Pollution de l’air : l’État français à nouveau condamné – Air pur / Pollution – France

Après avoir enjoint l’État français en 2017 de se conformer aux normes de qualité de l’air, et en 2021 de payer une astreinte de 10 millions d’euros pour la période du 11 janvier au 11 juillet 2021, le
Conseil d’Etat (Cour suprême administrative) l’a condamnée au paiement de deux nouvelles astreintes de 10 millions d’euros chacune pour les deux périodes de juillet 2021 à janvier 2022 et de janvier à juillet 2022 pour non-respect persistant de la limite de concentration autorisée en dioxyde d’azote.

Il convient de rappeler au préalable que l’article 13 de la directive européenne n°2008/50 du 11 mai 2008 relative à la qualité de l’air ambiant et à un air pur en Europe impose des valeurs limites de qualité de l’air ambiant, et notamment des valeurs limites de concentration de polluants tels que dioxyde d’azote et particules fines PMdix, figurant à son annexe XI. En cas de non-respect de ces valeurs limites à la date fixée pour leur application (qui est désormais échue), l’article 23 de ladite directive impose aux États membres de prendre les mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible.

Ces obligations ont été transposées dans le code de l’environnement aux articles L. 221-1 et R. 221-1 notamment. Elles prévoient l’établissement de plans de protection de l’atmosphère (PPA) qui visent à réduire, dans une zone définie, la concentration de polluants dans l’atmosphère à un niveau inférieur aux valeurs limites.

En 2015, l’association « Amis de la Terre France » a demandé aux autorités françaises de s’assurer que les dispositions précitées étaient respectées, et notamment que les concentrations de dioxyde d’azote et de particules fines étaient ramenées en dessous des seuils fixés sur l’ensemble du territoire. En l’absence de réponse, elle a demandé au Conseil d’Etat d’annuler les décisions implicites de refus et d’ordonner au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan visant à ramener les concentrations de dioxyde d’azote et de particules fines sous les valeurs limites.

Dans une décision en date du 12 juillet 2017, le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions précitées du code de l’environnement transposant la directive précitée avaient été violées et que les plans établis dans les zones concernées étaient inefficaces, et, partant, a fait droit aux demandes de l’association. Il a ordonné au gouvernement français de prendre toutes les mesures nécessaires pour que, pour chacune des 13 zones concernées par des dépassements de valeurs limites pour le dioxyde d’azote (NO2) et particules fines (PMdix), un plan relatif à la qualité de l’air soit établi et mis en œuvre pour ramener ces concentrations en dessous des valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement dans les meilleurs délais et à fournir ce plan à la Commission européenne avant mars 31, 20181.

Au niveau européen, la Commission européenne a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’un recours contre la France pour non-respect des valeurs limites de dioxyde d’azote (NO2) et pour n’avoir pas pris les mesures appropriées pour raccourcir autant que possible les périodes de dépassement. Dans son arrêt du 24 octobre 2019, la CJUE a constaté que la France ne respectait pas les valeurs limites pour le dioxyde d’azote (NO2) concentrations dans douze zones de qualité de l’air2. Ensuite, la Commission a décidé de saisir à nouveau la CJUE d’un recours similaire concernant la mauvaise qualité de l’air due à des niveaux élevés de particules (PMdix). Dans son arrêt du 28 avril 2022, la CJUE a également constaté que la France ne respectait pas les valeurs limites applicables aux concentrations de microparticules (PMdix) dans deux zones de qualité de l’air3.

Au plan national, l’exécution de l’arrêté du 12 juillet 2017 susvisé du Conseil d’Etat a donné lieu à plusieurs décisions. Premièrement le Conseil d’Etat a décidé d’appliquer une astreinte de 10 millions d’euros par semestre jusqu’à la date d’exécution après avoir constaté que trois ans plus tard les mesures prises étaient insuffisantes pour atteindre les objectifs précités4. Puis, dans un deuxième temps, elle a condamné l’État français à payer une amende de 10 millions d’euros pour pollution au dioxyde d’azote dans cinq zones et PMdix pollution de l’agglomération parisienne pour la période du 11 janvier au 11 juillet 20215.

Si des améliorations dans le temps sont constatées, les seuils de pollution au dioxyde d’azote – censés être respectés depuis 2010 – sont toujours dépassés dans plusieurs zones en France, dont les agglomérations parisiennes, lyonnaises et marseillaises.

