Nouvelle-Calédonie : « coups de feu » contre la police sur le territoire français au milieu d’émeutes autour de la réforme du vote
Le haut-commissaire de Nouvelle-Calédonie a déclaré mardi que des coups de feu avaient été tirés contre les forces de sécurité au cours d’une nuit d’émeutes dans le territoire français du Pacifique, au cours desquelles des véhicules ont été incendiés et des magasins pillés.
Publié le:
3 minutes
« Il n’y a pas eu de morts », a déclaré à la presse le Haut-Commissaire de la République Louis Le Franc, ajoutant que « des coups de feu ont été tirés contre les gendarmes avec des armes de gros calibre et des fusils de chasse ».
Les autorités de l’archipel sous contrôle français ont annoncé mardi un couvre-feu nocturne et une interdiction des rassemblements publics après des manifestations contre les propositions de réforme du vote qui ont provoqué la colère des séparatistes.
Au moins deux concessionnaires automobiles et une usine d’embouteillage de la capitale Nouméa ont été incendiés lors d’incendies criminels, a constaté un journaliste de l’AFP.
Plusieurs supermarchés ont également été pillés à Nouméa et dans les villes voisines de Dumbéa et du Mont-Dore.
« Le commissariat à proximité était en feu et une voiture aussi, devant chez moi. Il y avait des cris et des explosions non-stop, j’avais l’impression d’être en guerre », raconte Sylvie, dont la famille vit en Nouvelle-Calédonie depuis 20 ans. plusieurs générations.
« Nous sommes seuls. Qui va nous protéger ? » a-t-elle déclaré à l’AFP, demandant à être identifiée uniquement par son prénom.
En savoir plusPour les survivantes des violences sexistes dans les territoires français d’outre-mer, « le silence règne »
Dès lundi soir, des groupes de jeunes manifestants masqués ou cagoulés ont investi plusieurs ronds-points et affronté la police, qui a répondu par des tirs non létaux.
Une source policière a indiqué que plusieurs véhicules avaient été incendiés lors de violents affrontements.
Au total, 36 personnes ont été arrêtées et 30 policiers blessés, selon les autorités.
« Des troubles à l’ordre public très intenses ont eu lieu cette nuit à Nouméa et dans les communes voisines et se poursuivent à cette heure », a indiqué mardi dans un communiqué le haut-commissariat représentant l’Etat français en Nouvelle-Calédonie.
La commission a déclaré qu’elle « mobilisait massivement les forces de sécurité intérieure et de sécurité civile » face aux troubles, mais « aucun blessé grave n’a été signalé parmi la population ».
Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a appelé à « la raison et au calme » et a appelé « tous les Calédoniens à faire preuve de sens des responsabilités » à l’issue de cette nuit de troubles.
Listes électorales gelées
Les troubles ont éclaté lundi alors que les manifestants manifestaient contre une réforme constitutionnelle débattue à l’Assemblée nationale à Paris qui vise à élargir l’électorat aux élections provinciales du territoire.
La France s’est engagée dans l’Accord de Nouméa de 1998 à donner progressivement plus de pouvoir politique à ce territoire insulaire du Pacifique qui compte près de 300 000 habitants.
Aux termes de cet accord, la Nouvelle-Calédonie a organisé trois référendums sur ses liens avec la France, tous rejetant l’indépendance.
Les indépendantistes Kanak ont rejeté le résultat du dernier référendum organisé en décembre 2021, qu’ils ont boycotté en raison de la pandémie de Covid-19.
L’accord de Nouméa signifie également que les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie n’ont pas été mises à jour depuis 1998, ce qui signifie que les habitants de l’île arrivés de France métropolitaine ou d’ailleurs au cours des 25 dernières années n’ont pas le droit de participer aux élections provinciales.
Le gouvernement français a qualifié d' »absurde » l’exclusion d’une personne sur cinq du droit de vote, tandis que les séparatistes craignent que l’élargissement des listes électorales profiterait aux politiciens pro-français et « minimiserait davantage le peuple autochtone kanak ».
Après une nuit de troubles, le haut-commissariat de Nouvelle-Calédonie a annoncé l’interdiction des rassemblements publics et de la vente d’alcool et a déclaré qu’un couvre-feu serait imposé de 18h00 mardi à 6h00 mercredi.
« Le haut-commissaire appelle la population à rester chez elle et à limiter ses déplacements dans les prochaines heures. »
Les écoles et collèges sont fermés jusqu’à nouvel ordre et l’aéroport international est également fermé.
« Je suis triste », déclare Jean-Franck Jallet, propriétaire d’une boucherie que les pompiers ont réussi à sauver des flammes. « Je pensais qu’il était possible pour nous (les insulaires) de vivre côte à côte, mais cela n’a pas fonctionné. Il y a trop de mensonges. »
La Nouvelle-Zélande a annoncé mardi que le ministre des Affaires étrangères Winston Peters avait annulé sa visite en Nouvelle-Calédonie en raison des troubles.
« En discussions avec nos hôtes français et néo-calédoniens, nous avons décidé de reporter le voyage de cette semaine à Nouméa pour permettre aux autorités de se concentrer pleinement sur la situation actuelle », a indiqué son porte-parole dans un communiqué.
Lors d’une visite sur le territoire l’année dernière, le président Emmanuel Macron avait déclaré souhaiter qu’un statut constitutionnel révisé de la Nouvelle-Calédonie soit en place d’ici début 2024.
Macron cherche à réaffirmer l’importance de son pays dans la région du Pacifique, où la Chine et les États-Unis se disputent l’influence, mais où la France possède des territoires comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
(AFP)