PDG de GRDF : la France est en bonne voie pour dépasser ses objectifs en matière de biométhane

Les gaz renouvelables gagnent du terrain en Europe, la France étant en bonne voie pour dépasser ses objectifs intermédiaires 2023 d’injection de biométhane dans le réseau. Pour rattraper son retard sur l’industrie, EURACTIV France s’est entretenu avec Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF, le plus grand distributeur de gaz d’Europe.

Le 21 octobre, la France a présenté son nouveau plan « France Verte Nation » pour doubler la réduction des émissions de carbone sur les cinq prochaines années (2022-2027).

Mais « pour cela, il est nécessaire d’avoir un mix énergétique équilibré » associant gaz et électricité, a déclaré Laurence Poirier-Dietz à EURACTIV France.

Avec l’arrivée de la saison de chauffage hivernale, la consommation de gaz devrait dépasser la consommation d’électricité « d’environ 120 à 140 GW de gaz contre 85 à 95 GW d’électricité », dit-elle.

Et ces pics de chauffage hivernaux devraient perdurer dans les années à venir, souligne-t-elle, affirmant que cela appelle une décarbonisation de l’approvisionnement en gaz.

L’Union européenne vise à atteindre 100 % de gaz renouvelable dans le réseau d’ici 2050, avec un objectif intermédiaire de 20 % d’ici 2030. La France, quant à elle, poursuit son objectif d’injecter 6 TWh de biométhane dans le réseau en 2023.

Au cours des deux derniers trimestres, la filière a injecté plus de 1,5 TWh de biométhane dans le réseau gazier, mettant la France en bonne voie pour dépasser son objectif 2023.

Pour Laurence Poirier-Dietz, cela signifie que l’objectif français pourrait être plus ambitieux. « Avec 500 usines de biogaz qui injectent directement dans le réseau de gaz, nous avons une vraie longueur d’avance », a-t-elle déclaré.

« En France, la production de gaz vert représente déjà plus que la puissance d’un réacteur nucléaire et nous pourrons compenser les importations de gaz russe d’ici 2027-2028 », prédit-elle.

« Et peut-être qu’un jour nous pourrons même exporter à partir de la production décentralisée », ajoute-t-elle.

Du côté de l’UE, cependant, les objectifs ne pourraient pas être plus ambitieux, a-t-elle soutenu, affirmant que les plus grands consommateurs d’énergie du bloc, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, sont à la traîne dans la construction de nouveaux digesteurs anaérobies.

L’Europe redécouvre le biogaz en quête d’indépendance énergétique

La guerre en Ukraine a donné un nouvel élan au gaz renouvelable, la Commission européenne proposant de porter la production de biométhane à 35 milliards de mètres cubes (bcm) d’ici 2030, contre 3 bcm en 2020. En Europe, la France a pris les devants, EURACTIV rapports .fr.

Fuites de méthane

Pendant ce temps, l’industrie gazière de l’UE remet en question la proposition de règlement de la Commission européenne sur la réduction des émissions de méthane du secteur, décriant ce qu’elle décrit comme des mesures « passe-partout ».

« La Commission propose des critères uniques pour toute la chaîne, du producteur au distributeur », a déclaré Laurence Poirier-Dietz.

Par exemple, Bruxelles veut imposer des contrôles réguliers des fuites sur l’ensemble du réseau gazier une fois tous les trois mois, bien que « certaines zones ne nécessitent pas de tels contrôles réguliers ».

« La systématisation des contrôles ne fera qu’augmenter les coûts répercutés sur les prix de vente, sans augmenter le niveau de sécurité ni réduire efficacement les émissions », a-t-elle prévenu.

Selon elle, les mesures européennes doivent être adaptées aux différentes infrastructures, les distributeurs de gaz comme GRDF réclamant plus de flexibilité dans l’approche de l’UE.

Interrogée sur les raisons pour lesquelles la Commission européenne n’a pas adopté une approche plus flexible des contrôles de méthane, Poirier-Dietz a répondu : « Parce que la Commission veut imposer une vision stricte ».

« En réalité, Bruxelles a peu de connaissance du système d’exploitation du réseau gazier, qui est très technique, et encore moins de la partie distribution, qui est locale », a déclaré Poirier-Dietz.

« Nous sommes le dernier maillon de la chaîne, le plus éloigné de Bruxelles », a-t-elle expliqué.

Aller localement

Selon Poirier-Dietz, la production d’énergie locale est la voie à suivre dans la transition énergétique.

Ce sera « plus du bas vers le haut, avec des systèmes de reflux qui permettront au gaz vert produit localement de transiter de la distribution au transport, qui l’enverra ensuite vers une autre zone de demande, ou de stockage », a-t-elle déclaré, décrivant un système déjà en place dans plusieurs régions de France.

Poirier-Dietz espère même qu’« un jour on pourra même exporter de la production décentralisée », une option que la Commission envisage sérieusement dans son paquet législatif sur le gaz.

Pour cela, les élus locaux doivent cependant accepter l’installation d’infrastructures de production sur leur territoire, ce qui ne s’est pas toujours avéré une tâche aisée en France, certains villageois s’opposant à la construction de nouveaux digesteurs anaérobies géants.

Le directeur de GRDF a pointé les bénéfices du biométhane pour l’économie locale, avec plus de 50 000 emplois attendus en 2030 pour la filière biogaz, contre environ 6 000 aujourd’hui.

Outre le biométhane, les collectivités locales en France pourraient également bénéficier de la production et de la distribution d’hydrogène, a déclaré Poirier-Dietz, notant que « 98% des canalisations du réseau de distribution de gaz sont prêtes pour l’hydrogène ».

« Nous aurons probablement aussi besoin de pipelines purement hydrogène pour les services industriels », a-t-elle déclaré.

Une autre piste est également à l’étude : l’injection de méthane de synthèse produit par recombinaison d’hydrogène et de CO2, via le procédé de méthanisation.

« L’hydrogène offre ainsi un potentiel de décarbonation complémentaire tout en optimisant le système énergétique », a déclaré Poirier-Dietz.

[Edited by Frdric Simon]

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