Opinion : Bravo à la France d’avoir inscrit le droit à l’avortement dans sa constitution, une première mondiale
Les répercussions de la terrible décision de la Cour suprême des États-Unis annulant les protections fédérales en matière d’avortement ne se sont pas arrêtées chez nous. Ils ont traversé l’océan et remodelé le paysage de l’avortement dans de nombreux pays, du moins dans un pays éloigné du nôtre.
Dans une décision capitale qui était le résultat direct de l’abandon désolant par les tribunaux américains d’un droit vieux d’un demi-siècle, le Parlement français a voté lundi à une écrasante majorité 780 contre 72 pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution du pays.

Chroniqueur d’opinion
Robin Abcarian
En France, contrairement aux États-Unis, aucune femme n’aura jamais à craindre de perdre le droit de contrôler son destin reproductif. Cest un moment magnifique!
Le vote, qui a eu lieu au Palais de Versailles, a été suivi d’une standing ovation, a rapporté Le Monde, le journal le plus influent du pays. Le soir venu, la Tour Eiffel s’est illuminée avec le message en anglais, rien de moins #MyBodyMyChoice.
Nous envoyons le message à toutes les femmes : votre corps vous appartient et personne n’a le droit de le contrôler à votre place, a déclaré le Premier ministre Gabriel Attal, 34 ans, qui est le premier Premier ministre gay du pays et aussi le plus jeune.
C’est une nouvelle encourageante à l’heure où les droits reproductifs des Américains sont bafoués dans les États conservateurs et où la Cour suprême de l’Alabama a bouleversé le pays et l’industrie de la fertilité en déclarant que les embryons congelés sont des enfants.
Il suffit d’un instant pour que tout ce que nous pensions avoir accompli s’efface, a déclaré Yal Braun-Pivet, la première femme présidente de l’Assemblée nationale française, essentiellement l’équivalent de la Chambre des représentants américaine.
Contrairement aux États-Unis, où les conservateurs culturels ont transformé le droit à l’avortement en une bataille essentiellement partisane, il n’y a eu aucune opposition partisane sérieuse à l’amendement, que le président français Emmanuel Macron avait promis d’introduire presque aussitôt que Roe contre Wade aurait été annulé en 2017. 2022.
L’avortement est un droit fondamental pour toutes les femmes, avait-il déclaré à l’époque. Il faut le protéger. J’exprime ma solidarité avec les femmes dont les libertés sont aujourd’hui contestées par la Cour suprême des États-Unis d’Amérique.
La semaine dernière, Macron a posté sur X, je m’engage à rendre irréversible la liberté des femmes d’avorter en l’inscrivant dans la Constitution.
Même l’opposante principale de Macron, Marine Le Pen, du parti d’extrême droite du Rassemblement National (anciennement Front National), a soutenu le projet de loi, quoique avec beaucoup moins d’enthousiasme que le président et ses alliés. Lundi, elle a minimisé ce moment extraordinaire : cela ne sert à rien, car aucun mouvement politique ne remet en cause l’avortement. Il n’est pas nécessaire d’en faire un jour historique.
La France est traditionnellement un pays catholique, mais les médias citent des sondages récents montrant que plus de 90 % de ses citoyens soutiennent le droit à l’avortement et 86 % sont favorables à son inscription dans la constitution.
Quelle ironie que la France s’inspire des États-Unis, non pas de manière positive, mais négative. Ils admiraient la façon dont nous faisions les choses ici.
Après tout, il y a près de deux siècles et demi, les Français ont modelé un document fondateur de leur révolution, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, sur notre propre Déclaration d’indépendance de 1776.
Deux ans après que notre Cour suprême a statué en 1973 que les États ne pouvaient imposer aucune restriction aux femmes cherchant à avorter au cours du premier trimestre de la grossesse, la France a emboîté le pas.
Les Français ont légalisé l’avortement en 1975 après le cas très médiatisé d’une jeune fille de 16 ans, Marie-Claire Chevalier, qui avait été violée par une camarade de classe et avait subi un avortement illégal. Elle a été livrée à la police par son violeur, qui l’a informée qu’elle voulait échapper aux poursuites pour vol de voiture. Il a été libéré, tandis qu’elle a été arrêtée et brièvement emprisonnée avant son procès, qui s’est soldé par un acquittement. Son cas a été surnommé Frances Roe contre Wade. Chevalier est décédé d’un cancer du cerveau en 2022.
Tout comme Roe, l’affaire Chevalier est devenue une cause célèbre.
À l’époque, la ministre française de la Santé, Simone Veil, qui était une survivante d’Auschwitz, avait soutenu le mouvement visant à légaliser l’avortement et, lorsque le projet de loi a été adopté, il est devenu connu sous le nom de loi Veil.
Juste avant le vote de lundi, Attal a invoqué son nom. Nous avons une dette morale envers les femmes, a-t-il déclaré, selon Le Monde. Nous avons une chance de changer l’histoire. Rendez Simone Veil fière.
Après que le Parlement français a adopté le projet de loi, Macron a déclaré que son pays avait envoyé un message universel.
Il est dommage que ce message soit perdu pour tant de législateurs américains déterminés à faire reculer le progrès des femmes plutôt que de le faire progresser.
Aujourd’hui, pour paraphraser le Premier ministre Attal, l’Amérique a une dette morale envers la France.