Les terres communes invisibles de France menacées
La campagne française est parsemée de milliers de biens communs fonciers, dont beaucoup restent cachés à la vue et aux politiques, mais contribuent à la biodiversité, aux moyens de subsistance et aux services écosystémiques. Ces communes foncières portent différentes appellations : sections de commune, cayolar, prudhommie, consortage, marais, patus, pateq, et bien d’autres encore. Cependant, bon nombre de ces biens communs, et notamment les plus de 40 000 sections de commune, sont menacés par les propositions de loi actuelles qui visent à abolir complètement ces biens communs fonciers, à supprimer les droits communautaires et à placer la terre sous le contrôle de l’État. Depuis 2013, et à partir de la Révolution française, l’État a régulièrement promulgué des lois réduisant la capacité des collectivités à s’autogouverner, et plus récemment plaçant la plupart de ces biens communs sous la protection des collectivités locales, sans concertation.
Ces propositions de lois, visant à accaparer les terres des sections de commune restantes, sont proposées avec peu de réflexion ou d’étude sur la contribution de ces communautés au fil du temps à la création et au maintien de la biodiversité, ou peu de considération pour les divers services écosystémiques qu’elles entretiennent. Une étude récente publiée par l’UICN France en octobre, sur les Autres mesures efficaces de conservation par zone (OECM), qui inclut le cas d’une section de commune, montre clairement que lorsque ces communs ont le droit de s’autogouverner, ils peuvent gérer efficacement leurs ressources et conserver la biodiversité et contribuer ainsi au Cadre mondial de la biodiversité. Dans de nombreux cas, ces contributions ne sont pas reconnues, malgré les nombreux cas où des communs fonciers se superposent à des espaces protégés ou à des zones de biodiversité en France (ex. Natura 2000, ZNIEFF, parcs régionaux, etc.). Cependant, d’autres études de ce type sont nécessaires (et sont prévues) pour mettre en évidence les nombreuses façons dont les biens communs fonciers contribuent aux résultats environnementaux et sociaux.
En octobre 2022, un groupe de chercheurs, d’autorités locales et d’ayants droit a présenté des travaux lors d’une conférence au Sénat français, organisée par le sénateur Pierre Ouzoulias, pour inspirer une nouvelle proposition de loi qui reconnaîtrait et protégerait ces biens communs. La proposition s’inspire des actions récentes de l’Italie dans la Vallée d’Aoste pour reconnaître et soutenir leurs consorteries.
La conférence a vu une diversité d’experts juridiques, universitaires et du paysage discuter de modèles juridiques potentiels et comprendre l’importance socio-environnementale de ces biens communs. Des témoignages d’Italie, de Suisse, d’Écosse et d’Angleterre ont montré comment d’autres pays européens ont modifié leur législation pour reconnaître leurs biens communs. Les témoignages d’ayants droit français des sections de commune et des cayolars ont étayé la manière dont les ayants droit gèrent actuellement leurs ressources et leurs terres. Le chemin est encore long avant que de nouvelles lois soient proposées, mais une coalition d’acteurs a été formée pour aider à soutenir le processus politique de reconnaissance et de protection de ces précieuses parties de la campagne française, dont beaucoup contribuent à la biodiversité.
Le programme des conférences est consultable ici : https://www.fac-droit.univ-smb.fr/fr/2022/09/la-relance-des-communs-fonciers/
Le rapport UICN France OECM est consultable ici : https://uicn.fr/les-autres-mesures-de-conservation-par-zone/