Les promesses électorales coûteuses en France attisent les craintes de dépenses excessives qui risquent d’enfoncer davantage le pays dans la dette
PARIS — Les promesses sont séduisantes – et coûteuses.
En lice pour renverser le gouvernement centriste du président Emmanuel Macron lors des prochaines élections parlementaires à deux tours les 30 juin et 7 juillet, les partis politiques français d’extrême droite et d’extrême gauche s’engagent à réduire les taxes sur l’essence, à permettre aux travailleurs de prendre leur retraite plus tôt et à augmenter les salaires.
Leurs promesses de campagne menacent de faire exploser un budget gouvernemental déjà gonflé, de faire monter les taux d’intérêt français et de tendre les relations de la France avec l’Union européenne.
Les élections anticipées pourraient bien remplacer le gouvernement centriste boiteux de Macron par un autre dirigé par des partis dont les campagnes ont abandonné toute prétention à la discipline budgétaire, a écrit jeudi l’économiste Brigitte Granville de l’Université Queen Mary de Londres sur le site Web de Project Syndicate.
Les turbulences ont commencé le 9 juin, lorsque les électeurs ont donné à Macron la défaite face au parti d’extrême droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national, aux élections parlementaires européennes. Macron a rapidement et de manière surprenante convoqué des élections législatives anticipées, convaincu que les électeurs français se mobiliseraient pour empêcher le premier gouvernement d’extrême droite de prendre le pouvoir en France depuis l’occupation nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Macron est aligné à la fois contre le Rassemblement national de Le Pens et contre le Nouveau Front populaire, une coalition de partis d’extrême-centre-gauche.
Le centre s’est en quelque sorte évaporé, a déclaré l’économiste français Nicolas Véron, chercheur principal au Peterson Institute for International Economics. Le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire sont radicaux dans des domaines très différents, mais ils sont tous deux très éloignés du courant dominant.
Les extrêmes politiques profitent du mécontentement généralisé des électeurs face à la hausse douloureuse des prix, à la compression des budgets des ménages et à d’autres difficultés. L’économie française est en difficulté : le Fonds monétaire international s’attend à une faible croissance de 0,7 % cette année, contre le peu impressionnant 0,9 % de 2023.
Les promesses politiques de remettre de l’argent dans les poches des électeurs ont poussé les économistes à sortir leurs calculatrices. Leur réponse : les coûts pourraient être considérables, au moins de plusieurs dizaines de milliards d’euros.
L’annonce de la montée en puissance du Rassemblement national a fait chuter l’indice boursier français CAC 40, qui a enregistré sa pire semaine depuis plus de deux ans, même si le marché s’est quelque peu calmé la semaine dernière. Les rendements des obligations d’État françaises ont également augmenté en raison des inquiétudes concernant la pression potentielle sur les finances publiques.
Macron a reconnu que les promesses économiques du Rassemblement national pouvaient peut-être faire plaisir aux gens, mais il a affirmé qu’elles coûteraient 100 milliards d’euros (107 milliards de dollars) par an. Et les plans de la gauche, a-t-il affirmé, sont quatre fois pires en termes de coût.
Jordan Bardella, le président du Rassemblement national qui ambitionne de devenir Premier ministre français lors des élections, a critiqué le chiffre cité par Macron, affirmant qu’il avait été tiré du chapeau du gouvernement. Mais Bardella n’a pas encore détaillé le coût des projets de son parti ni comment ils seraient financés.
De même, la liste de 23 pages des promesses de campagne des Nouveaux Fronts Populaires ne précise pas leur coût et ne détaille pas comment ils seraient financés. Mais la coalition s’engage à abolir les privilèges des milliardaires, en taxant plus lourdement les hauts revenus, les fortunes et autres richesses. Il dit qu’il n’a pas l’intention d’alourdir les dettes de la France.
Le leader d’extrême gauche Jean-Luc Mlenchon, dont le parti France Insoumise présente le plus grand nombre de candidats dans la coalition, affirme que sa plateforme nécessiterait 200 milliards d’euros (214 milliards de dollars) de dépenses publiques sur cinq ans mais générerait 230 milliards d’euros (246 milliards de dollars). milliards) de revenus en stimulant l’économie française.
Bardella promet de réduire de 20% à 5,5% les taxes sur les carburants, l’électricité et le gaz, car je pense qu’il y a des millions de Français dans notre pays qui cette année ne peuvent plus se permettre de se chauffer ou sont obligés de limiter leurs déplacements. L’Institut Montaigne, un groupe de réflexion basé à Paris, estime que le coût de cette promesse se situe entre 9 et 13,6 milliards d’euros par an en perte de recettes. Le ministère français des Finances estime que le manque à gagner dans les caisses publiques sera encore plus important : 16,8 milliards d’euros par an.
