Monia Chokri sur sa comédie romantique intelligente Simple Comme Sylvain et pourquoi le féminisme de France est coincé dans le passé : quand je viens ici, j’ai l’impression d’avoir voyagé dans le temps
Frédéric Gervais
La comédie romantique a toujours semblé entre de bonnes mains avec le cinéma francophone, mais la réalisatrice québécoise Monia Chokri a voulu repousser encore plus loin les limites du genre avec son nouveau film Simple comme Sylvain.
Les Français aiment parler d’amour mais ils le font toujours à la manière des relations toxiques. Et il n’y en a pas tant [rom-coms] fait par des femmes, dit Chokri, qui était la dernière à Cannes en 2019 avec son premier long métrage, A Brothers Love, qui a remporté la coupe de cœur du jury Un Certain Regards.
Simple comme Sylvain est centré sur une femme canadienne-française chic dans un mariage asexué qui bouleverse sa vie lorsqu’elle a une liaison avec son entrepreneur.
L’acteur d’origine québécoise a fait irruption dans des rôles charnus dans l’auteur canadien Denys Arcands The Age of Darkness et Xavier Dolans Heartbeats et Laurence Anyways. Elle joue également dans Simple comme Sylvain, jouant le meilleur ami au franc-parler de ses protagonistes, mais décrit la mise en scène tout en jouant un rôle important comme un processus épuisant qu’elle n’est pas pressée de répéter.
Mon meilleur ami [Magalie Lpine-Blondeau] joue Sofia, et elle a dit que nous étions dans ce métier depuis près de 20 ans et que nous n’avions jamais joué ensemble, alors je lui ai dit oui, explique Chokri. J’ai eu quatre à cinq jours de tournage et j’ai pensé, c’est OK, mais ensuite j’ai réalisé que j’avais les plus grandes scènes avec neuf acteurs à diriger.
Je me sens un peu frustré quand je suis aux deux endroits sur le plateau. Ce n’est pas moi qui jouerai le rôle principal, ce n’est pas Jeanne du Barry, dit Chokri.
A-t-elle ou verra-t-elle l’ouverture controversée de Mawenn à Cannes ? Non, dit Chokri avec un sourire crispé. Je suis canadien. J’ai une autre perspective sur la célébrité.
La réalisatrice d’origine québécoise partage son temps entre le Canada et la France, ce qui lui donne une perspective différente sur la vie et aussi sur l’industrie, dit-elle. Quand je viens en France, j’ai toujours l’impression d’avoir voyagé dans le temps. J’ai l’impression de revenir 20 ou 30 ans en arrière avant notre arrivée au Canada. Cela concerne la relation entre les hommes et les femmes ; la façon dont nous traitons la violence contre les femmes; râpé; tous les sujets du féminisme !
Chokri fait référence à la récente lettre de la star de Portrait of a Lady on Fire Adle Haenels à l’industrie française, dans laquelle elle a déclaré sa retraite. Elle a fait une chose très courageuse. Mais elle l’a fait avec beaucoup de violence, ce qui est bien et normal dans ce pays où les relations avec les gens sont très [aggressive].
Mais j’ai une autre façon de penser, propose Chokri. J’aime quand on peut communiquer avec les gens. Je veux écouter les gens et qu’ils m’écoutent, et avoir un dialogue respectueux sur les valeurs et comment nous pouvons changer le monde. Parfois, c’est frustrant et je suis en colère contre ce que j’entends ici, mais je viens d’une partie du monde où nous parlons et nous ne nous battons pas.
Dans sa sélection Un Certain Regard vendue par MK2 Films, qui porte le titre anglais The Nature of Love, Chokri livre magistralement une histoire loufoque et sensuelle sur l’adultère, la classe et la philosophie de l’amour.
Lpine-Blondeau incarne la professeure de philosophie Sofia, qui se retrouve, à 40 ans, dans une relation stable mais étouffante. Alors qu’elle achète un chalet à rénover, elle rencontre le costaud Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), qui arrive un jour pour fournir un devis pour les rénovations. Le couple saute tête baissée dans une relation torride, mais au fur et à mesure que leur romance se poursuit, Sofia se rend compte que leurs antécédents et leurs intérêts les rendent bien plus différents qu’elle ne le pensait au départ.
Il y a deux obsessions dans mon travail : l’impossibilité de l’amour à bien des égards, et aussi la lutte des classes sociales. C’est quelque chose qui est toujours dans mon esprit. J’ai grandi avec ça parce que mes parents étaient dans le parti communiste en France, explique Chokri.
Le film est né de l’idée d’une étude d’un couple amoureux à travers le prisme de la classe sociale, explique Chokri.
Pourtant, bien que les films se concentrent sur les différences sociales entre Sofia et Sylvain, Chokri insiste sur le fait que son film n’est pas destiné à être un commentaire de classe autoritaire.
Dans le système de classe au Canada, ce n’est pas une question de richesse ou de la classe ouvrière, dit Chokri. Je connais beaucoup de gens très riches et très cultivés, ainsi que des gens de la classe ouvrière qui s’intéressent beaucoup à l’art. C’est juste un portrait de deux personnes d’univers très différents. Sylvain s’intéresse à Sofia et vice-versa. C’est ce qui est important dans une relation.