Nouvelle-Calédonie : La France déclare l’état d’urgence alors qu’une réforme controversée du vote a déclenché les pires troubles sociaux depuis les années 80 | Crédendo
Événement
La Nouvelle-Calédonie, archipel français riche en nickel dans l’océan Pacifique, connaît ses pires émeutes depuis les années 80. Dans la capitale Nouma et dans les villes environnantes, plus de 400 magasins et entreprises ont été gravement endommagés. En outre, cinq personnes, dont deux policiers, ont été tuées, des dizaines de membres des forces de sécurité ont été blessés lors d’affrontements et plus de 200 personnes ont été arrêtées. L’élément déclencheur a été l’approbation par le gouvernement français d’un projet de loi controversé sur la réforme du vote, qui accorderait le droit de vote à davantage de résidents de l’archipel, à savoir les citoyens arrivés dans le pays après 1998 et qui y vivent depuis au moins dix ans (environ 20 % de la population actuelle). population). Les indépendantistes kanak ont réagi violemment face à une menace perçue contre leur poids électoral et leurs objectifs indépendantistes. En effet, ils considèrent comme définitif le statut de l’électorat gelé depuis 1998. Par ailleurs, le contexte socio-économique reste défavorable à la communauté autochtone kanak par rapport aux expatriés français. Ainsi, pour rétablir le calme et reprendre le contrôle de la situation, la France a déclaré le 15 mai l’état d’urgence dans sa colonie, pour la première fois depuis 1985, et a envoyé des centaines de policiers et de militaires. Alors que le retour au calme progresse lentement et que les appels au dialogue se multiplient de part et d’autre, les tensions risquent de rester très vives à court terme.
Impact
Les manifestations violentes de haut niveau témoignent des inégalités et des tensions socio-économiques persistantes entre les Français et les autres descendants européens et la population autochtone kanak. Une grande partie de ces derniers continuent de lutter pour l’indépendance ultime, un objectif manqué lors des trois derniers référendums entre 2018 et 2021. L’extension de la liste électorale pourrait favoriser les électeurs pro-France et compliquer encore plus les objectifs d’indépendance lors d’un futur référendum.
La controverse politique ajoute aux tensions autour du nickel, autre pomme de discorde. La Nouvelle-Calédonie, qui possède plus de 10 % des réserves mondiales de nickel, a vu sa société locale de nickel SNL (Socit Le Nickel) plonger dans des conditions financières insoutenables. Non seulement les indépendantistes ont critiqué l’impact environnemental de cette industrie dominante, mais ils ont également pointé du doigt le Pacte sur le nickel adopté en novembre dernier par la Nouvelle-Calédonie et la France. Ils craignent que le plan français de sauvetage de l’industrie locale du nickel ne mette en danger leur souveraineté sur cette activité économique sensible. Dans un passé récent, le secteur a été entaché par un effondrement des prix et de la production, par des pertes financières alimentées par des coûts d’exploitation élevés (notamment énergétiques) et par des désinvestissements de groupes miniers étrangers. Le secteur fournit un quart des emplois locaux mais est accusé de ne pas pouvoir prévenir les inégalités sociales dans le pays et de manquer de compétitivité vis-à-vis de l’Indonésie ou des Philippines. C’est pourquoi l’aide de l’État français aux différentes usines de nickel du pays est inévitable pour sauver l’industrie déficitaire du nickel et préserver sa haute valeur stratégique et géopolitique dans la transition climatique (énergies renouvelables, véhicules électriques, batteries, etc.).
Pour l’avenir, il reste à voir si le Parlement français, dans le contexte tendu actuel, adoptera définitivement le projet de réforme du vote lors d’une session fin juin. Certes, la situation intérieure s’annonce très instable en l’absence de dialogue et d’accord politique et socio-économique à long terme entre loyalistes français et indépendantistes kanak.
Les dernières émeutes et les graves dommages économiques ont amené les perspectives de la note de risque pour l’environnement des affaires (D/G) en général alignée sur la France en territoire négatif.
Analyste : Raphal Cecchi r.cecchi@credendo.com