L’extrême droite en tête du premier tour des élections législatives en France, un coup dur pour Macron | CNN
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Le parti d’extrême droite Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen est arrivé en tête du premier tour des élections législatives françaises dimanche, se rapprochant plus que jamais des portes du pouvoir.
Après une participation inhabituellement élevée, le bloc RN a obtenu 33,15% des voix, tandis que la coalition de gauche du Nouveau Front populaire (NFP) est arrivée deuxième avec 27,99% et l’alliance Ensemble du président Emmanuel Macron a chuté à une triste troisième place avec 20,76%, selon les résultats définitifs publiés lundi par le ministère de l’Intérieur.
Alors que le RN semble en passe de remporter le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale, il pourrait ne pas atteindre les 289 sièges nécessaires à la majorité absolue, ce qui suggère que la France pourrait se diriger vers un parlement sans majorité absolue et une plus grande incertitude politique.
Selon les projections, à l’issue du second tour de scrutin, dimanche prochain, le RN obtiendrait entre 230 et 280 sièges à la Chambre basse, qui en compte 577, soit une hausse vertigineuse par rapport aux 88 sièges obtenus lors du précédent parlement. Le NFP devrait obtenir entre 125 et 165 sièges, suivi d’Ensemble, qui en obtient entre 70 et 100.
Au total, 76 candidats ont été élus au premier tour du scrutin au Parlement français, dont 39 représentaient le RN et ses alliés, 32 le NFP et seulement deux l’alliance de Macron, selon les résultats publiés lundi.
Les élections, convoquées par Macron après que son parti a été battu par le RN aux élections au Parlement européen plus tôt ce mois-ci, pourraient le laisser terminer les trois années restantes de son mandat présidentiel dans un partenariat difficile avec un Premier ministre issu d’un parti d’opposition.
Le parti électoral RN de la ville d’Hénin Beaumont, dans le nord du pays, a éclaté de joie à l’annonce des résultats, mais Marine Le Pen n’a pas manqué de souligner que le vote de dimanche prochain sera déterminant.
La démocratie a parlé, et le peuple français a placé le Rassemblement national et ses alliés à la première place et a pratiquement effacé le bloc macroniste, a-t-elle déclaré devant une foule en liesse, ajoutant : Rien n’est gagné et le second tour sera décisif.
Dans un discours au siège du RN à Paris, Jordan Bardella, le leader du parti âgé de 28 ans, a fait écho au message de Le Pen.
Le scrutin qui aura lieu dimanche prochain est l’un des plus décisifs de toute l’histoire de la Ve République, a déclaré Bardella.
Dans ses discours avant le premier tour, Bardella a déclaré qu’il refuserait de gouverner dans un gouvernement minoritaire, dans lequel le RN aurait besoin des voix de ses alliés pour faire passer les lois. Si le RN n’obtient pas la majorité absolue et que Bardella reste fidèle à sa parole, Macron pourrait alors devoir chercher un Premier ministre d’extrême gauche, ou tout autre parti pour former un gouvernement technocratique.
Après l’annonce des résultats dimanche soir, des manifestations anti-extrême droite ont éclaté à Paris et Lyon, avec quelque 5.500 personnes rassemblées place de la République dans les capitales, selon BFMTV, filiale de CNN.
L’agence Reuters a diffusé une vidéo montrant des manifestants tirant des feux d’artifice dans Paris. BFMTV a quant à elle rapporté que 200 policiers avaient été déployés à Lyon pour faire face aux manifestations.
Alors qu’un nombre sans précédent de sièges sont à pourvoir lors d’un second tour à trois, une semaine de marchandages politiques va maintenant s’ensuivre, alors que les partis centristes et de gauche décideront ou non de se retirer dans des sièges individuels pour empêcher le RN nationaliste et anti-immigrés, longtemps paria de la politique française, de remporter une majorité.
Lorsque le RN, sous son ancien nom, le Front national, a obtenu de bons résultats au premier tour par le passé, les partis de gauche et du centre s’étaient auparavant unis pour l’empêcher d’accéder au pouvoir, en vertu d’un principe connu sous le nom de cordon sanitaire.
Après que Jean-Marie Le Pen, père de Marine et leader du Front national pendant des décennies, ait battu de manière inattendue le candidat socialiste Lionel Jospin à l’élection présidentielle de 2002, les socialistes ont fait basculer leur poids derrière le candidat de centre-droit Jacques Chirac, lui offrant une victoire écrasante au second tour.
Pour tenter de priver le RN d’une majorité, le NFP, une coalition de gauche formée plus tôt ce mois-ci, a promis de retirer tous ses candidats arrivés en troisième position au premier tour.
