Opinion : La Russie perd-elle l’Arménie au profit de la France ?
Dans une interview accordée à France24 lors de sa visite à Paris en février 2024, Nikol Pashinyan a souligné la perception de l’Azerbaïdjan de l’Arménie comme « l’Azerbaïdjan occidental » et a exprimé ses inquiétudes quant aux préparatifs de l’Azerbaïdjan pour une nouvelle guerre, écritDr Anzhela Mnatsakanyan dans cet article d’opinion pour commonspace.eu.« Cette interview a marqué un tournant important dans la mesure où Pashinyan a ouvertement scruté la politique de la Russie à l’égard de l’Arménie et a fait allusion à la possibilité d’une nouvelle guerre. Le timing de cette interview, quelques jours avant que l’Azerbaïdjan ne présente une version rééditée du soi-disant « Traité de paix ». « , a suggéré que la « paix » offerte par l’Azerbaïdjan concerne davantage la capitulation de l’Arménie. Cette interview était une sorte d’appel à l’aide de Pashinyan aux pays occidentaux à la veille d’une éventuelle nouvelle guerre. »
Qu’est-ce qui a établi le partenariat asymétrique entre la Russie et l’Arménie ? Quelles sont les motivations de son choix eurasien ? La position de l’Arménie à l’égard des initiatives russes a été encadrée par le problème de sécurité clé du pays, le conflit du Haut-Karabakh, qui a poussé Erevan vers la Russie. Le partenariat stratégique entre Moscou et Erevan est totalement inégal et se présente sous la forme d’un 3G, avec l’Arménie comme destinataire d’armes et d’autres armes ; le gaz fourni à des tarifs avantageux ; et les marchandises, à la fois en tant qu’allié commercial majeur et avec la Russie comme principale destination de la main-d’œuvre migrante arménienne.
Après la conquête du Haut-Karabagh par l’AzerbaïdjanArménie a commencé à montrer des signes indiquant que le pays s’éloignait du parapluie sécuritaire de la Russie. et ici la France a intensifié très rapidement le rôle de l’Arménie possible ensuite partenaire stratégique.
Après la Conférence de Munich sur la sécurité, Nikol Pashinyan, Premier ministre arménien, a entamé une visite de travail de deux jours en France aux côtés de son épouse Anna Hakobyan. Pendant son séjour à Paris, Pashinyan s’est entretenu avec le président Macron et les représentants du Sénat et a participé à la cérémonie d’enterrement du résistant de la Seconde Guerre mondiale Misak Manushyan et de son épouse au Panthéon, un événement capital empreint d’une signification politique. Cette cérémonie a servi de plateforme à la France pour exprimer explicitement son soutien indéfectible à l’Arménie.
La France a stratégiquement cherché à souligner la position du peuple français envers l’Arménie, en soulignant l’importance historique de la communauté arménienne en France. Pashinyan a eu des entretiens avec des dirigeants d’entreprises françaises, exprimant son intérêt à promouvoir les initiatives commerciales françaises en Arménie. Il convient de noter la rencontre de Pashinyan avec Anne Hidalgo, maire de Paris et candidate spéculée à la prochaine présidence française. Les efforts humanitaires antérieurs d’Hidalgo pendant le blocus du Haut-Karabakh et sa visite dans les zones frontalières de l’Arménie ont ajouté une couche d’importance à leur interaction. De plus, Pashinyan s’est entretenu avec le nouveau Premier ministre français, concentrant leurs discussions sur la collaboration économique, l’énergie, les ressources en eau et le tourisme.
Un moment charnière dans cette entreprise diplomatique a été l’interview du Premier ministre Pashinyan avec French 24, où il a transmis des messages critiques. Pashinyan a souligné la perception qu’a l’Azerbaïdjan de l’Arménie comme « l’Azerbaïdjan occidental » et a exprimé ses inquiétudes quant aux préparatifs de l’Azerbaïdjan pour une nouvelle guerre. Il a souligné la réticence du président Aliyev à signer un accord de paix fondé sur la reconnaissance de l’intégrité territoriale, soulignant une course aux armements initiée par l’Azerbaïdjan. Pashinyan a également abordé la participation gelée de l’Arménie à l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) et a soulevé des questions concernant la base militaire russe en Arménie. Il a notamment révélé que Moscou aurait encouragé les Arméniens à lancer une révolution contre le gouvernement, en attribuant cela à des efforts de propagande dirigés personnellement contre lui. Pashinyan a également évoqué les activités des militaires russes en Arménie et l’arrestation de Dmitri Setrakov en Arménie par la police militaire russe.
Cette interview a marqué un tournant important dans la mesure où Pashinyan a ouvertement examiné la politique de la Russie à l’égard de l’Arménie et a fait allusion à la possibilité d’une nouvelle guerre. Le timing de cette interview, quelques jours avant que l’Azerbaïdjan ne présente une version rééditée du soi-disant « traité de paix », suggère que la « paix » offerte par l’Azerbaïdjan concerne davantage la capitulation de l’Arménie. Cette interview était une sorte d’appel à l’aide de Pashinyan aux pays occidentaux à la veille d’une éventuelle nouvelle guerre.
Au même moment, alors que Pashinyan retournait en Arménie, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, arrivait en Arménie pour livrer personnellement des armes de défense. L’accord sur les armements, initié en octobre 2023, s’est concrétisé en février 2024 avec l’arrivée d’armes à Erevan. Cette évolution contraste fortement avec les tentatives antérieures de l’Arménie d’acheter des armes à la Russie, où seule une quantité limitée est arrivée après une soumission en 2020. La visite du ministre Lecornu et les discussions avec le ministre arménien de la Défense Suren Papikyan ont souligné l’approfondissement des liens de défense entre la France et l’Arménie. . Un accord a été trouvé pour que l’armée française organise trois sessions d’entraînement au combat en montagne.ns en Arménie en 2024. Il convient de noter le retrait de l’Arménie des exercices de l’OTSC en 2023, révélateur de l’évolution de la dynamique de ses relations en matière de défense.
Dans le même temps, les dirigeants de l’OTSC ont fait preuve d’une propension répétée à se tirer une balle dans le pied. Ce modèle est illustré par le président biélorusse Alexandre Loukachenko, qui a déclaré sans équivoque qu’en cas de conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, les membres de l’OTSC s’abstiendraient de toute intervention. Cette position contredit directement les principes énoncés dans la charte de l’OTSC. La position de Loukachenko semble être influencée par la perception selon laquelle l’Azerbaïdjan est considéré comme une nation alliée par les pays membres de l’OTSC, à l’exception bien sûr de l’Arménie.
A la veille d’une nouvelle guerre possible, alors que le dialogue avec Moscou reste quasiment improductif, l’Arménie a besoin de trouver des alliés, et on ne peut qu’espérer qu’Erevan ne surestime pas la qualité des cartes qu’elle joue en Europe.