Nouvelle-Calédonie : la menace française d’imposer unilatéralement le changement s’affaiblit
L’avenir politique de la Nouvelle-Calédonie reste incertain, deux ans après un référendum sur l’indépendance contesté en décembre 2021. Tous les partis indépendantistes rejettent le résultat favorable à la France du référendum, qu’ils avaient boycotté après que la France a ignoré son appel à reporter le vote en raison des décès dus au Covid-19 en leurs communautés. Ils veulent un autre référendum sous les auspices internationaux.
De nombreux efforts français pour organiser des négociations sur la gouvernance future ont échoué, car le plus ancien parti indépendantiste autochtone, l’Union Caldonienne (UC), refuse d’y participer.
Les partis loyalistes et la France considèrent le processus référendaire comme terminé et souhaitent cimenter fermement le territoire au sein de la France.
Le référendum constituait la dernière étape de l’Accord de Nouméa de 1998, qui, après des années de conflits, avait défini un processus d’autodétermination. Pourtant, à l’approche des élections locales en mai de cette année, une question clé de l’Accord de Nouméa reste controversée, à savoir la disposition limitant l’éligibilité aux élections locales aux résidents de longue date, essentiellement ceux ayant résidé pendant dix ans jusqu’en 1998.
Cette restriction a été créée en réponse aux craintes des autochtones Kanak d’être dépassés en nombre par les nouveaux arrivants européens. Les loyalistes s’opposent à la restriction du vote, notant qu’elle exclut désormais des milliers d’électeurs (principalement des non-Kanak, vraisemblablement pro-France, arrivés depuis 1998). Tous les partis indépendantistes s’opposent à l’abolition de l’électorat restreint.
Cette décision annule de fait le calendrier prévu par Macron pour parvenir à un accord, si nécessaire, unilatéralement, d’ici début 2024.
Pour inciter au débat, le ministre français de l’Intérieur, Grald Darmanin, a menacé à plusieurs reprises que la France imposerait une solution, y compris la suppression totale des restrictions d’éligibilité électorale, si toutes les parties ne parvenaient pas à discuter et à se mettre d’accord.
Lors de sa visite à Nouméa en juillet 2023, le président français Emmanuel Macron, après avoir condamné la non-participation aux pourparlers comme un risque de retour à la violence, a proposé un calendrier précis, comprenant au moins un amendement constitutionnel sur la question de l’éligibilité électorale, d’ici début 2024, pour permettre aux élections de mai. Les élections provinciales de 2024 auront lieu avec un électorat plus large que par le passé.
Les dirigeants indépendantistes se sont absentés d’une réunion convoquée par Macron et ont rejeté son plan comme étant le calendrier de Paris, et non le leur. Un projet de document français préparé pour discussion lors d’une autre réunion en septembre à Paris a également été rejeté comme inacceptable par l’UC (qui n’y a pas participé) et parti indépendantiste Palika (qui l’a fait). Les loyalistes n’étaient guère plus enthousiastes.
Aujourd’hui, la décision prise par le Conseil d’État français ces dernières semaines a effectivement atténué les menaces du gouvernement français, avec des implications pour les progrès futurs.
Face à l’impasse, Macron avait demandé au Conseil d’État, le plus haut arbitre administratif français en matière de pouvoirs gouvernementaux, d’examiner si les règles électorales de l’Accord de Nouméa pouvaient être modifiées par une simple législation, et si les élections locales pouvaient être reportées afin de modifier les règles ou parvenir à un large accord politique.
La décision du Conseil a été prise le 7 décembre, mais le gouvernement ne l’a rendue publique que le 26 décembre. Ce retard est peut-être dû au fait que Nouméa était sous les projecteurs régionaux cette semaine-là, lorsque le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, qui en tant que ministre de l’Outre-mer avait organisé la troisième réunion controversée, référendum, a accueilli une réunion régionale des ministres de la Défense. Les partisans de l’indépendance kanak ont manifesté dans les rues à l’époque contre la militarisation de la Nouvelle-Calédonie par le gouvernement Macron et l’approche au bulldozer sur la question de l’éligibilité des électeurs. La même semaine également, Darmanin avait été contraint d’annuler une visite pour des discussions prévues sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, l’UC ayant à nouveau refusé d’y participer.
Même si la formulation tortueuse de la décision suggère que le Conseil a été aux prises avec ces problèmes, elle affirme sans équivoque que les modifications des dispositions de l’Accord de Nouméa, en cette période de recherche d’un consensus sur l’avenir, ne peuvent être apportées que par un amendement constitutionnel. En France, cela nécessite l’approbation des deux chambres parlementaires et prend du temps.
Le Conseil s’est saisi d’une formulation imprécise de l’accord de Nouméa concernant l’éligibilité des électeurs (incluant les enfants plutôt que les descendants des électeurs éligibles), qui, si elle était appliquée littéralement, finirait par anéantir l’électorat. Il a déclaré que les partenaires signataires n’avaient pas prévu une application indéfinie. de cette disposition avec la dérogation associée aux principes d’égalité et d’universalité du vote. Sans amendement constitutionnel imminent, il serait acceptable de légiférer pour corriger cet impact excessif sur le suffrage universel égal, mais uniquement dans le contexte de la négociation d’un futur accord de consensus . Pour ce faire, il serait possible de prolonger le mandat du Congrès local existant en Nouvelle-Calédonie de 12 à 18 mois, à condition que de telles négociations soient en cours. La décision, qui reporte les élections locales pour le Congrès actuel, annule de fait les propositions de Macron. un calendrier pour parvenir à un accord, si nécessaire, unilatéralement, d’ici début 2024.
Il est douteux que la prolongation du mandat du Congrès fasse progresser les discussions et un consensus final. , peu de progrès peuvent être réalisés. Pendant ce temps, le Congrès de Nouvelle-Calédonie, élu selon les règles d’éligibilité à la résidence de longue durée, a désormais un président leader indépendantiste et une majorité de parti indépendantiste. Son examen de toutes les questions, du budget à la réforme fiscale, est des divisions tendues et qui s’approfondissent.
Macron a récemment nommé un ancien haut-commissaire (ou gouverneur) en Nouvelle-Calédonie à la tête de son cabinet. Lors du remaniement ministériel de janvier 2024, Marcon a retenu Darmanin au poste de ministre de l’Intérieur, supervisant le portefeuille de la Nouvelle-Calédonie. Ses changements ministériels ont globalement montré un glissement vers la droite. Fort de sa majorité parlementaire aux élections de mi-2022, Macron subit la pression de la droite, notamment de la nationaliste Marine Le Pen. Tout cela signifie qu’il est peu probable qu’il revienne sur le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans le giron de la France. L’impasse semble devoir perdurer.