« Notre consigne est claire : pas une voix de plus, pas un siège de plus pour le Rassemblement national », a déclaré dimanche à ses partisans Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de La France insoumise, le plus grand parti du Rassemblement national.

« Une longue semaine nous attend, chacun prendra sa décision en conscience, cette décision déterminera, à long terme, l’avenir de notre pays et de chacun de nos destins », a ajouté Mélenchon.
Marine Tondelier, cheffe du Parti vert, branche la plus modérée du NFP, a personnellement appelé Macron à se retirer dans certains sièges pour priver le RN d’une majorité.
Nous comptons sur vous : retirez-vous si vous arrivez troisième dans une course à trois, et si vous ne vous qualifiez pas pour le second tour, appelez vos partisans à voter pour un candidat qui soutient les valeurs républicaines, a-t-elle déclaré.
Les alliés de Macron Ensemble ont également appelé leurs partisans à empêcher l’extrême droite de prendre le pouvoir, mais ont mis en garde contre le fait de prêter leurs voix au fougueux Mélenchon.
Gabriel Attal, protégé de Macron et Premier ministre sortant, a exhorté les électeurs à empêcher le RN de remporter une majorité, mais a déclaré que le parti de Mélenchon, La France insoumise, empêchait une alternative crédible à un gouvernement d’extrême droite.
L’ancien Premier ministre Edouard Philippe, autre allié de Macron, a déclaré : « Il ne faut pas voter pour les candidats du Rassemblement national, mais aussi pour les candidats de La France insoumise, avec lesquels nous différons sur des principes fondamentaux. »
On ne sait pas si le vote tactique pourra empêcher le RN de remporter la majorité. Lors du scrutin de dimanche, le RN a obtenu des voix dans des circonscriptions qui auraient été impensables jusqu’à récemment. Dans la 20e circonscription du Nord, un centre industriel, le chef de file du Parti communiste, Fabien Roussel, a été battu au premier tour par un candidat RN sans expérience politique. Le siège était occupé par les communistes depuis 1962.
La décision d’Emmanuel Macron de convoquer des élections anticipées, une première en France depuis 1997, a pris le pays et même ses plus proches alliés par surprise. Le vote de dimanche a eu lieu trois ans plus tôt que nécessaire et seulement trois semaines après que le parti Renaissance d’Emmanuel Macron ait été battu par le RN aux élections du Parlement européen.
Macron s’est engagé à terminer son dernier mandat présidentiel, qui court jusqu’en 2027, mais il est désormais confronté à la perspective de devoir nommer un Premier ministre issu d’un parti d’opposition dans un arrangement rare connu sous le nom de cohabitation.
Le gouvernement français n’a pas de difficulté à faire passer les lois lorsque le président et la majorité parlementaire appartiennent au même parti. Dans le cas contraire, les choses peuvent s’enliser. Alors que le président détermine la politique étrangère, européenne et de défense du pays, la majorité parlementaire est chargée de faire passer les lois nationales, comme celles sur les retraites et la fiscalité.
Mais ces compétences pourraient se chevaucher, ce qui pourrait entraîner la France dans une crise constitutionnelle. Bardella, par exemple, a exclu l’envoi de troupes pour aider l’Ukraine à résister à l’invasion russe, une idée lancée par Macron, et a déclaré qu’il ne permettrait pas à Kiev d’utiliser du matériel militaire français pour frapper des cibles en Russie. On ne sait pas quelle volonté prévaudra dans des conflits comme celui-ci, où la frontière entre politique intérieure et politique étrangère est floue.

Un gouvernement d’extrême droite pourrait être synonyme de crise financière et constitutionnelle. Le RN a fait des promesses de dépenses somptuaires, allant du retrait de la réforme des retraites de Macron à la réduction des taxes sur les carburants, le gaz et l’électricité, à un moment où le budget français pourrait être brutalement réduit par Bruxelles.
Avec l’un des déficits les plus élevés de la zone euro, la France pourrait être contrainte de se lancer dans une période d’austérité pour éviter de tomber sous le coup des nouvelles règles budgétaires de la Commission européenne. Mais, si elles étaient mises en œuvre, les mesures budgétaires du RN feraient grimper le déficit français en flèche, une perspective qui a alarmé les marchés obligataires et conduit à des avertissements d’une crise financière du type de celle de Liz Truss, en référence au Premier ministre dont le mandat a été le plus court de l’histoire britannique.
Dans une déclaration laconique dimanche soir, Macron a déclaré que le taux de participation élevé montrait le désir des électeurs français de clarifier la situation politique et a appelé ses partisans à se rallier au second tour.
Face au Rassemblement national, l’heure est à un rassemblement large, clairement démocratique et républicain, pour le second tour, a-t-il déclaré.
Correction : Cet article a été mis à jour pour corriger la part de vote du parti Rassemblement national.