Que s’est-il passé lors des élections surprises en France ? – BBC News
- Auteur, Paul Kirby
- Rôle, BBC News à Paris
Personne ne s’attendait à ça. Un drame, certes, mais un choc.
Lorsque les images ont été diffusées sur toutes les grandes chaînes françaises, ce n’était pas l’extrême droite de Marine Le Pen et de son jeune Premier ministre en lice Jordan Bardella qui étaient en course pour la victoire.
C’est la gauche qui l’a emporté, et les centristes d’Emmanuel Macron – l’alliance Ensemble – ont réalisé un retour inattendu, repoussant le Rassemblement national (RN) d’extrême droite à la troisième place.
Jean-Luc Mlenchon, le vétéran de la gauche perçu par ses détracteurs comme un extrémiste, n’a pas perdu de temps pour proclamer sa victoire.
« Le président doit appeler le Nouveau Front populaire à gouverner », a-t-il déclaré à ses partisans sur la place Stalingrad, insistant sur le fait que M. Macron devait reconnaître que lui et sa coalition avaient perdu.
Son alliance, constituée à la hâte en vue de l’élection surprise du président Macron, comprend son propre parti radical, la France insoumise, ainsi que des Verts, des socialistes, des communistes et même des trotskistes. Mais leur victoire n’est nulle part assez importante pour gouverner.
La France va se retrouver avec un parlement sans majorité absolue. Aucun des trois blocs ne parvient à former à lui seul une majorité absolue de 289 sièges sur les 577 que compte le Parlement.
Aussitôt son discours prononcé, M. Mlenchon s’est rendu sur une place beaucoup plus grande, la place de la République, pour célébrer son succès devant une foule de 8 000 personnes, selon les chiffres de la police.
Pour les partisans du Rassemblement national, le champagne a vite tourné à l’aération lors de leur fête ratée dans le bois de Vincennes, au sud-est de Paris.
Il y a une semaine à peine, on parlait toujours d’une possible majorité absolue, et Marine Le Pen et Jordan Bardella évoquaient encore leurs chances quelques jours avant le vote.
Marine Le Pen a fait bonne figure. « Il y a deux ans, nous n’avions que sept députés. Ce soir, le RN est le premier parti de France en nombre de députés. »
Lors de la dernière législature, ils avaient 88 députés et maintenant ils sont plus de 140, donc elle avait raison. Et aucun autre parti n’a plus de 100 députés, car les Macronistes et le Front populaire sont tous deux des coalitions.
Jordan Bardella a déploré que son parti ait été mis à mal par des « alliances de déshonneur » contre nature, forgées par un « parti unique » constitué du camp Macron et de la gauche. Il n’avait pas tort sur cette alliance contre nature, mais elle n’est que temporaire et de circonstance.
Plus de 200 candidats qui se considéraient comme faisant partie d’un « front républicain » se sont retirés du second tour afin qu’un rival mieux placé puisse empêcher le RN de gagner.
Même la sœur cadette de Marine Le Pen, Marie-Caroline, n’a pas été en mesure d’offrir la moindre lueur de bonne nouvelle de sa propre bataille électorale autour du Mans.
Sa tentative d’entrer au Parlement a échoué de seulement 225 voix, défaite par la candidate de M. Mlenchon, Elise Leboucher, après le retrait du candidat Macron.
La participation, à 66,63 %, a été la plus élevée lors d’un second tour des législatives depuis 1997. Même si le vote RN s’est maintenu, il a dû cette fois faire face à des votes non RN souvent utilisés de manière tactique pour créer un « barrage » ou un blocage contre lui.
Partout en France, le RN perdait les seconds tours qu’il devait gagner.
Certains de leurs candidats n’étaient pas très attrayants.
Il y a eu la femme qui promettait d’arrêter de faire des blagues racistes si elle était élue dans le Puy-de-Dôme ; et puis il y a eu le jeune homme mal équipé de Haute-Savoie, dans le sud-est, qui a participé à un débat télévisé avec son rival centriste et n’a presque rien dit de sensé.
Ils ont tous deux perdu, mais ils reflètent la grande avancée du RN dans les zones rurales.
Le RN a recueilli 32% des voix – 37% avec ses alliés de droite – et pour plus de 10 millions d’électeurs, un tabou a été brisé.
A Meaux, à l’est de Paris, le RN l’emporte mais de peu.
Après avoir voté, Claudine a déclaré que les gens qu’elle connaissait avaient tendance à ne pas admettre avoir voté RN, à moins qu’ils ne soient accompagnés d’amis proches.
Avant l’annonce des résultats à 20 heures, les spéculations allaient bon train sur la possibilité pour le président Macron de prendre la parole. La rumeur courait qu’il était allé à une réunion 90 minutes plus tôt.
Gabriel Attal, son Premier ministre en difficulté, a finalement semblé donner la réponse du gouvernement.
Il y a quatre semaines, il était assis, le visage impassible et les bras croisés, en face du président tandis que M. Macron révélait son plan électoral.
Il a maintenant annoncé qu’il remettrait sa démission à son patron demain matin, mais qu’il resterait en poste aussi longtemps que son devoir l’exigerait.
M. Attal doit s’envoler mardi soir pour une réunion de l’OTAN à Washington. Il est difficile d’imaginer qu’il soit remplacé dans l’immédiat.
La France est entrée dans une période d’instabilité politique sans issue évidente. On a parlé de troubles dans les rues, mais seuls quelques incidents ont été signalés à Paris et dans des villes comme Nantes et Lyon,
Tous les regards sont désormais tournés vers le président, qui devra trouver une issue à cette impasse.
La nouvelle Assemblée nationale doit se réunir dans dix jours, mais les Jeux olympiques de Paris commencent le 26 juillet et la France aurait besoin d’une période de calme.
Le journal de gauche Libération a résumé toute la soirée avec le titre C’est Ouf.
C’est un soulagement pour eux que les électeurs aient mis un terme à la tentative de RN de prendre le pouvoir. Mais cela signifie aussi, en français courant, « c’est fou ».