, responsables et respectueux des institutions françaises, a-t-il déclaré en présentant son manifeste.
En se connectant avec les jeunes via les réseaux sociaux, il gagne du soutien, en particulier parmi une grande partie des électeurs traditionnellement antipathiques envers Le Pen, 55 ans, et son père, Jean Louis Marie, fondateur du mouvement dans les années 1970. Le Pen père a été reconnu coupable de discours de haine pour avoir qualifié les chambres à gaz nazies de détail de l’histoire et a tenu une série de commentaires racistes offensants.
Bardella fait partie de la stratégie de normalisation du parti, a déclaré à Al Jazeera Sébastien Maillard, chercheur associé à Chatham House. Son nom n’est pas Le Pen, il n’a jamais été impliqué dans aucune controverse et était très prudent dans ce qu’il disait.
Mais même si elles sont reconditionnées, les opinions fondamentales de l’extrême droite restent intactes.
Il est temps de libérer le thème de l’immigration des clichés sociaux, a déclaré Bardella. Le problème de l’extrême gauche, c’est l’abolition des frontières, qui laisse notre pays sans défense. Cela conduira à une saturation de nos services sociaux et à un recul de notre identité française.
Le RN prévoit d’expulser les étrangers auteurs d’un délit, de supprimer le droit à la nationalité pour les 11 à 18 ans résidant sur le sol français depuis au moins cinq ans, de sabrer dans le budget social en limitant les dépenses sociales aux citoyens français et d’exclure les binationaux. des métiers sensibles de la défense et de la sécurité.
Il s’engage à introduire une loi contre les idéologies islamistes, mais n’a pas précisé davantage ce projet.
Un appel aux Français
Bardella a également exprimé son intention de mettre fin au droit du sol, malgré les avertissements des experts selon lesquels cette mesure ne passerait pas le test de constitutionnalité, sauf par référendum.
Il a promis une refonte du système éducatif pour restaurer l’autorité de l’État dans les écoles. Cela comprend des sanctions plus sévères pour les mauvais comportements, ainsi que des mesures pour expulser les élèves perturbateurs ou les tyrans des salles de classe et les relocaliser dans des centres spéciaux nouvellement créés. Il veut interdire les téléphones portables dans les écoles et réintroduire le port de l’uniforme et le « vous » respectueux pour s’adresser à un professeur.
Sur le plan économique, il s’est engagé à s’attaquer à la crise du coût de la vie et à réduire les taxes sur l’énergie pour aider les gens à joindre les deux bouts. Il n’a pas précisé où il trouverait les fonds nécessaires pour soutenir cette initiative.
Le parti s’est éloigné de certaines de ses positions plus anciennes et plus controversées, notamment le Brexit, la sortie de la France de l’Union européenne et la sortie de l’alliance atlantique de l’OTAN, tout en exploitant la peur des électeurs à l’égard des migrants et leur mécontentement à l’égard de Macron.
Cette stratégie de partage, a déclaré Maillard, faisant allusion à la tentative de paraître présentable au Parlement, a permis de gagner de nouveaux électeurs RN.
Selon Maillard, la décision de Macron de convoquer des élections anticipées vise à forcer le RN à présenter un plan clair, plutôt que de miser sur le mécontentement envers le gouvernement.
Macron veut que le RN prouve s’il est vraiment prêt (à gouverner), a déclaré l’analyste.
Et c’est aussi un appel aux Français à répondre à la question : le voulez-vous vraiment ?