À gauche, le Nouveau Front populaire s’engage à geler les prix des carburants, de l’énergie et des denrées alimentaires de première nécessité dans le cadre d’un plan visant à aider certains des plus pauvres de France. Il promet également une augmentation considérable du salaire minimum, le portant de 200 euros (214 dollars) à 1 600 euros (1 711 dollars) net par mois. L’Institut Montaigne estime que ces deux engagements pourraient représenter un impact annuel compris entre 12,5 milliards d’euros (13,4 milliards de dollars) et 41,5 milliards d’euros (44,4 milliards de dollars) pour les finances publiques. Il prévient également que la hausse des salaires pourrait nuire à l’économie et à l’emploi en rendant la main d’œuvre plus coûteuse.
La gauche comme la droite s’engagent à revenir sur la réforme des retraites que Macron a fait adopter en force l’an dernier au Parlement malgré des manifestations massives dans la rue, en faisant passer l’âge de la retraite de 62 à 64 ans pour contribuer au financement du système de retraite. Cela risque de rouvrir la question politiquement controversée de savoir comment la France peut continuer à financer correctement les retraites alors que sa population vieillit.
Avant même les dernières turbulences politiques, la France était déjà sous pression pour faire quelque chose au sujet de son budget public déséquilibré. Les observateurs européens ont critiqué la France pour son endettement excessif. La France fonctionne déjà avec un endettement plus élevé que ses voisins européens, avec une dette publique estimée à 112 % de la taille de son économie. Ce chiffre est à comparer à moins de 90 % pour l’ensemble de la zone euro et à seulement 63 % pour l’Allemagne.
L’UE insiste depuis longtemps pour que les États membres maintiennent leurs déficits annuels en dessous de 3 % du produit intérieur brut. Mais ces objectifs ont souvent été ignorés, même par l’Allemagne et la France, les plus grandes économies de l’UE.
Le déficit de la France s’élevait l’année dernière à 5,5%. La Commission européenne a recommandé que la France et six autres pays entament une procédure de déficit excessif, entamant ainsi un long processus qui peut finalement contraindre un pays à prendre des mesures correctrices.
Les prochaines élections législatives concernent la chambre basse du parlement français, l’Assemblée nationale. Macron resterait président jusqu’en 2027 même si son parti perdait, ce qui pourrait nécessiter une cohabitation difficile avec le Rassemblement national à l’extrême droite ou le Nouveau Front populaire à gauche.
Macron, qui a cherché à maîtriser les déficits budgétaires de la France, aurait un pouvoir de décision considérablement réduit sur la politique économique, mais il superviserait toujours la politique étrangère et de défense. Avec un gouvernement de gauche ou de droite aux commandes de la politique économique, les problèmes budgétaires du pays resteraient probablement sans solution, ce qui conduirait à une hausse des rendements des obligations françaises.
Le scénario cauchemardesque serait une répétition de ce qui est arrivé au Royaume-Uni en septembre 2022, lorsque la Première ministre de l’époque, Liz Truss, a effrayé les marchés financiers après avoir proposé une vague de réductions d’impôts sans réduire aucune dépense pour les compenser. Le plan Truss a immédiatement fait chuter la valeur de la livre sterling et des obligations du gouvernement britannique. La Banque d’Angleterre a finalement dû intervenir pour stabiliser les marchés financiers, tandis que Truss a démissionné après seulement 45 jours de mandat.
Quelque chose de similaire pourrait se produire si un gouvernement français de droite ou de gauche choisissait d’ignorer les règles budgétaires de l’UE et se lançait dans une frénésie de dépenses qui ferait chuter les obligations françaises et ferait monter les taux d’intérêt. La Banque centrale européenne pourrait alors être contrainte d’acheter des obligations françaises pour faire baisser les rendements et calmer les marchés.
La BCE serait réticente à venir au secours de la France tant que le futur gouvernement n’aura pas mis en place un plan crédible pour réduire le déficit, a écrit jeudi Andrew Kenningham, économiste en chef pour l’Europe chez Capital Economics. Mais si les rendements échappaient à tout contrôle, elle pourrait également être obligée d’intervenir, tout comme l’a fait la Banque d’Angleterre.
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Wiseman a fait son rapport depuis Washington et Choe depuis New York.