Pour Frances Left, le radicalisme démocratique de Robespierre est plus que jamais nécessaire
Antoine Laument
On me critique parfois au motif que, si c’est bien de défendre le drapeau tricolore et le Marseillaise, nous finissons par devenir nationalistes plutôt qu’internationalistes. Pour moi, la nation n’a de sens que dans le contexte de l’internationalisme. Nous ne voulons pas qu’il y ait de différences entre les Français et les autres peuples, précisément parce que ce que disent les principes républicains, c’est que nous sommes frères avec les autres peuples et qu’il faut trouver les moyens de travailler ensemble démocratiquement. En fin de compte, l’objectif reste le même : abolir la société capitaliste. Je n’ai pas abandonné cela pour défendre le drapeau tricolore. Nous devons donc nous unir, collectivement, au-delà des frontières, pour mettre fin à ce système et créer une solidarité qui n’exclut pas mon prochain simplement parce qu’il est de l’autre côté d’une frontière.
La Constitution de 1793 stipule qu’aucune génération n’a le droit d’asservir les générations futures et que chaque génération a le droit de réviser sa constitution. Comme vous l’avez dit, la Constitution de 1958 est issue d’un coup d’État. Nous voulons le réviser, car c’est un document quasi monarchique, avec des articles comme le 49.3 qui permettent au gouvernement d’adopter des lois sans vote parlementaire. Nous voulons une constitution véritablement républicaine qui donne la priorité à la souveraineté populaire et à la fraternité des peuples que j’évoquais plus tôt, selon les mots de Mirabeau.
Encore une fois, il existe des moyens de se tourner vers l’histoire de France pour trouver des éléments qui puissent exprimer cela. J’ai découvert dans un de vos articles qu’à l’issue du congrès de la IIe Internationale tenu le 14 juillet 1889 à l’occasion du centenaire de la Révolution française, ils allaient chanter le Marseillaise devant les tombes des Communards. Pour moi, cela résume ce qu’est l’histoire de France. De même, lors de la Commune de Paris en 1871, les Communards chantaient le Marseillaiseparce que c’était un chant révolutionnaire de liberté qui avait été interdit par Napoléon III comme hymne factieux.
Il existe donc un lien fort entre la grande histoire du socialisme révolutionnaire et internationaliste français et les symboles plus strictement nationaux de la République française. Je crois que c’est aussi le moyen de construire une véritable politique internationale, fondée sur notre propre histoire. Qui nous sommes et ce que nous avons fait sur le territoire étroit de la France métropolitaine, et dans l’espace beaucoup plus vaste des territoires d’outre-mer, avec toutes les questions que cela soulève sur la manière dont il s’y est construit. Mais en même temps, nous voulons mettre l’accent sur la partie de cette histoire nationale qui parle au monde et sur la partie du monde qui nous parle. Cette histoire française s’inscrit dans une histoire globale et dans une histoire progressiste qui semble désormais s’orienter dans l’autre sens. Mais en promouvant ces valeurs, en rappelant aux gens qu’ils avaient plus de droits qu’aujourd’hui, nous pouvons aussi parler au monde d’une manière meilleure que ce que fait Emmanuel Macron, surtout quand on voit la façon dont il parle avec dédain envers Chefs d’État africains.
En tout cas, je suis heureux qu’un magazine américain porte le nom d’un mouvement révolutionnaire français, qui est aussi lié à l’histoire américaine puisque les révolutionnaires des deux côtés de l’Atlantique ont travaillé ensemble. Il y a eu des échanges culturels, pour ainsi dire, entre les Révolutions américaine et française. Je crois que c’est en bâtissant sur ces fondations que nous pourrons répondre aux enjeux démocratiques, sociaux et écologiques d’aujourd’hui. Ils sont nécessairement de nature internationale et devront être résolus par des solutions internationalistes.