Dans son arrêt du 17 octobre 2022, le Conseil d’Etat a de nouveau condamné l’État français à payer deux nouvelles astreintes de 10 millions d’euros chacune pour les deux périodes de juillet 2021 à janvier 2022 et de janvier à juillet 2022.

Persistance des dépassements

Suite à l’analyse des éléments nouveaux apportés par le ministère français de l’Ecologie, le juge administratif a constaté que la situation s’est globalement améliorée mais reste fragile ou dégradée dans quatre zones :

  • la situation de la région toulousaine reste fragile en 2021 avec une concentration moyenne annuelle de dioxyde d’azote juste en dessous de la valeur limite mais en augmentation par rapport à 2020 ;
  • pour les zones de Paris, Lyon et Aix-Marseille, bien que la concentration moyenne annuelle de dioxyde d’azote ait globalement diminué en 2021 par rapport à 2019, les valeurs limites ont été dépassées.

Mesures insuffisantes

Le juge administratif a estimé que les mesures prises ne sont pas de nature à réduire, dans les plus brefs délais, la concentration de dioxyde d’azote en dessous de la valeur limite dans les zones concernées.

D’une part, il a noté que les mesures prises par le gouvernement français dans le secteur des transports (aides à l’acquisition de véhicules moins polluants, développement de la mobilité dite douce, déploiement de bornes de recharge) et dans le secteur du bâtiment (interdiction de chaudières à fioul ou à charbon) devraient avoir des effets positifs sur les niveaux de concentration de dioxyde d’azote dans l’air ambiant pour l’ensemble du territoire national. Toutefois, elle a noté que la contribution réelle de ces mesures à l’objectif de réduction de la durée des dépassements dans les zones concernées n’a pas été établie.

D’autre part, il a observé que le développement et le renforcement des « zones de mobilité à faibles émissions » (zones faibles missions mobilit ou « ZFE-m ») prévues par la loi Climat et Résilience d’août 2021, avec la possibilité de restreindre la circulation des véhicules les plus polluants, peuvent permettre de réduire significativement les niveaux de concentration en dioxyde d’azote. Cependant, il a noté que les zones à faibles émissions (missions zones faibles ou « ZFE ») ont déjà été mises en place par le passé à Paris et à Lyon et qu’aucune nouvelle mesure n’a été prise pour ces zones (le calendrier de mise en place des restrictions sur les véhicules les plus polluants a même été reporté à Paris). Parallèlement, la ZFE-m de Toulouse n’est en vigueur que depuis février 2022 et la ZFE-m d’Aix-Marseille que depuis le 1er septembre 2022.

Finalement, le Conseil d’Etat noté que bien que les procédures de révision de plusieurs plans de lutte contre la pollution de l’air (plans de protection de l’atmosphère ou « PPA ») ont été initiées récemment ou sont en cours d’initiation, l’objectif de respect des valeurs limites reste encore loin (fixé à 2025 pour Lyon et Paris, et « dès que possible » pour Aix-Marseille) et n’est accompagné d’aucun élément permettant de considérer ces délais comme étant les plus courts possibles.

Deux amendes de 10 millions d’euros

Les requérants ont demandé au Conseil d’Etat d’alourdir la sanction prononcée par l’arrêté du 10 juillet 2020. Toutefois, la
Conseil d’Etat a décidé de ne pas modifier le montant de l’astreinte semestrielle.

L’astreinte reste fixée, pour la période du 12 juillet 2021 au 12 juillet 2022, à 10 millions d’euros par semestre de non-respect, comme le prévoit la décision du 10 juillet 2020, ce qui conduit à un montant total de ? 20 euros pour les deux semestres.

L’astreinte est répartie entre l’association « Amis de la Terre« , qui avait initialement porté l’affaire devant la Conseil d’Etat en 2017, et plusieurs organismes et associations impliqués dans la lutte contre la pollution de l’air.

La Conseil d’Etat devrait revoir en 2023 les actions menées par l’État français à partir du second semestre 2022 (c’est-à-dire pour la période juillet 2022-janvier 2023).

Notes de bas de page

1. Conseil d’Etat12 juillet 2017, n° 394254

2. CJUE, Commission/France, C-636/18

3. CJUE, Commission/France, C-286/21

4. Conseil d’Etat10 juillet 2020, n° 428409

5. Conseil d’Etat, 4 août 2021, n°. 428409

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