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L’euthanasie, un dernier voyage de la France à la Belgique

Née hémiplégique, presque aveugle, Lydie Imhoff, 43 ans, perdait progressivement l’usage de ses membres. L’année dernière, elle a pris la décision de voyager de sa France natale vers la Belgique pour se faire euthanasier – par « peur de vivre dans un cadavre ».

Une équipe de l’AFP a rejoint Lydie une première fois en mars 2023, pour rencontrer un psychiatre à Bruxelles qui lui a donné son feu vert pour se soumettre à cette procédure, légale en Belgique il y a vingt ans mais toujours interdite en France.

Ils ont de nouveau voyagé avec elle au début de cette année, pour un dernier voyage depuis l’appartement dans l’est de la France où elle vivait seule avec son lapin de compagnie, jusqu’à Bruxelles où ses cendres ont maintenant été dispersées.

L’appartement de Lydie est presque vide, la lumière du soleil couchant scintillant aux baies vitrées. Blottie dans son fauteuil roulant, elle soupire tandis que son lapin, Lucky, se déplace dans la pièce. Le son de sa respiration résonne dans l’espace vide.

« D’un côté, j’ai hâte d’être libérée. De l’autre, je me sens coupable d’avoir laissé derrière moi les gens que j’aime. Mais en fin de compte, c’est un choix que j’ai fait », dit-elle à l’AFP.

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L’ambiance est solennelle, mais cela n’empêche pas Lydie de faire des blagues.

« Ne me laisse pas oublier de mettre les clés dans la boîte aux lettres, sinon ils me tueront pour ça ! »

Il fait encore nuit dehors lorsque Denis Rousseaux et son épouse Marie-Josée s’arrêtent devant le domicile de Lydie dans une camionnette de location. Tous deux à la retraite, l’ancien anesthésiste et infirmière l’aide depuis 2023 dans ses démarches de demande d’euthanasie à l’étranger.

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Coupée de sa famille, Lydie compte entièrement sur le soutien d’une poignée d’amis et de bénévoles comme ceux-là.

S’installant sur la banquette arrière, elle se blottit contre Marie-Josée et remonte sa couverture, encore tachetée de la fourrure de son lapin, recueillie par une famille d’accueil la veille de son départ.

Une fois le fauteuil chargé, Denis Rousseaux démarre le moteur. C’est la première fois que le couple accompagne quelqu’un en Belgique.

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« C’est avant tout un geste humanitaire », dit-il, les yeux rivés sur le chemin à parcourir. « L’aspect politique vient en deuxième position. »

Ils interrompent leur voyage à Longwy, une ville française proche de la frontière, où ils rencontrent Claudette Pierret, une militante du droit à mourir qui a d’abord mis Lydie en relation avec Yves de Locht, le médecin belge qui effectuera l’intervention.

Une table est dressée pour eux : « C’est comme un déjeuner d’anniversaire ! » ironise Lydie, avant de devenir sérieuse.

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« J’espère juste qu’une fois là-haut, je serai en paix, que je pourrai me reposer », dit-elle.

« Je suis fatigué. Je suis fatigué de chaque jour être un combat : contre ma maladie, contre mon handicap, contre tout. »

« Je sais que je plaisante, je tire la brise toute la journée – mais voilà. »

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« Ce que vous voyez ici », dit-elle en désignant son visage, « ce n’est pas vraiment ce qu’il y a en dessous ».

Une fois le repas terminé, ils se disent au revoir devant la porte d’entrée. La camionnette repart, direction Bruxelles. La journée de Lydie n’est pas encore terminée. Arrivée à l’hôpital, elle s’installe dans une grande chambre, décorée sur le thème du bord de mer.

« OK alors, quel est le dernier repas ce soir dans le couloir de la mort ? » elle demande.

Avant de s’endormir, Lydie a un dernier entretien avec son médecin sur la journée à venir.

« Est-ce que tu es toujours d’accord pour faire ça ? » demande de Locht.

« Oui ! Tu es sûr que je ne vais pas me réveiller, n’est-ce pas ? » Lydie répond.

« Dites-moi ce que vous avez encore en tête », demande-t-il.

« Je pense aux gens que je laisse derrière moi. »

« Vous savez ce qu’ils vont penser ? Même s’ils sont tristes, ils sauront que vous avez été libéré. »

A la fin de leur conversation, Lydie serre le médecin dans ses bras. « Ton pull est si doux ! » lui dit-elle.

Le ciel du matin à Bruxelles est d’un bleu vif et éclatant. Dans la chambre d’hôpital de Lydie, les rideaux sont tirés.

Marie-Josée et Denis Rousseaux sont assis de chaque côté de son lit. Les protestations des agriculteurs perturbent la circulation dans toute la ville, mais le médecin arrive à l’heure.

Il demande une dernière fois à Lydie si elle souhaite mourir. Elle répond oui.

« OK, on ​​va préparer les produits. Je vous laisse ensemble encore un peu et nous reviendrons dans quelques minutes. »

De Locht est assisté par un collègue médecin, Wim Distelmans, chef de l’unité de soins palliatifs de l’hôpital. Dans un petit laboratoire, Distelmans mélange la substance à l’aide de trois flacons de Thiopental, un barbiturique.

La seringue est prête. Les médecins retournent ensemble dans la chambre de Lydie, où Denis Rousseaux lui présente Distelmans.

« Alors c’est lui le grand patron ? » demande-t-elle – alors que les autres éclatent de rire.

Ils se rassemblent autour du lit. Échangez vos derniers mots. De Locht annonce : « Lydie, je te dis adieu. »

« On se voit là-haut ? lui demande-t-elle. « Très bien. Au revoir à vous les Belges, au revoir aux Français ! »

Le fauteuil roulant vide de Lydie se trouve face à la porte de la chambre, tandis que les médecins ressortent.

De Locht partage ses impressions.

« Mon sentiment est que la maladie la tuait petit à petit et j’ai mis fin à ses douleurs. Cela correspond à mon éthique de médecin », dit-il.

« Je n’ai absolument pas l’impression de l’avoir tuée. J’ai l’impression d’avoir écourté ses souffrances. »

Ensuite, avec Distelmans, il finalise les documents qu’il devra soumettre à la commission de surveillance de l’euthanasie du pays.

Avant de partir, il échange quelques mots avec Denis et Marie-Josée Rousseaux. « Nous l’avons libérée », leur dit-il.

Quatre jours après sa mort, Lydie a été incinérée et ses cendres dispersées dans un jardin commémoratif en périphérie de Bruxelles, par le personnel du crématorium. Aucun membre de la famille n’était présent.

La loi belge de 2002 dépénalisant l’euthanasie exige au moins deux avis professionnels pour étayer la décision du patient, l’un émanant d’un psychiatre et l’autre d’un médecin.

Il précise que la demande doit découler d’une « souffrance physique ou mentale constante et insupportable, ne pouvant être atténuée, résultant d’un trouble grave et incurable ».

En 2022, 2.966 personnes ont été euthanasiées en Belgique, selon la commission fédérale de surveillance. Sur ce total, 53 résidaient en France.

nsp/jca/ec/db/bc

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