Opinion | La France se dirige vers un désastre
Si les chiffres sont là, qui serait Premier ministre ? Il faudrait que ce soit une personnalité politique capable de travailler avec le centre gauche, le centre droit et la droite. Ce genre de personnalité consensuelle est aujourd’hui rare dans la politique française. Dans tous les cas, ce ne serait qu’une solution temporaire. Les gouvernements intérimaires ont peu de légitimité politique et ne peuvent pas faire grand-chose, à part voter des budgets pour maintenir l’économie à flot. Au plus tôt dans un an, le président pourrait, conformément à la Constitution, réutiliser son pouvoir de dissolution, M. Macron devrait presque certainement dissoudre l’Assemblée et convoquer de nouvelles élections. Nous serions de retour à la case départ, mais dans un environnement encore plus instable.
Dans l’ensemble, les perspectives d’un gouvernement d’union nationale ne sont pas bonnes. Bien que M. Macron ait appelé dimanche à une grande union démocratique et républicaine pour vaincre le Rassemblement national, il a passé plus de temps à remontrer à la gauche qu’à l’extrême droite : un sens des priorités surprenant, pourrait-on penser. En rejetant ce qu’il appelle les deux extrêmes, il espère attirer à nouveau les électeurs de centre-gauche vers sa coalition centriste. Mais M. Macron est profondément impopulaire. En faisant valoir que la gauche représente une menace aussi grande que l’extrême droite, il pourrait également dissuader les électeurs centristes de voter pour les candidats du Nouveau Front populaire lors des seconds tours contre les candidats du Rassemblement national. Leur abstention pourrait faciliter l’élection de davantage de députés d’extrême droite.
Ils n’ont pas besoin d’aide. Profitant de la désillusion et de la colère généralisées, le Rassemblement national, avec ou sans majorité, a toutes les chances de sortir vainqueur des élections. Le parti est désormais dominant dans presque toutes les catégories de la société française et dans la plupart des régions de France. Seules les grandes villes résistent encore à cette immense vague. Il est en tête dans toutes les tranches d’âge, à l’exception des 18-24 ans, bien qu’il attire également un soutien considérable des électeurs plus jeunes. Il est fort parmi les ouvriers et les employés, les employés et les professions libérales. Une nouveauté est que les retraités, l’électorat le plus fidèle de M. Macron jusqu’à présent, ont considérablement basculé vers l’extrême droite lors des élections européennes du mois dernier.
Cette victoire de l’extrême droite, désormais si serrée, était loin d’être acquise lorsque M. Macron a été élu pour la première fois en 2017. Le Rassemblement national de Marine Le Pen ne comptait alors que huit députés à l’Assemblée nationale, bien loin des plus de 200 qu’il remportera dimanche. M. Macron avait promis de protéger la France de l’extrémisme de droite. Pourtant, depuis son arrivée au pouvoir, il a emprunté les règles du Rassemblement national, en faisant passer des lois controversées comme le projet de loi sur le séparatisme en 2021, qui a effectivement ostracisé les musulmans, et un projet de loi sur l’immigration très strict adopté l’année dernière grâce au soutien de l’extrême droite. Loin de vaincre l’extrême droite, M. Macron a préparé le terrain pour son succès.
Il est tout à fait normal, d’une certaine manière, que la principale victime politique de cette période troublée soit M. Macron lui-même. Quoi qu’il arrive dimanche, il est clair pour tout le monde que le pari inutile de M. Macron a échoué de manière spectaculaire et qu’il est responsable du chaos politique à venir. Son autorité, tant au niveau national qu’international, sera grandement diminuée et sa présidence sera pratiquement vouée à l’échec. Il devra sûrement faire face à une pression croissante pour démissionner.