L’extrême droite française pourrait être sur le point d’accéder au pouvoir après l’échec du pari de Macron. Voici ce qui va suivre | CNN
Yara Nardi/Piscine/Reuters
Le président français Emmanuel Macron et son épouse Brigitte Macron visitent un bureau de vote pour voter au premier tour des élections législatives anticipées au Touquet-Paris-Plage, le 30 juin 2024.
Paris
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L’homme qui décrivait autrefois son style de leadership comme jupitérien ressemble désormais à Icare, après avoir joué avec le feu politique et s’être brûlé.
L’alliance centriste du président français Emmanuel Macron a été écrasée dimanche après la montée en puissance du parti d’extrême droite Rassemblement national (RN) au premier tour des élections législatives du pays.
Le RN, autrefois considéré comme un mouvement marginal, pourrait désormais être en position de prendre le pouvoir, après avoir recueilli 33% des voix. Il deviendrait alors le premier parti d’extrême droite à entrer au gouvernement français depuis la Seconde Guerre mondiale, même si rien n’est encore certain avant le second tour de dimanche.
L’alliance de gauche, le Nouveau Front populaire, a également obtenu de bons résultats, arrivant en deuxième position avec 28 % des voix.
Pendant ce temps, l’alliance Ensemble de Macron arrive en troisième place avec 21 % des voix, ce qui laisse de nombreux membres de son camp se demander pourquoi le président a convoqué des élections anticipées en premier lieu.
Ce soir n’est pas un soir comme les autres, a déclaré solennellement le Premier ministre Gabriel Attal dans un discours aux Français. L’extrême droite est aux portes du pouvoir.
Il reste encore un long chemin à parcourir dans cette élection, alors que se passera-t-il ensuite ?
Seuls 76 candidats ont été élus dimanche au Parlement, qui compte 577 sièges : 39 du RN et de ses alliés, 32 du Nouveau Front populaire et seulement deux députés de l’alliance de Macron.
Le reste des sièges sera attribué au second tour le week-end prochain, et d’énormes négociations et manœuvres politiques sont attendues d’ici là. Cela pourrait déterminer si un véritable changement radical est en cours dans la politique française, le paysage étant désormais divisé entre trois blocs rivaux.
Cela a créé une situation sans précédent, avec un nombre record de courses à trois prévues dimanche, 306 contre seulement huit en 2022.
Seuls les candidats qui franchissent le seuil des 12,5% des voix se qualifient pour le second tour. En général, la plupart des circonscriptions ne voient passer que deux candidats, mais cette année, environ la moitié d’entre elles verront trois candidats passer au tour suivant, une première dans l’histoire moderne de la France.
Ces scrutins à trois bénéficient aux candidats arrivés en tête au premier tour et, le RN étant en tête dans plus de la moitié des scrutins de second tour, certains partis élaborent des stratégies pour bloquer l’extrême droite. Ils n’ont pas beaucoup de temps, car les candidats doivent décider s’ils se présenteront ou non avant mardi soir.
Le Nouveau Front populaire, parti de gauche, a annoncé qu’il retirerait tous les candidats arrivés en troisième position afin d’empêcher les candidats d’extrême droite d’être élus.
L’alliance de Macron n’a pas été aussi claire, seul son Premier ministre insistant sur le fait qu’aucun vote ne devrait aller à l’extrême droite.
En fin de compte, tout cela reste une simple orientation : le retrait ou non des candidats dépend de chaque candidat, et les électeurs feront leurs propres choix.
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Ces élections parlementaires ont captivé les citoyens du pays : le taux de participation exceptionnel de 67 % parle de lui-même, mais le reste du monde devrait également y prêter une attention particulière.
Le parti RN de Marine Le Pen, doyenne d’extrême droite, est notoirement eurosceptique, et bien qu’il ne parle plus d’un Frexit à part entière, ou d’une sortie française de l’Union européenne, son manifeste remet en question les fondements mêmes du projet européen.
Le RN a clairement fait savoir qu’il chercherait à affaiblir l’Union et à reprendre le contrôle de ses frontières et de sa souveraineté. Une fois au pouvoir, et avec l’Italienne Giorgia Meloni et le Hongrois Viktor Orban comme alliés d’extrême droite, leurs projets pour l’Europe pourraient avoir beaucoup plus de poids.
Si le RN arrive à dominer le parlement, ce sera aussi une bonne nouvelle pour le président russe Vladimir Poutine. Marine Le Pen n’a que brièvement critiqué l’invasion de l’Ukraine par Moscou, après avoir déjà contracté un énorme prêt auprès d’une banque russe et s’être vantée de son admiration pour Vladimir Poutine.
Avant les élections, Marine Le Pen a remis en question le rôle du président dans les affaires militaires. Macron s’est engagé à aller au bout de son dernier mandat présidentiel, qui court jusqu’en 2027. La Constitution prévoit que le président dirige l’armée et Macron n’a pas écarté la possibilité d’envoyer des troupes françaises en Ukraine.
Jordan Bardella, 28 ans, leader du RN, a déclaré catégoriquement qu’en tant que Premier ministre, il ne laisserait aucun soldat français mettre le pied en Ukraine, remettant ainsi en cause l’ordre constitutionnel français.
En 2022, Le Pen avait également déclaré qu’elle souhaitait quitter l’aile militaire de l’OTAN, mais son parti a depuis fait marche arrière, affirmant que cela n’arriverait pas tant que la guerre en Ukraine serait en cours.
Le parti de Macron gouverne déjà à l’Assemblée nationale, la chambre basse du pays, sans majorité après ses résultats moins bons que prévu aux élections législatives de 2022, ce qui l’oblige soit à rechercher des coalitions pour faire passer des lois, soit à utiliser un outil constitutionnel pour imposer de nouvelles lois.
Mais un recul à gauche ou à droite pourrait signifier la fin de son programme. Une défaite obligerait Macron à nommer un Premier ministre issu du parti vainqueur, ce qui placerait un adversaire politique à la tête du gouvernement.
Bardella a déclaré qu’il ne gouvernerait que si son parti obtenait la majorité absolue et, comme le premier tour suggère qu’aucun des partis ne remportera les 289 sièges nécessaires, il n’y a pas de Premier ministre évident en vue.
Cela pourrait conduire à une impasse politique en France pendant au moins l’année prochaine et à une crise pour le président Macron, sans doute de sa propre faute.